ROCCO MODE D'EMPLOI...
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Assez régulièrement, je m’amuse à parler des gens qui entourent mon quotidien. C’est assez marrant à faire, je dois le reconnaître aussi, ça tombe souvent sur des femmes. Souvent, que dis-je, systématiquement. Pour aujourd’hui, j’ai donc décidé de parler d’un homme, moi. Je suis la star de ce jour et je pense qu’on va bien rigoler.
Suite à un échange que je pourrais qualifier de légèrement tendu, chose banale à la maison, entre ma femme et moi alors que, de mémoire, j’avais à peine cinq pour cent de chance d’avoir raison et de m’en sortir, taux de réussite le plus haut depuis quatorze ans que je la connaît, dans cette étreinte langoureuse où je me faisais particulièrement descendre et qui a eu lieu pas plus tard que samedi, à l’heure de l’apéritif ou du réveil, détail sans grande importance puisqu’en fin de compte c’est presque la même chose, m’a femme m’a fait comprendre pas mal de choses. Bon, désolé pour la répétition mais comme je suis lancé, je n’ai pas trouvé de synonyme adéquat sous la main, je le laisse tel quel pour l’instant, on verra bien plus tard. Au pire, si cet affront vous pose problème, rien ne vous empêche de passer à une autre activité qui sera certainement plus intéressante que mes conneries avec lesquelles je vous assomme. Pour les plus ardues, cela continue dans mon paragraphe du dessous, juste le temps pour moi de boire un verre de breuvage composé d’eau et de sirop, solution délicieuse mais qui comme chez vous, au regard de la couleur, ne doit certainement pas respecter le dosage prescrit sur la bouteille.
Sans trop rentrer dans les détails, elle me fit comprendre pour la énième fois que je n’écrivais pas avec assez avec mes tripes et me demanda, si, par hasard, je ne faisais pas des poèmes uniquement par facilité. C'est quelque part flatteur parce que pour moi, tout reste d'un calibre relativement bas. Selon elle aussi, écrire peut s’avérer être une formidable psychothérapie, sachez madame Lapin que j’en prends bonne note. Elle m’expliqua enfin que je la faisais carrément chier parce que j’écoutais trop l’avis des autres. « Qu’est-ce que t’en a foutre de ce que les autres peuvent bien penser de toi ? »
Après avoir écouté ses bénédicités, au début, je dois reconnaître que j’étais un peu vexé, à la manière d’un moine ayant perdu sa virginité avec une sœur qui n’aurait pas fait l’amour depuis trente ans, ou même plus et qui aurait trouvé en son amant un étalon pour la faire dévier de sa fois, pour se donner libre au plaisir du sexe bestial en s'éloignant de cette triste église pour laquelle est s'est prostituée corps et âme. Mon égo en a pris un coup mais j’ai tenté de mettre de l’eau dans mon bénitier. Je l’ai trouvé assez dure mais pour une fois, j’ai usé de mes cellules grises qui habituellement fument au quart de tour et voilà ce qu’il en ressort, juste une femme qui me voit plus intelligent que je ne pense être moi-même. Elle est persuadée que je peux faire dans une gamme au dessus, elle me pousse à aller chercher plus loin en moi ce que j’aimerais vous dire. Donc, pour la forme, on dira que tout ce que j’ai fais avant c’était de l’entrainement intensif et que cette fois, je vais réellement m’y mettre. Je vais passer la seconde, pour la troisième, on verra plus tard. Là où elle a raison aussi, c’est que j’écoute trop les gens qui m’entourent, presque à m’en faire marcher dessus, à me faire écraser comme une… merde ! C’est pas très joli comme expression mais là au moins, tout le monde comprend, je peux pas faire plus simple et plus imagé. Elle a raison, cela modifie mon style et perturbe mes idées, faut que je fasse attention à ne pas me laisser pourrir. Le seul truc qui me reste en travers de la gorge et qui me fait de la peine, c’est que les textes qu’elle aime sont ceux où je parle de moi. Ce sont ceux qui la touchent le plus, c’est là où généralement je me délivre complètement. Ok, c’est logique mais en même temps, si j’arrive à écrire quelque chose de correcte en parlant de moi uniquement, ça veut dire que mon nombril reste mon seul sujet de préoccupation, celui où je suis en mesure d’être à la hauteur en me foutant du reste ? Mauvaise traduction de ses propos. Peut-être est-ce les cellules qui travaillent trop, la parano qui m’emmène à penser jusque là, sans doute. De toute manière, on en reparle plus tard, c’est promit.
Une femme quoi qu’on en dise, ça a toujours raison, messieurs sachez-le. C’est marrant, avec juste une petite phrase, je suis presque certains qu’elle me pardonnera d'avoir eu des idées trop hâtives. Je la connais aussi. « t’a raison mon amour… comme toujours… » Voilà, c’est réglé !
Sans savoir si son avis est objectif, je dois reconnaître qu’il reste constructif alors, pour le coup, je vais devoir travailler d’avantage pour aller chercher au fond de mon cerveau ce qui s’y cache. De toute façon, elle me connaît mieux que quiconque, vous pouvez lui faire confiance. Le premier pas est difficile. Déjà, on sent la gêne qui s’installe, le rythme du claquement des touches du clavier commence à réduire de manière assez conséquente, je reviens sur mes phrases, je crois même que si je devais rebrousser chemin ce serait la meilleure chose à faire. Après ce texte, je pense que je vais passer pour un détraqué mais qu’importe, puisque je dois prendre des forces, solidifier ce seul talent que j’ai, je vais le faire. La première résolution à prendre pour parler de soit, se dévoiler au maximum, c’est d’être le plus sincère possible avec soit même, quitte à ce que cela puisse anéantir des années de dures labeurs. Une idée déjà trotte dans ma tête. Si pour le moment je n’ai jamais ressenti le malaise de la page blanche, ce sont mes idées noires qui vont peindre une fois de plus cette toile qui est destinée à vite être oubliée. Le texte préféré de ma femme, c’est celui où je parle de mon frère. Je vais prendre la même direction sans interdit et pour les seuls qui seront là pour me retenir, les plus caractériels, je vais passer outre.
Ce sentiment est assez étrange parce que j’y vois un univers où tout est démesuré, un monde dans lequel un petit garçon avec une coupe de playmobill, un pull à carreaux bleus qui ne s’aime pas, marche, perdu, levant la tête en regardant de tous les côtés, dans une grande forêt faite de marais et d’arbres aux vielles racines dans lesquelles il ne cesse de trébucher, comme si la boue ne suffisait pas pour s’enliser. Il se retourne, constate que derrière ne se trouve dans l’obscurité qu’une pauvre vielle chouette de mauvais augure, qui hulule pour lui faire monter l’état de stress à son paroxysme. Sans choix possible, il reprend son chemin, qui, d’un coup, se termine sur un immense mur dont il ne peut y voir le sommet, le ciel est noir, les étoiles sont cachées par les gros nuages qui, paisiblement, couvre la surface de la terre pour laisser un gout immonde de suicide tellement la tristesse lui poinçonne les entrailles. Au milieu de cette muraille apparait une énorme porte en fer qui semble être lourde, mitraillée par des boulons dans tous les sens, sur laquelle est affiché un petit panonceau où il est indiqué de manière scripturale « Cerveau, attention danger, frappez fort et essuyez vos godillots avant d’entrer ! »
Que se cache-t-il derrière cette grosse porte grise ? Le petit garçon peine à voir que trois mètres au dessus de lui se trouve un petit œuf de bœuf. Si petit, si frêle, comment pourrait-il se faire connaître ? Il aimerait tant y accéder qu’il va devoir se dépasser pour transgresser les lois qui régissent sa douloureuse existence depuis trop longtemps. Il aimerait bien mais il hésite encore. Pourquoi danger ? Qu’est-ce qui ce cache derrière, de si beau et si fort, pour le retenir encore prisonnier de son passé ? Ce petit garçon, particulièrement bien élevé, ne peut pas entrer parce qu’il reste enchainé à ses douloureux démons et ce fardeau le pèse. Vous ne pourrez pas le contredire, il sait qu’il a raison, ses démons, c’est cette saloperie de paraître. Depuis tout petit, il a été éduqué pour être bien vu auprès des autres, quitte à se faire marcher dessus. Il en a marre. Il aimerait bien faire quelque chose. Je sais pas pour vous, vous vous dites qu’il est très bien comme ça et qu’il ne devrait pas changer mais déjà, là, s’il vous écoutait, il sait qu’il obéirait encore une fois à ce qu’il tente de dompter, son image de pacotille qui maintenant risque de s’effriter comme un mur de ciment fait par des maçons Ukrainiens, bourrés à la pisse de leur alcool locale, encore sous le coup du sarcophage de la centrale de Tchernobyl. D’ailleurs, le cerveau où il essaye d’entrer, c’est ça, une centrale prête à exploser, avec au cœur du réacteur des souvenirs entreposés les uns sur les autres. Le sang irrigue l’ensemble mais à trop vouloir en mettre, ça finira bien pas exploser.
S’il lui prenait l’envie de tout envoyer chier ? Juste une fois, une seule petite fois pour dévoiler toute la teneur de sa véritable personnalité ? Si comme sur les paquets de gâteau il devait y avoir une étiquette pour indiquer la composition au consommateur, ce serait indiqué la chose suivante : 80% à teneur garantie en dégout, 5% de colère, 5% de mensonge, 5% de désir de mort irrévocable, 3% de représentations qui sonnent aussi fausses les unes que les autres, 1% d’amertume, colorants : sourire (E150), blagues pourries (E130), incapacité à dire quelque chose et à assumer ce qu’il pense. Fabriqué en France, à Mâcon, pour le compte de la famille AUBOEUF SAS. Mis en service le 09 avril 1977, à consommer avant le 18 juillet 1980.
Le petit garçon au cœur taché d’ecchymoses engendrées par une salve d’obus balancés pour tuer, contre lesquels il s’est battu et on se demande comment ou pourquoi, hésite parce qu’au travers de ces lignes, il se dit qu’il est en train de vous prendre à partie, vous prendre en otage et c’est injuste. C’est surtout dégueulasse parce que vous, peut-être, vous n’y êtes pour rien du tout.
Sans seul autre ami véritable que sa carapace, se retrouve devant cette gigantesque porte. Il l’a regarde en levant la tête, là haut vers le ciel et il a peur, très peur, fragile, il se met à sangloter. Il se gratte là tête et pense que cette transition risque d’être périlleuse. Il sait maintenant pourquoi il veut le faire. Playmobill en a franchement marre de ces conneries, s’il le pouvait, il s’envolerait loin dans un autre monde mais il le sait, derrière lui des gens seraient attristés alors il se contient. Tiens, dans un enterrement, ce qui pour lui reste le plus douloureux, c’est la tristesse plus que la perte en elle-même, c’est une éponge, à force de l’essorer on y découvrirait presque une sensiblerie à fleur de peau. Ça coule dans un petit filet, quelques gouttes, beurk, c’est franchement immonde. Une éponge, dans une maison, il parait que c’est ce qu’il y a de plus dégueulasse avec juste en dessous les claviers d’ordinateur, mon outil de travail. Bon, pour mon père c’était différent mais là j’avais une excuse en or, j’ai jamais apprécié d’être mis au premier rang. D’ailleurs à ce propos, j’ai dit un jour à ma femme que je préférerais qu’elle parte la première pour ne pas qu’elle puisse souffrir à cause de moi, quitte à choisir, je préfère que ce soit l’inverse. Je l’ai déjà fait dans le passé, ce serait dommage au moment de mon dépôt de bilan de la voir en larmes, en plus, quand elle pleure, elle est pas jolie et moi, de ma femme, c’est son sourire que je souhaite garder en mémoire.
En tout cas, pour ce petit garçon, sa vie, d’une manière globale, est au bien-être ce que François Valéry est à la chanson Française. Il veut y accéder à cette putain de machine complexe dont émane une énergie nécessaire à la réalisation de son rêve. C’est dur, c’est très dur. Ce qui l’étouffe le plus, c’est soit la parano ou le manque de confiance en lui. Les deux sont certainement liés. Le manque de confiance se traduit par le fait de vouloir se résigner à accéder à sa forteresse, tant convoitée car peut-être, il risque de s’y prendre une fois de plus comme un manche. Il hésite, tremble, fais demi-tour sur lui, recommence à broyer du noir, en se disant que c’est pas bien de jouer à un jeu dont il ne connaît pas les règles. A force de se sentir humilié pendant tant d’années, au bout d’un moment, ça forge le caractère de manière totalement inadéquate pour répondre aux coups de poignards que peut subir un adulte. A chaque fois c’est la même chose, il se replie sur lui en position fœtale, il n’en peut plus. Sa lui rappelle trop sa mère, qu’il aime certes mais dont il voudrait bien se détacher pour pouvoir évoluer, avec ses propres défaites, ses réussites aussi, mais enfin pour essayer de découvrir ce qu’il est en vérité. Sa mère, ça lui rappelle trop de mauvais souvenirs, ça lui rappelle l’enfer.
Ce jeune garçon, timide, plongé dans la dépression, regarde cette étape qu’il doit franchir et déjà elle lui semble insurmontable. Si seulement son manque de confiance n’était pas aussi prononcé, peut-être qu’en faisant un petit effort ça pourrait passer comme quelque chose d’inaperçu mais là, quand même, c’est soulever des montagnes. Il sait que ce n’est pas son seul obstacle, il y a sa paranoïa aussi. Par moment, elle disparaît mais à d’autres, elle surgit comme un monstre pourrait le faire d’un placard, en pleine nuit, dans la chambre d’un enfant qui se cache sous les draps, suffoquant sous le poids de la couette et de la peur du noir. La nuit, de toute manière il n’aime pas ça, c’est trop triste. Il préfère veiller tard et s’occuper plutôt que d’aller se coucher, c’est trop de difficile. C’est les gamelles qui volent, les engueulades de ses parents, c’est l’annonce de l’accident de voiture de son père alors s’il aime dormir, c’est partout sauf dans son lit. A croire que le lit c’est fait pour baiser et pas autre chose.
La paranoïa ça peut venir de très loin. Ça peut pourquoi pas venir de ses premières années de vie où il était sans cesse rabaissé. Par qui, il n’en sait rien mais le problème est là, il n’a jamais été mis à sa valeur. A croire que de vouloir être humble c’est se détruire pour ne pas vivre exclu de la société. Société mon cul ouais, tu parle, c’est celle qui ne m’a pas donné la chance de réaliser ce dont je rêve aujourd’hui, être simplement libre. Comme dans un cirque, le petit garçon se voit au milieu de la piste, déguisé en clown, attaché par des fils que dirige un marionnettiste planqué dans l’ombre des projecteurs. Il bouge dans ce petit espace, entouré de la foule en délire qui rit quand son maitre lui fait faire n’importe quoi. Il fait la gueule, prie pour qu’on arrête mais non, le spectacle continue, jusqu’au bout, ça fait mal de voir tous ces gens qui l’observent, qui l’humilient en le montrant du doigt. Putain le maquillage coule, maintenant, le nez rouge peine à tenir debout. Le petit garçon, sa parano, c’est celle-ci, celle d’être démasqué dans un coin de rue par un spectateur qui rigolait de lui deux jours plus tôt. « Ah tiens, c’est l’autre pantin, qu’est-ce qu’on a bien rigolé on le voyant se faire manipuler… ! ». A croire que cela en est devenu le quotidien parce que quand les choses sont bien faites, le résultat reste le même, de la gêne, de la honte de bien faire.
Ce qui est le plus usant encore c’est que dans sa tête, il cherche la cause de ce déséquilibre mental, il cherche, il cherche mais il ne trouve pas. Il ne demande pas de compassion, il ne demande aucune pitié, il aimerait juste savoir ce qui se passe dans cette masse mole et spongieuse. Le plus drôle dans cette histoire, c’est que quand la machine fonctionne correctement, quand il est bien dans sa peau, son entourage dit qu’il fait le fier. Peut-être est-il condamné à vivre malheureux, avec sa belle sur laquelle il se repose complètement comme sur une béquille. Un jour, elle risque de se casser, va falloir penser à faire quelque chose avant qu’il ne soit trop tard.
Oui, le petit garçon, il est là devant son pire cauchemar, un cerveau dont il ne peut rien réparer, il est tout cassé et la garantie est dépassée. Il cherche même la notice mais sans succès. Il aimerait à la limite le faire évoluer, il cherche juste au fond de ces poches la clef pour y accéder et entrevoir un indice, pouvant éventuellement lui être d’un grand secours, rien de plus. Il se demande sur quelle base partir. La cuisine par exemple c’est pas son domaine. Bien qu’ayant fait des études pour y arriver, à part les nouilles et mettre de la salade dans une assiette, il est d’une nullité sans nom, pis faut voir le plan de travail après son passage. Le bricolage c’est pas la peine non plus. Changer une ampoule pour lui, c’est l’avoir entre les doigts, l’éclater avec le pus qui coule à flot pour la faire réapparaitre ailleurs, sur un corps déjà bien avancé dans le temps. La politique, ah oui, c’est intéressant la politique. Mentir c’est facile. Finalement, on va laisser tomber aussi cette piste. Mais merde, que lui reste-t-il au juste à cet enfant ? Il est où son sujet de prédilection ? Dans la poésie de superette, vendue en bas d’un rayon à côté des céréales bon marché, les paquets saturés en sucre avec une surprise en plastique comme cadeau ? Le cadeau en plastique, dans ses poèmes, c’est quoi, une vulgaire métaphore envoyée par ci par là ? Un peu fade à vrai dire. D’ailleurs dans ce rôle, il joue peut-être plus celui d’un usurpateur qu’autre chose. La littérature, il n’y connaît rien, il n’a même jamais lu de livre de sa vie ou alors très peu, c’est quand même assez limite. Il est à l’écriture ce que les gitans sont au rempaillage de chaise, omniprésent avec une éloquence digne des plus mauvais romans de gare. C’est uniquement pour cette raison qu’il écrit avec un style personnel, si particulier, parce qu’il est vierge des grands auteurs de ce monde qui eux seuls méritent d’être considérés de « grands hommes ». Pour lui, écrire, c’est juste une planche qui sert afin de marcher sur un sol ferme qui ne vaut pas un clou, pour lui qui se considère comme une fève que tout le monde veut trouver avec un bolet de cidre frais à la main, celle qu’on suce une fois retirée de la galette et qui termine à la poubelle, dans la plus grande indifférence générale. C’est pas grave, le principal c’est d’y croire, ma femme est certaine que je vaux mieux, alors, je dois avancer et montrer qui je suis. Ça fait un peu le type qui vient de trouver la lumière cette histoire. C’est de mauvais coup comme passage. Tant pis, après tout, c’est ce que je pense.
Ce petit garçon dont je tenais à vous parler aujourd’hui, c’est un faible, c’est un lâche. Il est devant la grande porte d’un cerveau protégé par des barbelés et un chant de mine qui s’égosille quand on marche dessus, le moindre faux pas étant juste celui qui fera exploser encore une faille parmi tant d’autres, pour mieux lui cracher à la gueule que ces complexes sont là pour lui dire ce qu’il est. Ce petit garçon, il n’a jamais supporté ce monde dans lequel il est né, il en éprouve un véritable dégout, un gigantesque rejet, si écrire est pour lui un feu d’artifice pour exprimer sa colère et ses douleurs, alors, le bouquet final sera sa délivrance. Il est juste triste, pendant toutes ces années il a été élevé au rang de déchet à commencer par moi-même. La nature est comme ça, elle ne tolère pas les faibles dont ce petit garçon fait parti.
Bon allez, maintenant, faut ouvrir cette porte, fonce, tu n’as que très peu de temps. Sur le parcours d’embuche qu’il te reste à franchir, garde le cap, je sais que tu peux y arriver. Je te vois si proche dans mon imagination, quelque chose te retient, je vois que tu n’ose pas. Ton cœur bat de plus en plus vite quand les distances diminuent entre toi et cet accès blindé. Déjà dans ma tête j’entends le bruit des armes qui tentent de te faire-faire marche arrière mais tu ne peux pas, tes ennemis sont derrières et te suivent aussi. Au diable l’assaillant ! Tu commence maintenant à courir, droit devant toi, essoufflé, désabusé par la difficulté, tu tombe, mange de la boue, tu te relève en essuyant les larmes de tes yeux, ton petit pull est gaugé de soupe de terre mais tu dois le faire. Ce cerveau, tu t’en approche, tu reprends ta lutte dans une cadence frénétique, tu cherche juste à trouver refuge, tu galope en mettant le bras levé devant toi en te penchant vers l’avant, tu crie de souffrance, les monstres qui te suivent depuis tant d’années sont là pour te dévorer à tout jamais, oui, derrière toi mais non, ne regarde pas, les cadavres sont ceux de ceux qui ont tentés d’accéder à la tour de contrôle avant toi. Ils ont échoué parce que même remplis de bonne volonté à vouloir bien faire dans l’effort, l’idée de nuire était plus grande. Ils ont là, complètement bouffés par les vers et les mouches qui tournent, mais toi, tu ne veux que mon bien alors viens, abandonne et oublie ton point de départ, je t’y aiderai. Tu sais, moi aussi j’ai besoin de toi, j’ai besoin de te sentir prêt de moi pour trouver les réponses à mes questions.
Arrivé enfin à destination, le petit garçon commence à entendre un verrou qui s’actionne, grincement assourdissant dans lequel une lumière aveuglante se met à passer, en un rayon, le plus grand des mystère. Le petit soldat qui vient de se battre contre ses cauchemars est enfin habilité à entrer. C’est bien, tu as été vaillant jusqu’au bout, tu mérite de tout savoir.
Finalement, tu es déçu, tu t’attendais à quelque chose de beau mais c’est pire que ce que tu avais osé imaginer. Tout est y sombre, tout y si froid, lugubre, tu pense que tu es allé beaucoup trop loin. Dans un coin se trouve une bibliothèque dont on ne peut en voir le bout. Chaque livre est une partie de ma vie que tu va pouvoir découvrir. Il y en a, oui, je sais, ils sont pleins de poussière mais pardonne moi, le ménage, c’est pas mon fort. Par où commencer ? Celui de ce petit instant où j’ai un jour signaler un mal de gorge pour annoncer une envie de vomir en voiture ? J’y peux rien, j’ai toujours été malade à l’arrière. Celui où un jour où j’ai eu la bonne idée de mettre sans dessus dessous une cuisine, pour rappeler à ma mère mon existence, en lui faisant croire que c’était un voleur ? Lui faire croire à un mal de dos à m’en clouer au sol pour ne plus pouvoir me relever ? Celui de cette soirée, où par vice immonde, ai eu la bonne idée d’aller mettre le feu dans un lavoir ? Celui d’avoir menti à autant de filles en leur déclarant mon amour pour les tromper derrière ? Celui d’avoir passé mon temps à fumer des pétards, boire de l’alcool, pour partir dans un autre monde, avec des illustres inconnus, complètement en dérive, dans le seul but de me sentir finalement bien pour me dire que j’avais de la chance ?
Voilà, l’intégralité de ma bibliothèque est à ton entière disposition. C’est déjà assez compliqué à l’instant même où je te parle alors par pitié, tout a été classé, fait attention au rangement. Au pire, si l’envie d’acte de vandalisme te vient à l’esprit alors fais-toi plaisir, tu m’aideras certainement.
Oui, je le reconnais, je suis un lâche. Je remets sur la faute des autres mon manque de contrôle, de m’être totalement laissé aller durant toutes ces années. Si aujourd’hui je suis en accord avec moi-même, c’est peut-être finalement pour me faire pardonner de n’être qu’un être humain. Femme que j’aime et avec laquelle je vis, si j’ai réussis à entreprendre cette croisade, c’est un peu grâce à toi, sache que je t’aime.