Roulette

ecorcheur

Le juge :
Entrez, condamné, justifiez-vous de vos torts
Et faites le avec panache, ma balance est penchée
Quoi ? Vous un saint aux yeux délavés ?
J’en ris en je pleure pour celui qui est mort

L’accusé:
Ce n’est pas moi ! Comment aurai-je pu ?
Sur ce visage aux traits d’ange, jamais je ne vis
Aussi bel émoi que quand je lui tenais la main
Et suis-je sur, suis-je certain
Que même les eaux du Gange auront la berlue
Ô Justice des Hommes, si à la fin
Tu condamnes celui qui ne fit rien
Hormis que de pleurer son ami

Et celui-là je crois
Je crois bien que c’est moi

Le juge :
Silence, misérable, quelle folle vanité
Anime en toi ce semblant d’espérance
Sache que celui qui ose encor parler
Après avoir infligé tant de souffrances
De drames et d’offenses
Ne mérite que potence

L’avocat :
Voyons messeigneurs, un peu de bon sens
Tout cela n’est que parodie
Voyez mon client, pauvre agneau de dieu
Âme vagabonde dans les limbes en feu
Celui-ci, je vous le dis
Est un Saint, et je le pense

Le juge :
Quoi, avocat ! tu défends cette vipère ?
Ce crapaud baveux, cette triste chimère ?

L’avocat :
(Didascalie :
Tout ébahi)
Je ne sais ce qui me prit
Mais Dieu m'impose de nourrir ma famille
Sans moi elle crierait famine
Baignerait dans la vermine
Alors pitié pour ce que j’ai dis

Le juge :
Soit, avocat
Mais ne recommence pas !
Quant à vous, les jurés
N’ayez à hésiter
Faites votre office
Séance tenante
Sentez le délice
De la mort imminente

L’accusé :
Le seul coupable ici-bas
C’est toi, infect magistrat !
Triste liseur de droit à la balance truquée
Alors messieurs les jurés
C’est cet homme qu’il vous faut condamner

Combien des nôtres furent par toi jetés
Dans l’arène sableuse du Colisée
Déjà dévorés par la misère de leur vie
Cela ne t’a-t-il pas suffit ?

Le juge :
Ignoble scolopendre, comment oses-tu
Insulter de la sorte le teneur du glaive ?
Je rirai te voyant pendu
Comme j’en ris dans mes rêves
Et puis…

Les jurés :
Veuillez nous excuser
Mais nous allons nous retirer
Pour mieux nous récuser

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