Sang dessus- dessous - Les mots et les liens

Katrin Blanch

Chapitre 6

               C'est peut-être le plus difficile. Pour comprendre les événements qui adviennent dans mon organisme que je surplombe et dont je dépens sans jamais l'atteindre, et pour y accéder, les médecins ont deux possibilités complémentaires : observer, constater, analyser pour diagnostiquer à partir de modèles, de connaissances et d'expérience ; communiquer et entrer en relation avec le patient. Mon langage est donc un vecteur d'information plus ou moins fiable pour l'expert car approximatif, empreint de jugements, d'émotions, de représentations qui grossissent ou minimisent les faits cliniques, la réalité objective. Pour me guider sur la voie de la coopération (comme disent les forces de l'ordre) qui consiste à se comporter exactement selon la prescription et à s'exprimer au plus juste depuis son ressenti, comment le médecin peut-il faire sans créer du lien avec moi ? Et d'abord, qu'est-ce que ça veut dire, créer du lien ? Commencer par considérer ma personne et pas seulement mon corps (ma « machine à être »), me respecter dans mon ignorance, s'exprimer en se mettant à ma portée pour enfin me mettre en confiance. M'interroger puis reformuler mes réponses… Bref, le « b.a.-ba. » de la communication. 

            Pourquoi ce chemin-là qui relie l'humain à l'humain effraie-t-il tant et de plus en plus ? Pourquoi s'y aventure-t-on avec tant de réticence ? Pourquoi ceux qui l'empruntent sont-ils radicalement différents et capables de relativiser tout le reste au point de se sentir libres et légers malgré le poids des ans et des emmerdes (comme dit la chanson) ? Pourquoi rappelle-t-on le valeureux roi Arthur à la rescousse de notre déliquescence moderne ? Parce que nous sommes faits, constitués de liens sociaux, familiaux, professionnels, amoureux… que la science, l'industrie, la gestion et la finance tentent d'arracher à leurs racines pour les instrumentaliser et les convertir en marchandises. Cette nature profonde de l'homme, qu'on persécute et qu'on étouffe, demeure irréductible et ressurgit à la première circonstance de poids. Frôler la catastrophe et être au pied du mur, c'est comprendre violemment combien l'autre, même inconnu, peut nous devenir vital. Malade, je ne peux plus me permettre de revendiquer mon unicité, tout juste mon identité. Le bouclier de l'individualisme ne me protège plus. La logique corporelle dans toute sa crudité réduit à néant nos prétentions dérisoires de distinction ; dans un lit d'hôpital, je ne me démarque plus. Je ne peux soudain plus me séparer de mon semblable en blouse blanche auquel je suis lié par le sang. Alors je réalise que je ne suis rien ou si peu ; quantité négligeable pour l'espèce, susceptible de disparaître en une fraction de seconde, dans un souffle de circonstances contraires à ma pérennité. Et toutes les convenances s'annulent ; le lien avec l'autre, celui qui s'occupe de moi et veille sur ma survie est ombilical. Malade, je suis de nouveau un tout petit enfant, même à quatre-vingts ans.

            Pourtant l'hôpital reste un lieu où nous sommes attendus comme des êtres socialisés donc capables de distance et de bienséance. Comment donc se tenir dignement à la croisée de ces deux dimensions, celle qui meut mon animalité et celle qui anime mon humanité ? Comment trouver et maintenir, alors que je souffre, l'équilibre entre l'expression de mon naturel, triviale mais source d'information et celle de mon statut d'adulte éduqué, qui masque, qui édulcore, qui oublie parfois l'essentiel ? Parvenir à rester avenant, du moins respectueux de l'autre, y compris dans les pires situations de déchéance, de tension ou de souffrance. Voilà un vrai défi pour qui veut faire preuve de la plus noble des formes d'intelligence. A l'origine, un « gentilhomme » est un homme de naissance noble. Être « gentil » en vieux français, c'était être supérieur au sens de garant du progrès humain. Dans une chambre blanche, l'individu pris en étau entre la souffrance et le danger a peine à appliquer les beaux principes prescrits dans les derniers manuels de communication pour managers d'entreprise ou employés soumis aux « risques psychosociaux ». Celui qui sait se tenir à l'hôpital saura se tenir partout où la dignité et l'altruisme sont mis à l'épreuve.

            Elle avait déjà eu ma vie entre les mains, un an plus tôt. Pas les mains dans le cambouis mais dans mes entrailles, comme dans celles de tant d'autres femmes, chaque semaine depuis des années. Cette plongée dans mon centre de gravité, au cœur de mon équilibre, m'avait fascinée. L'intervention qu'elle avait pratiquée sur moi allait m'aider à retrouver une vie normale, me promettait même le bien-être à l'endroit du corps où souffrent tant les femmes depuis l'origine de l'humanité et qui, depuis un demi-siècle, n'est plus une fatalité. J'avais réfléchi à ce qu'il serait advenu de moi cent ans plus tôt, dans la peau de mon arrière grand-mère : personne n'aurait rien pu pour moi - d'ailleurs je n'aurais même pas pensé à consulter un docteur – et j'aurais continué ainsi ma vie, de plus en plus fatiguée, anémiée, grosse et sanguinolente. J'aurais vieilli prématurément, je me serais laissé aller sans même assister à ma propre déchéance dans un miroir inexistant. Je serais morte à cinquante ans, épuisée, et tout le monde aurait trouvé ça normal. J'aurais accompli plusieurs fois mon devoir d'enfantement, de reproduction de l'espèce et c'est tout ce qui aurait compté. Alors une fois le geste de haute couture effectué et réussi, je l'avais remerciée, par écrit, pour cet acte libératoire pour moi et de bravoure quotidienne pour elle. Quelques mots seulement dont elle s'était étonné pour deux raisons : c'était une drôle de façon de voir les choses, un point de vue extrême que les chirurgiens ne pouvaient se permettre d'adopter au risque de perdre leurs moyens ; elle n'avait pas l'habitude d'être « remerciée » par les patients. Le manque de conscience et de reconnaissance du malade bénéficiaire quant à la valeur d'un acte de chirurgie – ou de toute autre thérapie complexe et délicate – est regrettable car ce dernier ne va nullement de soi, représente une responsabilité et une prise de risques énormes. Les diplômes et l'expérience, si difficiles et conséquents soient-ils, ne suffiront jamais à considérer la compétence comme absolue ou infaillible. S'il ne sert à rien de trembler devant un médecin à cause de son statut érigé par notre culture (dont il use et abuse parfois), il faut se rappeler que la médecine n'est pas une science exacte et que, pratiquée par des hommes et non des machines, elle ne peut être « programmée » ni mise en œuvre de manière automatique, standard et systématique. La valeur ajoutée de la main humaine opérationnelle se trouve justement dans sa faculté d'adaptation aux aléas, aux multiplicités et aux particularités que présentent les individus dont la singularité est irréductible malgré les caractères communs. Je me suis donc étonné – je n'ai même jamais compris – qu'autour de moi les yeux et les bouches s'ouvrent grands à l'annonce de l'erreur commise, sur un autre aspect que l'ampleur des dégâts pour moi : tous ont d'emblée, comme instinctivement, condamné à grands cris l'auteure du geste malheureux. « C'est scandaleux, inacceptable ! » Comme si elle avait agi malencontreusement par négligence. C'est là qu'il faut distinguer la « faute » de « l'erreur » professionnelle. L'erreur, contrairement à la faute, est un droit auquel nous avons tous accès dans nos professions respectives et dont on ne peut donc tenir rigueur à personne. Les assurances en font leur fonds de commerce. L'erreur est inévitable et c'est seulement la grande loterie universelle, à l'aune des probabilités, qui décide de me mettre ou non sur sa liste. Je ne pouvais donc lui en vouloir. Pas une seconde, pas un instant même au pire du tourment et des souffrances. Cette idée, que j'ai toujours trouvée absurde, ne m'a jamais atteinte. Selon elle, si mes proches la véhiculaient, c'était naturel, une manière de me protéger, de former un clan autour de moi face au danger qu'on suspecte toujours en présence de l'inconnu. Habituée sans soute, elle n'a pas manifesté d'état d'âme particulier sur ces aspects psychologiques. Pourtant elle m'a répété plusieurs fois, me regardant droit dans les yeux : « Ce qui m'importait était de vous sauver, votre guérison. » Bien entendu, une porte ouverte enfoncée ! me dira-t-on. Non justement, cette parole m'a marquée et n'a jamais rien eu d'évident pour moi : l'aveu d'une période critique, de flottement, où toute l'équipe avançait à vue et ne savait pas quelle décision prendre. L'aveu que le temps, qui nous soumettait toutes les deux à une attente insupportable, couvait un résultat inconnu. La prise de conscience que tout reposait sur moi autrement nommée « mon état et mon évolution cliniques ». Mais je n'avais justement pas la clé de ce moi qui s'était affranchi de ma volonté. Tout se passait au-dedans et au-delà de moi et tout le monde restait suspendu à cette énigme corporelle que les experts ne savaient plus pénétrer. Soudain j'avais retrouvé une sorte d'inaccessibilité y compris à ceux qui autrefois s'introduisaient en moi et décidaient pour moi sans que j'y comprenne grand-chose. Pas du tout confortable, cette reprise de pouvoir ! Très angoissant même de constater que même le médecin s'en remet à vous, rien qu'à vous ! Il vous remet entre les mains votre propre sort dont, malade, vous ne savez que faire.

            Alors commence un étrange dialogue entre soi et soi. Une forme de solitude inhabituelle où l'on découvre qu'on peut entrer en relation et communiquer aussi avec soi-même. « Je est un autre » disait Rimbaud. Commencer par reculer pour se dédoubler comme lorsqu'on parle tout seul en voiture. En réalité, on ne parle pas tout seul mais à un autre soi-même. Puis choisir entre le « tu », comme si quelqu'un était là pour me donner la réplique, et le « je », plus périlleux. Se concentrer, se mettre à sa propre écoute. On a tellement l'habitude d'être distrait, détourné de soi par l'extérieur, par les autres ! Se faire sans complaisance le tableau de sa propre situation, l'état des lieux dont on est le triste seigneur. Ne pas se mentir. Se promettre, s'encourager, se fixer un but et des échéances. Se « coacher » comme dans toutes ces formations ou thérapies où l'on travaille sur soi, où l'on « se travaille » comme un matériau récalcitrant. S'attendre au tournant, s'avancer des objections, se tendre des pièges. Entrer en négociation avec sa conscience… Quel pensum ! Toute la vie se passe ainsi en conflit intérieur entre raison et passion, qui tourne au défi permanent que peu relèvent du bon côté et la plupart du mauvais. Lutter chaque jour, chaque heure avec soi-même, son pire ennemi dit-on : contre la paresse, contre l'allant à la facilité, contre l'impulsivité, contre la mauvaise foi, contre l'égocentrisme… tout ce qui nous enferme en nous-mêmes et nous y paralyse, nous prive de la joie d'être hors de soi pour être au monde. Au moment d'être malade, je n'ai même plus cette mission délicate et sans fin pour m'occuper et justifier mon existence. Je mène un combat bien plus trivial qui se passe de spéculations : celui pour la survie. La lutte confronte là mon psychisme et mon corps et tout l'enjeu est dans leur entente et leur réconciliation. Mais où suis-je dans tout cela ? Perdue. Je ne sais plus à quelle partie de moi me fier ni m'adresser. Je ne sais même plus d'où je parle ni d'où je pense. Le langage est une passerelle trop frêle, dérisoire. Je dois me comprendre autrement, trouver en moi d'autres chemins que ceux qui passent par l'esprit, si étriqué et la sensation, trop violente. L'intuition ? L'instinct ? Repliée dans ce lit et droguée par la chimie, je ne suis plus à même de solliciter mon cerveau reptilien pour capter les mouvements d'une autre matérialité et que nous ne déchiffrons pas encore, dans lesquels je suis pourtant prise. Toutes mes vannes sensorielles sont fermées, asséchées, toutes mes chances abolies de rencontrer quelque élément extérieur, naturel, qui me nourrirait en énergie. Je me sens comme une peau de chagrin, réduite à une seule dimension toute plate, sans relief. Il n'y a pas de pire impuissance que celle à laquelle nous condamne la détresse physique qui nous prive de toutes nos ressources intérieures. Pourtant il en est, il en reste et d'insoupçonnées, d'étonnantes qui nous font ressusciter parfois contre toute attente. Il est et perdure en nous une part de mystère incarné peut-être lié à l'amour, à Éros, au désir…

            L'impuissance envers soi-même et l'autre. Ne pas pouvoir dire, demander, pleurer ni se mettre en colère. Ne pas oser déranger ou avoir peur du ridicule. Craindre d'être impudique ou encore d'étaler au grand jour sa déchéance. « Nous sommes là pour ça, Madame. Ce n'est pas grave, on va nettoyer ! » Certes, mais j'ai du mal à admettre que par moment votre gagne-pain soit fait de ma honte. Je me souviens de la fureur d'un homme, digne toute sa vie, capable malgré son extrême faiblesse d'escalader les barreaux et de délier les sangles d'un lit d'hôpital pour ne pas faire sur lui et se rendre aux toilettes tandis que personne n'était venu à son appel. Mon père. Attendre d'être entendu et compris. La souffrance physique annihile l'expressivité ou rend l'expression animale, basique. Clouée dans un lit, je suis brimée dans mon droit fondamental d'expression. On parle pour moi, on lit pour moi dans mon corps, on le questionne selon des méthodes et des techniques… et parfois on se trompe. Quand d'autres au contraire en font trop et jouent au malade imaginaire, hypocondriaques allongés tout autant qu'hystériques debout. Insupportables. Le personnel soignant est-il alors tenté de céder, de guerre lasse, à celui qui harcèle ou au contraire de chérir celui qui ne se plaint jamais, se montre sage, poli et souriant en toute circonstance ? J'ai expérimenté favorablement la seconde posture – qui est la mienne naturellement – et j'ai pu observer le pouvoir dont les responsables de soins peuvent s'emparer dans le premier cas. Dans cet univers où le malade est avant tout objet et la guérison objectif, on laisse seuls, presque en permanence, les soignants face au sujet qu'il prend par l'âme autant que par le corps.

Mission vertigineuse, qui demande tant de psychologie et de maturité, de patience et de philanthropie ! Travailler la matière humaine toute la journée, sans répit, sans possibilité de repli. Rester face au malheur et à la déchéance engendrés par la maladie et la vieillesse, comme autant de miroirs auxquels on ne peut échapper. En parallèle, se heurter à toutes les difficultés actuelles, incontournables, des organisations de travail (surtout non lucratives) qui vous opposent à vos collègues, à votre hiérarchie, à votre profession malgré votre meilleure volonté. Je crois farouchement que, sauf cas exceptionnel, exercer un tel métier relève de la vocation et non du hasard (à moins d'être fou ou inconscient). Se jeter à corps perdu dans la grande marée sociale pour repêcher les naufragés des intempéries de la vie… Au fil des jours, des contours se dessinent, des profils se détachent. Des êtres se révèlent particulièrement doués pour la relation humaine dans sa pire mise à l'épreuve, d'autres moins. Jeunes, ils vous éclaboussent de toute la fraîcheur de leur enthousiasme et ça fait du bien. Parfois ça fait un peu mal quand on sait ce qui les attend mais chut… il serait vain de les déflorer quand on admet que les choses ne se comprennent que par l'expérience et à la longue. Ils papillonnent, ils s'éparpillent, parfois ils fanfaronnent. Il faut les laisser faire et dire : c'est le sang neuf, l'oxygène, impétueux, de nos institutions qui se meurent. Plus âgés, ils trottent dans les couloirs à vive allure, d'un pas ferme et musclé, le visage tendu, la tête pleine d'une organisation bien huilée, les mains toujours prêtes à l'emploi. Ils vous écoutent moins mais vous rassurent par leur détermination et leur savoir-faire, ils ne se confient pas. Ils ont l'âge des promotions. En fin de carrière, leur corps s'est un peu voûté, leur pas est moins alerte, ils prennent plus leur temps et vont à l'essentiel. Ils parlent sans crainte, ils vous racontent leurs conditions de travail, ils protestent ouvertement. Ils vous prennent à témoin, quelquefois cyniques. Ils ne craignent plus rien ou bien ils s'en foutent. Des milliers d'heures de vol, tous les trois ans sous l'égide d'un nouveau directeur, restriction de budget suite à restructuration… : qu'est-ce que ça peut bien faire qu'un groupe étranger rachète la clinique ? Je ne me repère qu'à l'étoile de ma conscience professionnelle qui toute ma vie de praticien m'a éclairé, guidé, permis d'avancer et de ne jamais renoncer. C'est sur elle qu'on tape, c'est elle qu'on use jusqu'à la corde mais tant pis, je résiste car je suis riche de ce qui n'a pas de prix : un regard implorant, une main tendue qui se crispe sur mon bras, un sourire qui revient, un corps qui reprend pied, la bouche d'un enfant qui avale, des paupières qui se ferment enfin… Les remerciements chaleureux de ceux qui partent et espèrent ne plus jamais me revoir.

Plutôt que « libéral «  on devrait donc employer l'adjectif « libéré » pour parler de celles – et ceux, rares peut-être – qui ont quitté l'institution hospitalière ou la clinique pour travailler à leur compte. Tout en adorant leur profession – sacerdoce selon moi – elles expliquent aisément pourquoi et comment elles ont pris leur envol : pour fuir l'enfer hospitalier qui n'a d'égal, certaines fois, que l'enfer carcéral. Ou pour avoir une autre approche du patient, plus individuelle, moins « industrielle ». Comme chez beaucoup d'entrepreneurs, leur raisonnement initial, plus ou moins conscient, fut le suivant : de quoi a-t-on besoin d'autre que de posséder son métier pour devenir professionnellement autonome ? De maîtriser toutes les autres fonctions de l'entreprise, c'est-à-dire d'être « multicéphales ». Ou presque car une infirmière, malgré la concurrence éventuelle, n'a sans doute pas besoin de se vendre ni de chercher des clients (fonctions commerciale et marketing) dans un pays, socialement sinistré, qui regorge de personnes âgées, dépressives ou hypocondriaques, parfois les trois à la fois. Quelquefois, des gens vraiment malades et ou bien des solitudes humaines sur pied sont réellement dans le besoin mais pour beaucoup, il s'agit d'un accompagnement médicosocial que les structures d'accueil n'ont plus les moyens d'assumer. « Les patients viennent à nous, ce n'est pas le travail qui manque ! » D'ailleurs chaque fois que je tente de retenir la « visiteuse » pour lui offrir un café, qu'il soit 7 h ou à 11 h du matin, elle n'a pas le temps. Elle ne passe pas plus de dix minutes avec moi, elle court de la porte d'entrée jusqu'à sa voiture, elle enchaîne les visites. C'est dommage car on discute bien et l'interruption quotidienne de nos conversations finit par me frustrer. Jour après jour, un lien se tisse naturellement avec ces femmes qui mettent un point d'honneur à rester souriantes et avenantes malgré la fatigue accumulée des réveils à 4 h du matin et des retours chez elles à 20 h. Leur rôle est de s'enquérir de ma santé et de mon bien-être, dont elles sont en partie garantes mais qu'en est-il des leurs ? Pas plus que tout autre « travailleur indépendant », elles ne peuvent se permettre de « tomber malades », au risque de n'être indemnisée que par un système d'assurance autofinancé et non issu de la contribution collective. Un comble ! C'est donc bien le cordonnier le plus mal chaussé.

 

 

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