Saudades

zee

Il y a quelques heures, il ne se serait pas imaginé pousser la porte de cette boutique. Il y a quelques jours, il n'aurait pas suspecté l'existence d'un pareil lieu. Maintenant il était là, comme par magie, comme par miracle.
Il savait que sa présence ici n'était pas de sa faute, tout s'était déroulé quelques jours auparavant, quand assis sur un banc, au fin fond du parc Montsouris, il avait senti sous sa main, l'essence de ses envies. Ses doigts caressaient ce morceau de bois, à la peinture décrépite. Ce genre d'écailles qui s'accrochent à la peau, ne veulent pas la laisser partir et qui, parfois, lui laissent un douloureux souvenir. Il sentait aussi la texture granuleuse, un revêtement qu'on serait venu appliquer, sur un bois mal poncé, comme des grains de sables, des grains de peau tout à fait agréables. Et les légères courbes de ces lattes, lui rappelaient les courbes d'un corps, qu'il avait dessiné toute une nuit, pour ne pas en oublier les contours. Il se souvenait de cette allure qu'il avait gribouillé, pour s'en souvenir, toujours. Et de son long nez, il perçut alors l'odeur ce ces pins, de cette herbe fraichement coupée et qui à son esprit ravivait, le souvenir de ses baisés.
Ne pouvant plus soutenir cette nostalgie, ne pouvant plus faire déguerpir ce Saudades inscrit dans les toutes ces petites choses du quotidien, il entreprit un voyage, dont il ne connaissait pas la fin. Il lui a bien fallu du temps et du courage pour laisser passer les orages, pour défier tous ses tourments. Et c'est après tous ces efforts qu'il entra enfin dans la boutique. Boutique qui, sur ses étagères, sur ses établis, proposait les produits rêvés, pour les voyageurs étourdis, pour les arpenteurs de l'esprit.
Du sable dans des fioles de verres, des poèmes ficelés sur de minuscules bouts de papiers, de vieilles listes de choses à faire, des galets du monde entier. Tout était là, tous les souvenirs que l'on n'avait jamais emportés, que l'on n'avait pas su garder. Et ce temple, à la fois du manque et du plaisir, s'offrait à lui, lui tendait les bras lui demandant de se perdre dans tout ce qu'il n'avait pas pu accomplir, lui offrant la possibilité de revivre ses souvenirs.
C'est alors on entendit,
une porte se claquer,
un pas décidé,
Le jour se lever.

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