sans titre 1

Rahma

écrit à la hâte, dans un bus

   Un couple dansait, lentement,silencieusement, les yeux fermés. Ils avaient l'air parfaits, élégants, polis, beaux,heureux. Le rouge des joues de la jeune femme troubla profondément Baptiste qui s'emporta. Pourquoi tous ces gens devaient-ils être si joyeux? Leurs rires, leurs yeux brillants, tout cela n'était que provocations et moqueries. Il s'était réfugié dans ce bar pour noyer sa mélancolie qui ne le quittait plus et voilà que tout, tout la lui rappelait! Il eut une soudaine envie de se lever et d'effacer leurs sourires insolents sous ses coups. Il frappa sa table de son poing. Les femmes sursautent, les hommes froncent les sourcils. C'est bien. Troublons la vie parfaite de ces parfaits inconnus. Laissons les goûter à ne serait-ce qu'une once de la tragédie que je vis.

   Sa main se serra sur le couteau à viande. C'était tellement simple, de tous les rendre malheureux, il n'avait qu'à faire de simples gestes du bras, ce couteau à la main... Ses doigts relâchèrent lentement leur emprise sur le manche de l'objet. Il se mit à pleurer comme un enfant. Les clients commencèrent à murmurer en entendant ses sanglots. La danse du couple devient hésitante, le pianiste fait quelques fausses notes. Baptiste était conscient qu'il était l'objet de tous les regards, de toutes les conversations, mais cela ne l'importait pas. Il leva ses yeux humides pour regarder tous ces gens qui ne le comprenaient pas. Il s'attendait à voir des regards inquiets, des index accusateurs, des rires moqueurs, mais tout ce qu'il vit, c'étaient des yeux rouges. Des yeux rouges, oui, ou plutôt rougis, car ils devaient être noirs habituellement, ou bleus, ou verts, il n'en savait rien, il ne s'y intéressait pas... Des yeux rouges, qui le regardaient, des yeux rouges dans lesquels il voyait les siens, des yeux rouges qui lui procuraient un sentiment qui mêlaient soulagement et détresse, des yeux rouges qui s'approchaient de plus en plus sans qu'il ne puisse s'en détacher, des yeux rouges qui enfin étaient si près de lui qu'il ne pouvait plus les regarder. Il ferma ses paupières et sentit des lèvres se poser sur les siennes.

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