Sang dessus- dassous - Emergence

Katrin Blanch

Chapitre 8

             Et je croyais m'en tirer comme ça ! Refermer le livre en même temps que la cicatrice et reprendre une vie normale. Tari l'écoulement par lequel s'évacuait depuis plusieurs mois l'ordure viscérale qui avait envahi et endommagé ma tuyauterie. Obturée la crevasse qui avait fait l'objet de tant de rituels sanitaires capables de préserver mon intégrité face aux microbes. Elle était ma plaie ouverte sur le monde - devenu gigantesque bactérie - le suintement jaunâtre qui n'en finissait pas de m'exposer au danger de l'insalubrité ambiante qu'un corps clos croit traverser indemne. Le lien ombilical symétrique menant à la mort et non plus à la vie. Que sommes-nous d'autre qu'une forme vivante qui fait ce qu'elle peut durant quelques décennies dans un environnement hostile où on l'a jetée ? Bien maigre carapace que notre épiderme contre l'agression quotidienne et omniprésente des éléments et de nos semblables.

          Disparu le pansement sur l'orifice qui m'était devenu mystérieux à force de m'être caché. Passé par tous les aspects que la chair vivante oppose à la putréfaction toujours menaçante, il m'effraie. Fait-il partie de moi ? Trace indélébile d'un acharnement collectif pour repêcher mon salut par cette toute petite fente en mon centre de gravité, quelle boursouflure me laissera-t-il au bas-ventre ? Pour ne pas ouvrir, on a percé. Pour ne pas balafrer, on a foré. Promenades plus verticales que transversales de ces mains étrangères aux instruments métalliques, au hasard de mes boyaux en chantier. Souvenir corporel d'une formidable intrusion en plusieurs épisodes. Tout cela va bientôt disparaître sous la panoplie diurne de la femme active qui prétend que tout va bien. Plus personne ne se penchera sur moi pour ausculter à nu ma régénérescence. C'était devenu rassurant comme toute habitude. Quelqu'un veillait sur moi, un œil et des mains féminines tels ceux du jardinier dans sa verrière, méticuleux, bienveillant, presque amoureux de ses petites protégées végétales. Quand l'homme se redresse, il retourne seul au combat, même au milieu des siens. Plus de prétexte à l'indolence, plus d'attache à la pesanteur. Sortir de l'enlisement, du bourbier et se remettre en route comme si de rien n'était.

          Sauf qu'il faut réapprendre à marcher : se retrouver adulte le cul par- terre, c'est tomber de plus haut et de plus raide ; les jointures sont usées. Je remonte sur le vélo comme avant et je pars à bon rythme, trop heureuse d'incarner à nouveau le rôle du bien- portant. Je l'avais sous-estimé, ce n'est finalement pas un rôle de figurant. On le néglige, on le gâche une vie entière et au moment de nous le retirer, on le pleure ! Je ne parviens plus à passer les vitesses et je pédale dans le vide. Impossible d'avancer ou bien la pente me recale. Je m'essouffle et je m'arrête au bord du chemin, perdue, seule. La tête prise en étau entre deux rumeurs lancinantes : la petite voix nasillarde de la culpabilité et celle, plus sourde, de l'incompréhension. Je ne sais plus qui je suis ni où je vais. Tous les repères auxquels j'accrochais le fragile fil conducteur de ma minuscule existence se sont évanouis dans mon fort intérieur. Pourtant, l'environnement extérieur que j'ai construit sciemment continue de leur faire écho et je n'y comprends plus rien. J'ai perdu le sens de ma destinée et la clé de mon passé. La croyance, l'implication dans les activités quotidiennes qui font qu'on se projette au-delà de la survie ne sont plus au rendez-vous. Elles avaient déjà subi quelques dommages, la baraque était fissurée d'un peu partout. Je vois mes proches œuvrer autour de moi, s'affairer consciencieusement – dans l'intérêt de ma propre conservation – et il me semble qu'ils s'agitent… pour rien. D'eux ou de moi, lesquels sont les plus fous ? Je bascule dans une dimension où plus rien de nos mascarades incessantes pour que tourne le monde n'a de sens. Pourtant je les envie : pouvoir de nouveau, ne serait-ce qu'une journée ou même une heure, me concentrer sur un travail, sur un objet, une réflexion. M'extraire de cette torpeur contemplative et m'engouffrer dans la pensée productrice, protégée par les barrières de la raison, sommée par les gendarmes de la volonté. Respirer de satisfaction le soir et me rendre grâce dans une oisiveté bien méritée. Impossible. Je reste comme un pantin désarticulé, un épouvantail au milieu d'un désert que moi seule surplombe. Mon désert, celui de mon cortex cérébral. Est-ce ce voyage là, austère et vertigineux, pour lequel partent les personnes en fin de vie ? Est-ce le fameux sas, avant le néant, que j'aurais pris à l'envers ? Je suis revenue à la vie mais je n'aurais peut-être pas dû. Je n'y ai peut-être plus ma place. Je suis comme un enfant ou un animal qui vit au caprice de ses sensations et au gré de ses envies. Incapable de monter à l'étage supérieur et de reprendre le dessus sur moi-même. Les seuls êtres avec lesquels je me sente en phase ne sont pas des hommes.

             Et pourquoi pas, après tout ? Quel mal y – a – t – il à vivre quelques temps avec les muqueuses psychologiques à vif ? Voyons, c'est interdit quand on est grand ! Ou bien c'est le propre des artistes, les seuls à qui on le pardonne. Il faut se rassembler, se ressaisir, se reconditionner vite fait. Pas le temps de tergiverser, encore moins de se lamenter. Trop tard pour se chercher à nouveau, je suis trop vieille. « Qu'est-ce que ça a bougé en toi ? Ne t'en préoccupe pas, ça se remettra en place tout seul avec le temps. » Je reçois ces certitudes comme un placébo, une dose d'homéopathie sur une écorchure purulente. Je ne ressens rien de rassurant ni de familier en moi malgré les jours qui passent. Les plaques tectoniques se sont bel et bien désaxées et je me trouve comme amnésique. « Une pauvre petite chose », me dit plus tard un médecin qui me sortit de l'ornière. J'ai perdu mes codes d'accès. Un jeu de dés que je secoue et lance désespérément pour retrouver la combinaison antérieure. Une sorte de rupture d'anévrisme : l'esprit englué dans une pâte mentale que même à quinze ans, dans mes pires fixations d'adolescente, je parvenais à décoller. Panique. Mon entourage se remet à me solliciter comme avant car « je suis guérie ». On ne me pardonne plus mes écarts, mes maladresses, mes excès. Je ne suis même pas censée avoir recouvré mes facultés mentales puisque je ne les avais pas perdues : tout s'est passé au sous- sol. Ma santé psychique est un « allant de soi » pour tout le monde et je suis seule à en douter. En écrivant ceci, j'en doute moins mais quelque chose a changé, s'est déplacé de l'organique à l'émotionnel sans plus atteindre le rationnel. Ma lecture de la vie et de l'organisation humaine n'est plus la même. Elle creuse violemment, rageusement les tranchées qui s'étaient déjà formées en moi, longtemps avant, quand je n'osais partir au front, quand je doutais encore du combat à mener. Je ne me sens plus aucune complaisance pour ce jeu de Monopoly géant auquel je n'en finis pas de perdre parce que de la race des faibles, des inadaptés au temps « économique » qui parachève les principes naturels de sélection. Des contemplatifs, de ceux qui ne savent pas conjuguer le sens de la vie au « projet » lucratif qui a dévasté le monde, et qui maintiennent tout juste leur dignité aux exigences de la survie autonome.  

           Dégringolade psychologique très dangereuse car ici-bas aujourd'hui, l'instinct de conservation doit impérativement rester en prise directe avec l'intelligence rationnelle. Pourtant c'est comme si je n'avais plus de paupières, plus de filtre. Quelque chose ne fonctionne plus ; ils ont oublié de remettre à l'endroit une pièce motrice. Ils n'ont pas pensé à reprogrammé ma sociabilité. La vie en société n'est que projet conception, construction, pérennisation, destruction puis reconstruction. Nos vies sont des architectures complexes et fragiles, et moi je me sens comme une ville après un bombardement, c'est la désolation. Je me promène dans la rue comme un trompe-l'œil sur pied. A l'intérieur, au-delà des apparences, un monde bouleversé attend d'être réhabilité. Mais l'architecte reste pour l'heure enseveli sous les décombres. Il faut d'abord tout nettoyer car les fondations ont été ébranlées par les petites mains ouvrières de Thanatos.

         Je pensais avant cela que ceux qui aiment et respectent la vie au-delà de tout bravaient la mort. Ce n'est valable que d'un point de vue théorique, une fanfaronnade, un délire poétique. Une posture romantique. On provoque la mort tant qu'on ne l'a pas vraiment approchée, tant que la probabilité naturelle nous éloigne d'elle. Ou bien quand on est si près d'elle qu'on n'a plus rien perdre. Parfois la jeunesse se fait surprendre comme le papillon de nuit sur l'abat-jour. A l'avoir côtoyée rien qu'un instant, on prend un sévère coup de vieux, on devient peureux et frileux. La moindre aiguille annoncée, celle du dentiste dans la mâchoire ou de l'acupuncteur à l'orteil, semble un pieu menaçant. Je suis comme l'animal dont la peur est égale à l'incompréhension. La peur. On la rencontre bras- dessus bras- dessous avec la mort et si l'une vous laisse en sursis pour le restant de votre vie, l'autre ne vous quittera plus. Cette histoire aurait-elle donc fait de moi une pétocharde ? C'était pourtant bien pratique d'être courageux en toute circonstance. Cela évitait les nœuds au cerveau et permettait de prendre les décisions sans trop user du conditionnel. Ces derniers temps, je m'en tiens au subjonctif : « il faut que ». Et ça ne marche pas. Se conditionner à l'injonctif du matin au soir pour endosser le costume rigide de l'actif quand on ne sait plus qui l'on est, où l'on va ni par où l'on vient de passer… c‘est comme se parfumer au vitriol ou se rincer les yeux à l'alcool : de la violence à l'état pur envers soi-même. Le costume m'étouffe, m'étrangle et comme Alice, je grandis ou rapetisse sans lui. Tantôt je me sens plus bas que Terre, cherchant le salut dans la pénombre et le silence, dans le sommeil qui résout tout. Qu'on me laisse, qu'on m'oublie, je ne suis pas prête. Qu'on me laisse dormir à l'infini pour retrouver le chemin de moi-même. Je n'ai pas les yeux en face des trous et je ne suis pas présentable.

              Quelque chose crie en moi mais ne trouve pas de langage pour transmettre son terrible message. Peut-être l'enfant revenu du fond des temps qui en secret, a résisté à tous les moules de la socialisation et ressurgira en vieillard, un jour lointain. L'enfant qui a eu mal et peur au point d'implorer « Maman ! » à quarante cinq ans. Il me ravage de l'intérieur sans me rendre la moindre autorité. Alors tout ce chemin parcouru vers l'adulte depuis tant d'années et à quel prix, c'était pour rien ? L'adulte si tenace à la douleur, si docile. L'adulte qui sait se tenir en toute circonstance. Terrassé par le coup de poing de l'enfant révolté, furieux, terrifié. Ce qui est arrivé ne devra jamais s'oublier car oublier c'est réduire jusqu'à faire disparaître. Et pourtant dans quelques mois, ce ne sera plus qu'un « mauvais souvenir » et l'enfant se rendormira au somnifère de la bienséance.

              Tantôt je crois errer dans une sorte de quatrième dimension d'où je contemple le monde derrière les vitres translucides de la clairvoyance. La réalité me brûle les yeux et m'éblouis comme le soleil au sommet d'une montagne en hiver. Elle est de feu et de glace à la fois. La finitude et le néant parfument toute chose qui me semble vaine et dérisoire. On appellera cet état, plus tard, une « déprime » ou plus médicalement une « dépression ». A cet instant, je me demande qui sont les vrais malades et tout au fond de moi, j'espère retenir quelque chose de cet étrange état car il m'apporte une vérité. Crue, à l'état brut, non assimilée, organisée ni édulcorée par la machine à penser qui loge derrière mon front. Viscérale, sanguine, prise dans la chair elle-même pétrie dans les éléments.

              Je suis seule sur mon manège à cheval qui monte et qui descend. J'ai le mal de mer, la nausée ; il faut que ça s'arrête. Les épreuves fondamentales de la vie se vivent seul et la maladie en est une. La fin du voyage, la sortie du tunnel s'expérimentent seul aussi, alors même qu'on se croit déjà revenu au grand jour. Le sas de convalescence n'est pas signalé et dans le noir, sans rampe, on se cogne à des parois, on trébuche sur des aspérités et on se perd dans le labyrinthe d'un paysage intrinsèque remanié. Je suis passée dans une lessiveuse et d'autres teintes apparaissent ; on m'a battue comme un jeu de cartes et une nouvelle donne est sortie. Avec les mêmes chiffres pourtant. Ma formule n'est plus la même et je me sens comme une contrepèterie vivante. Vais- je glisser doucement de nouveau vers mon lit d'autrefois comme le ruisseau qui se reforme avec la pluie ? Vais- je regagner ma place et rentrer dans mon moule d'origine ? Car mes proches s'adressent à mon moi antérieur et il arrive que je ne me sente plus du tout concernée. Pourtant il ne s'agit pas d'amnésie, ma mémoire est intacte. Je n'ai pas le sentiment d'être devenue quelqu'un d'autre mais d'avoir traversé le temps à grande vitesse. Et en arrière, dans le sens inverse. Comme si j'avais vieilli et rajeuni en même temps, comme si le danger mortel avait réveillé mes pulsions de vie primaires contenues dans les zones abyssales normalement destinées à rester endormies et inconnues de moi. L'armée de réserve en cas de conflit après lequel on ne reconnait plus rien d'une géographie. Une force intérieure mercenaire.

           Le temps passe et j'essaie de m'habituer. Mais le temps, sur lequel on peut compter d'habitude, n'a rien à voir. Quelque chose de vertical en moi contredit sa linéarité et semble condamner mon horizon. Un mur que je ne parviens pas à franchir, le point mort qui patine sans céder à la première. Ni à la marche arrière : où est mon passé ? Une fresque de souvenirs qui défilent dans ma tête mais ont déserté mes entrailles. Plus aucune sensation ne s'associe à eux. D'ailleurs mes cycles menstruels se sont arrêtés et en moi plus rien ne se manifeste de ce qui inscrit normalement la femme dans la temporalité biologique. Une page blanche sur laquelle rien ne peut plus s'écrire. L'impuissance appelle la rage et la violence est tout ce qui me reste après le sommeil ou la léthargie. Privée de force, la violence est dérisoire et si elle parvient à s'extérioriser quelquefois, c'est en pleurs. Je comprends peu à peu que seule, sans aide, je risque de sombrer ou de végéter ainsi durant des mois. Après pareille latence, la bâtisse sera fissurée de partout et imprégnée d'humidité, devenue malsaine. Il faut karcheriser à temps. Mais comment ? La chance. La chance de pouvoir s'en remettre à ceux, si rares et si discrets, qui écoutent et entendent l'être dans sa globalité, le considèrent depuis son histoire et savent repérer puis traquer les zones et les points de tension et de névralgie. Le caillou qui fait dérailler la chaîne, le grain de sable invisible qui compromet tout le système. L'accumulation d'impuretés qui détournent le chemin naturel d'un organe à l'autre. Les restes des mauvais coups, chocs, usures. Les ouvertures jamais tout à fait ou mal refermées. Ceux devant qui l'on peut pleurer sans rapport avec un quelconque chagrin, hurler et se tordre d'une douleur autre qu'épidermique ou organique. La douleur rejeton de la frayeur contenue depuis des mois, à mon insu, dans ma cage thoracique.    

            Mais comment la distinguer de l'autre, de la vieille ennemie avec laquelle on a appris à cohabiter depuis l'adolescence et qu'on a domptée peu à peu ? De celle qu'on rappelle les jours de migraine pour pleurnicher sur son sort et tout expliquer par son atavisme et ses malheurs d'enfance ? De celle qui nous donne un air de singularité : « Personne n'a vécu ce que j'ai vécu, personne n'a la même histoire que moi et c'est à mon tour aujourd'hui de m'apitoyer sur cet unique individu que je suis parmi des milliards morts, vivants ou pas encore nés. Entendez- moi, venez à moi et consolez- moi. Prenez- moi dans vos bras car je suis en pleine tragédie et pour un peu, je pourrais en finir… » Je n'y crois pas un seul instant mais ça fait du bien d'aller se promener par là de temps en temps, dans ces zones d'ombre ouvertes sur le néant, histoire d'attirer l'attention et de remettre les pendules à l'heure avec certains de ses pairs. « Je suis à votre écoute mais s'il vous plaît, pour une fois, écoutez- moi un peu aussi. » Et pour ça il faut que je gueule et que je marche sur la corde du funambule au- dessus du vide. Cette douleur là, c'est du chagrin, de la revendication, de la lassitude ou bien le mal de vivre, le spleen baudelairien. C'est aussi parfois l'impuissance de n'être pas qui on voudrait ou d'être qui on ne voudrait pas. Or il existe une autre douleur psychologique, d'une toute autre nature. Traumatique et rien d'autre. Sorte de déconnexion subite et ponctuelle de tout ce qui nous entoure, elle est proche de la folie. Elle n'a pas d'objet, on se sait pas pourquoi, d'où ni comment elle survient. Rien d'évident ni d'explicite ne la déclenche, ou au contraire, tout, en permanence. Une sorte d'irritabilité inconditionnelle, comme une peau à vif, brûlée au troisième degré… Si elle passe par les mots pour s'exprimer, c'est dans un langage d'incohérence et de précipitation. Pour elle, les mots ne sont rien, tout juste un toboggan sur lequel elle glisse et remonte à l'infini. Ils servent de support, de vecteurs. Mais trop loin de la raison, elle, n'en fait rien. Pour la première fois je saisis des bribes de ce vertige capable de nous séparer de tout et de tous, au point de craindre de ne plus jamais revenir. La vraie terreur à côté de laquelle la douleur physique peut être préférable car elle a encore un ancrage. Parce qu'elle est palpable. Cette douleur mentale là, est invisible, intouchable et intraduisible. L'entourage ne peut que la nier ou pire, l'ignorer. Alors s'ouvre sous mes pieds le gouffre de l'isolement, au beau milieu d'une solitude quotidienne mi- circonstanciée mi- voulue. Isolement et solitude ne font pas bon ménage : il faut être serein ou bien vouloir le devenir à nouveau, pour pouvoir être seul. Personne ne peut percevoir le mal qui me taraude et qui n'a pas de nom. Une sorte de paludisme d'un autre genre.

            Le seul radeau sur lequel je tiens encore est en papier : ce sont ces quelques lignes que je parviens à écrire chaque soir. Mais qui, elles aussi, s'enlisent ou s'emportent, comme un disque rayé sur lequel la platine soudain fait un bond. Un trente trois tours qui défile en soixante dix-huit, ou l'inverse. Tous mes espoirs de rémission intellectuelle se concentrent sur ces pages si difficiles à rédiger. Mais que disent-elles ? Quel est leur sens ? Peut-être n'ont- elles plus d'existence que pour elles-mêmes, sans forcément délivrer de message. Comme moi aujourd'hui.

             Non. Si c'était le cas, j'aurais le mot de la fin or il ne me vient pas. Car au-delà d'exister, vivre est continuer de croire que notre vie a du sens et va quelque part.

 

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