Senitments numériques

joanandmom

Episode 20. Fini la mascarade, Emma joue franc-jeu.

 

Je suis rentrée hier soir avec un goût amer dans la bouche.

Mais allez, haut les cœurs, nouvelle journée…

Boulot, tête à tête avec le grand Manitou :

« -Dites-moi Emma, vous allez bien ? Je vous trouve une petite mine en ce moment… 

- Oui, tout va bien patron, j'ai déménagé il y a 1 mois pour me rapprocher de ma grand-mère qui se laissait mourir… Bossée jour et nuit dans mon appart' pour qu'il soit habitable, les travaux sont loin d'être terminés mais j'ai lâché…Quand à ma vie amoureuse… »

Son langage corporel me supplie de ne pas en dire plus.

« -Vous voulez que l'on poursuive sur ce sujet boss ?

- Non ça ira, restons en là… » Il esquisse même un sourire de compassion, je rêve…

« - Si vous avez besoin d'aide pour vos travaux, je suis là…

- Hein (bien sûr avec un sourire niais)

- Emma, je suis là, vous pouvez compter sur moi. Dimanche ? On s'y met ?

- ben euh, je sais pas, j'ai pas réfléchi…

- Achetez tout ce dont vous avez besoin, à 2 vous allez voir la rapidité avec laquelle les choses vont avancer…Et ça ne m'étonnerai pas que ma fille se joigne à nous…On vous doit bien ça ! »

 

Ouah, je suis tellement surprise que j'ai du mal à encaisser l'info. Une émotion étrange me gagne, je lutte pour ne pas être dépassée mais je n'y arrive pas, mes yeux se remplissent de larmes… Vous trouvez cela ridicule ? Ben oui, c'est ridicule, parfaitement stupide… Mais c'est moi… Je ne suis pas émue aux larmes qu'il vienne m'aider, je suis émue aux larmes du désert dans lequel je vis pour que la seule personne qui soit là se soit lui… Mon boss… Et vous savez tous, que lui et moi ne sommes ni ami ni proche, c'est juste mon boss ! Je suis touchée par sa proposition, ma faiblesse morale et la fatigue accumulée ses dernières semaines me poussent à accepter sa proposition. Je sais que toute seule je ne finirai pas ses foutus travaux, pas la force ni l'envie. Vous savez je suis comme ça, inconstante.

 

Je le remercie poliment. Je retourne cacher mon émotion derrière mon écran d'ordinateur. Je regarde par la fenêtre, les passants, ceux qui sont distraits, les concentrés, les amoureux, les dames avec un gros ventre et les pire, les mamans… Vous savez, avec leurs poussettes. Leur fierté est indécente… Elles devraient garder leur bonheur un peu « private »,non ?

 

Je suis totalement égocentrée dis donc, aujourd'hui…

Ah! Les autres jours aussi? Flûte…Désolée.

Le bilan que je fais de ma situation est toujours indéboulonnablement le même, VDM…

 

J'ai tellement peur de re-foirer ma vie affective que je m'attache uniquement quand la situation est sans issue…Quand il y a un espoir infime que quelque chose de beau m'arrive, je foire le truc de moi-même.

Prenons Lucas par exemple, je m'attache à lui sans raison aucune, c'est différent, inattendu donc excitant. Aucune chance de le revoir, aucune chance donc de vivre une vraie histoire. Je peux tranquillement pateauger dans ma vie médiocre et sans intérêt… Et merde, voilà t'y pas, que je retombe sur lui, il me montre un tant soit peu d'intérêt, et moi, je prends la fuite, pauvre pomme ! Pour ne pas dire pauvre c---- … Je ne fais pas que fuir d'ailleurs, je m'arrange pour mettre sa parole en doute, pour ne pas avoir l'impression que l'échec m'incombe ! J'immisce le doute en lui, je suis donc en position de victime, je peux alors me plaindre, et continuer sur ce thème ad vitam…eternam.

        Je m'accroche à ma grand-mère, pour ne pas qu'elle se laisse aller, ça aussi c'est très égoïste de ma part. J'ai parfois envie de lâcher moi aussi, alors elle, à son âge, bien sûr que je devrais la comprendre. Je crois que je lutte pour moi à travers elle, si elle lâche, on coule ensemble. J'ai du mal à vivre. C'est aussi simple que cela, c'est dur pour moi d'être en contact, d'évoluer chaque jour dans ce monde. Ce n'est ni facile ni naturel. Tout me demande un effort, je fais le job, je me maquille, je vais de l'avant, mais ça me bouffe toute mon énergie.

Quelqu'un me disait l'autre jour, « je ne me souhaite à personne », je pense tout pareil.

Alors pourquoi essayer de s'imposer à un autre?

Parce que la vie seule n'a pas de saveur, un bonheur n'est rien s'il n'est partagé, c'est vraiment ce que je pense. Je ne vis pas, je lutte pour tenir debout.

 

Bon, il est l'heure, je pars retrouver ma grand-mère, je crois qu'il faut que l'on parle elle et moi.

« -Salut, mamie, tu vas bien ? Qu'as tu fais aujourd'hui ?

- Il ne serait pas temps que tu t'occupes de toi au lieu de passer tes soirées ici avec moi ? Emma voyons !

- Mamie, tu sais ce que j'aimerai ?

J'aimerai rentrer à la maison, oui, parce que j'ai une maison dans la vie dont je rêve…Donc, je rentre à la maison après ma journée de travail, je suis architecte d'intérieur, je passe mes journée à transformer des appartements vieillots en intérieur, chaleureux, cosy, originaux… Ma devise, rien n'est impossible. Mon kiffe, les yeux des clients émerveillés.

J'entends des rires d'enfants venant de l'étage, je monte les escaliers sans bruit. Ma fille aînée est là, ses cheveux clairs attachés en chignon d'où s'échappent de petites mèches, lui donnent un air un peu sauvage, un décoiffé chic, quoi…Elle lit le livre « le petit-frère de Nina » a mon petit garçon calé dans son transat qui la regarde avec ses grands yeux bleus… Je reste dans l'entrebâillement de la porte un instant à contempler mes 2 merveilles… Une voix masculine venant de la salle de bain, appelle Lola, il est l'heure du bain. Elle embrasse son frère sur la joue « je reviens mon bébé, ne bouge pas, et soit TRES sage ». Elle me découvre et me saute dans les bras : «  Maman, t'es là ? Je t'aime fort mamou d'amour ».

 

Ma grand-mère pleure, moi aussi.

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