Sales injections

expirations

texte de 2010 rattrapé par l'actu du jour:

Ces derniers temps, un ancien débat est réapparu en France concernant l'ouverture éventuelle (à Paris) de salles d'injection.

Ces structures gérées par des travailleurs sociaux où les usagers de drogue peuvent venir consommer dans des conditions d'hygiène et de sécurité adéquates.

Non, on ne va pas t'en vendre là-bas et non ce n'est pas un rade à piquouze. Ça sert à entrer en contact avec une population difficile, à réduire le nombre d'overdoses et toute autre saloperies infectieuses et surtout à offrir un début d'aide, une porte ouverte sur autre chose à des gens que tout le monde rejette.

Bien sûr une pléthore d'arguments en défaveur de ce projet circule. Le plus simple, le plus con : ça va inciter à la consommation. No comment...

Si en fait : Qui a envie de devenir toxico sous prétexte qu'on va lui fournir la seringue ? Levez la main.

Plusieurs questions parmi lesquelles celle-ci : encadrer, est-ce accepter ?

L'avis qu'on peut avoir sur le sujet dépend, je pense, beaucoup de l'image qu'on a des premiers concernés.

Et pourquoi les aider ? Le SDF, la femme violée, la victime de Tsunami ? Bref ceux qui n'ont pas choisi ce qui leur arrive, oui. Mais le camé ? C'est bien fait pour sa gueule, il avait qu'a pas commencer.

Vraiment... ?

OK personne lui a planté l'aiguille dans le bras, mais se réveille-t-on un matin pluvieux avec une irrésistible envie de sniff ou d'intraveineuse ? Même si le café vient à manquer, je crois pas. Y'a autre chose. Qui dépasse la volonté.

Doute-t-on qu'un boulimique ait un problème de comportement vis-à-vis de la bouffe, l'alcoolo de la bibine ? La substance change, mais le problème reste. Alors ? Les tox ? On en fait quoi ?

Faudrait peut-être commencer par les comprendre avant de juger. Je sais on les aime pas. Les drogués, ça pue, c'est moche, ça a les joues creuses et ça fait peur, ça, t'arraches ton sac pour une dose et à part ça, ça en branle pas lourd de la journée. Bref, ça sert à rien sinon à emmerder le monde. Mais la drogue et la délinquance, c'est la cause et la conséquence. Faudrait voir à pas tout confondre.

Et puis si on creuse plus loin, si on remonte un peu dans le temps, c'est qui ? C'est toi, c'est moi, c'est tout le monde avec un tas de circonstances autour, c'est la rencontre d'une faiblesse et d'une occasion. Y'a pas préméditation. C'est le mauvais endroit, le mauvais moment, le mauvais karma. N'est pas « Enfant de la chance », comme chantait Gainsbourg, qui veut.

Il faut pas dire « Fontaine je ne boirai pas de ton eau. » Parce que le jour où t'es devant et que tu crèves la soif, tu ravales tes proverbes. La suite on la connait. Pas besoin d'être agrégé de biochimie pour comprendre.

Revenons à ces salles et aux raisons d'y aller.

Le camé il aspire à deux choses : s'en sortir ou crever. Mais dans les deux cas rapidement, le long terme c'est pour les autres. Zoner, voler, monter, descendre ou rentrer la gueule éclatée d'un deal foireux, c'est pas une vie.

Ben si justement, à peu de choses près c'est la leur. La came offre pas 36 issues, sans aide, y'en a deux : la taule ou le caveau, dans les deux cas les murs sont proches. Claustros et amateurs de panorama, s'abstenir.

Et même conscient de ça, il en coulera de l'eau sous les ponts et de la merde dans ses veines avant qu'il demande de l'aide. Alors pour pointer son nez qui saigne dans une salle d'injection, à mon avis faut un sacré élan de volonté et une grosse dose de lucidité. Et de cette petite lueur timide et éphémère, il faut savoir profiter.

C'est « Au secours » hurlée d'une voix cassée qu'il faut entendre à cet instant. C'est la tristesse sans larme qu'il faut percevoir, le désespoir sans fond qu'il faudra combler.

Alors si les salles d'injection peuvent mener à ça, servir de tapette à souris géante où le fromage est une seringue et le ressort dans la gueule un soutien, et bien oui elles ont une raison d'être.

« La première salle a ouvert à Berne en 1986. En 2003, il y avait 62 salles de consommation en Europe, réparties dans 36 villes de quatre pays : la Suisse, les Pays-Bas, l'Allemagne et l'Espagne. » Observatoire européen des drogues et toxicomanies (OEDT), février 2004

Aucune depuis n'a jamais fermé.

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