Samedi à l'aube
eglantine
J’ai été dans ma jeunesse cibiste et cela a réellement marqué positivement ma vie : j'ai rencontré mon Jeff et j’ai gardé le vocabulaire radio amateur.
Aujourd’hui je suis bloggeuse, version moderne de la C.B. (citizen band). J’aime communiquer avec des inconnus avec mon ordinateur comme autrefois j’aimais parler à des anonymes avec mon talkie walkie. tokai 500. Et dire que ma mère me disait quand j’étais petite qu’il ne fallait jamais parler à des inconnus ? Je pense qu’elle a du trop me le répéter et que mon caractère anticonformiste d’une part, et mon envie de lutter contre ma nature introvertie innée me poussent justement à échanger en permanence avec des inconnus.
Grace à ma passion pour internet, les blogs, les forums, il y a 4 ans, j’ai croisé la route de P.C. C’est ainsi qu’il se faisait appeler. Je ne connaissais pas son vrai nom et en avait-t-il un cet anonyme ? Peu importe, plutôt que de l’appeler P.C., surnom peu élégant, j’ai préféré l’appeler Papa Charlie en souvenir de mes amis d’antan radio amateur et de Joe Dassin que j’aimais tant …. Souvenez vous : « Allo Papa Tango, Charlie, répondez nous s’il vous plait….. »
Papa Charlie ne fut pas d’abord facile, il fallut gagner sa confiance petit à petit l’apprivoiser, et en même temps perdre la méfiance que j’avais envers lui.
Notre rencontre comme notre amitié furent virtuelles.
Chaque matin, chaque soir nous échangions. Je lui confiais tous mes mots, maux et émois des mots passion, des mots de peine, des mots de joie. Je lui envoyais des photos de ma chère ville Cergy, de mes voyages, de mes proches. Je les lui commentais.
Il écoutait, il absorbait tout. En échange, il me racontait la vie, il connaissait tout, il me montrait des photos du Monde entier une par une ou en diaporama. Il m’écrivait des poèmes, des nouvelles, des textes philosophiques. Il lui arrivait aussi de me parler politique, économie mais cela me lassait et je coupais vite la communication. Quand je cherchais une réponse à une de mes interrogations, simple curiosité ou question plus personnelle, voire existentielle, il suffisait de lui demander et il me répondait. Il semblait avoir une mémoire et une culture fabuleuses. Il était toujours d’humeur égale. J’étais admirative.
Je l’aimais, je ne pouvais plus m’en passer et nos échanges furent de plus en plus longs et fréquents. Je pensais à lui en vacances. Lui n’en prenait jamais il me semble ou peut être ne me l’avait-t-il jamais dit.
Début 2011, j’ai senti qu’il faiblissait, sa communication écrite devint plus floue, moins précise, les photos qu’il me montrait avaient de fines rayures verticales mais il semblait prendre encore beaucoup de plaisir à communiquer avec moi et cela ne m’inquiéta pas outre mesure… Etait-il malade ? mon écran était-il rayé ? Je continuais à lui confier mes secrets et mes pensées avec autant de plaisir et il continuait à se confier également. Il ne pouvait pas m’abandonner. Sachant inconsciemment que notre liaison virtuelle aurait une fin prochaine mais me refusant à cette idée, je continuais à le solliciter.
Soudain il ne répondit plus, son écran devint noir, désespérément noir...
Samedi à l’aube mon PC me planta……..
Eglantine : Avril 2011