Sentiments...d'amour?

joanandmom

Emma, Emma, Emma... Qu'est ce qu'on va faire de toi?


           J'emménage ce samedi, mes parents m'ont offerts quelques Bretons, pour porter mes cartons…

Mon nouvel appart' n'est pas terminé, je vais camper à l'intérieur quelques temps.

Je ne suis pas arrivée à tout gérer, pas assez de temps avec ma grand-mère. Que faire ?

Elle m'inquiète vraiment. Elle a des repas qui lui sont apportés tous les jours, elle n'en mange pas la moitié, et aimerait qu'on la laisse crever.

La seule chose qu'elle a trouvé à me dire :

«-Emma, tu as vu ce garçon, le livreur de repas, il est bel homme, non ? Et tu sais, il est célibataire en plus… 

- Mamie, je t'aime vraiment très fort, mais n'essaie pas de me caser, s'il te plait.

- Il te trouve très jolie tu sais…

- J'ai 30 ans passé, il est post-pubère ton livreur ! »

Je suis fatiguée, donc irritable et moins patiente. Pour me faire pardonner, je lui dépose un bisou sur la joue, un bisou qui lui dit tout l'amour que j'ai pour elle.

J'ai une soirée entre filles de prévue, mais je vais rester ici, à côté d'elle pendant qu'elle mange, et jusqu'à ce qu'elle soit en sécurité, couchée.

21H30, je monte prendre une douche dans mon future appart' et récupère des vêtements dans un des sacs que j'ai déjà apporté… Pas vraiment de choix, jean slim, converse, et pull décolleté en V. Un bonnet mordoré assorti aux converses…Fond de teint, blush, khôl, masacara, matifiant, Angel…Voilà

22H00 Métro jusqu'aux Abesses, je rejoins le groupe Au vrai Paris. Vu l'heure, vous l'aurez compris, j'arrive bonne dernière. Après plusieurs apéros pour elles, pas sûre que je sois dans le tempo ce soir, un peu larguée, à côtés de mes pompes, les cernes sous mes yeux ressemblent à des cocards…

Je m'installe et commande un mojito… Les filles parlent beaucoup, de mecs, évidemment…Je les entends dans un brouhaha flou, accoudée sur la table en mode looseuse, regards dans le vague.

« Mademoiselle, excusez-moi, vous avez laissé tomber ça… » Il me tend mon bonnet, je lève les yeux vers lui. Pendant une demie seconde, on reste là, sans bouger, les yeux dans les yeux…

« Merci… » Il s'éloigne et prend place en face d'une jolie brune, à une table un peu plus loin. Je connais ce regard…

«- Oh Emma ! T'es là ou bien ?

- Oui, là… » Où je pourrais bien être…

J'essaie de recoller au groupe, Sabine est venue avec une copine de son taff, elle aussi inscrite sur un site de rencontre. Elle explique qu'elle a établit un organigramme de ses rencontres, comme un arbre généalogique pour s'y retrouver…En haut, tous les hommes qu'elle a rencontrés, juste en dessous ne subsistent que ceux qu'elle a apprécié et revu, la troisième ligne, ceux avec qui elle a couché…J'hallucine. Petite annotation en dessous de la 3ème ligne, un chiffre pour le nombre de fois où…vous avez compris et 2 mots, « lui » ou « moi » indiquant lequel a rompu, et l'autre mot, résumant la raison… Je suis admirative, et abattu par ceci, cette fille est un véritable robot.

Je détourne la tête, une demi seconde, j'ai envie de me barrer. Je recroise le regard de cet homme.  

Le serveur arrive, tout le monde commande à diner, je reprends un verre…

Métro, ligne 5, c'est lui. Donc elle, elle s'est Victoire. Je vide mon verre. J'ai l'impression d'être à une table d'handicapées de la relation amoureuse… Toutes trentenaires, on a l'air franchement ridicule.

J'ai besoin d'un autre verre. J'ai l'impression de flotter au milieu d'un brouillard épais.

Je traverse le resto jusqu'au bar, le patron vient embrasser, la brune, la Victoire :

« Salut, Cathy, ça fait longtemps ! »

Merde ! Je me prends les pieds dans la bandoulière d'un sac posé au milieu de l'allée, je me raccroche in extrémis au pantalon du patron !!

Sur mon front, en grosse lettres qui clignotent LOOSE. 

Il se lève, lui, l'homme du métro, Lucas. Il se lève, et me demande si ça va. « Je voudrais être chez moi, au fond de mon lit, et n'être jamais venue ici, je veux partir ». Je suis rouge de honte, j'ai envie de pleurer.

Il se dirige vers la table de mes copines, il prend ma veste mon bonnet, mon sac, et me les tend.

«- Je te raccompagne jusqu'au métro, viens.

Cathy, je reviens dans 2 minutes, commandes pour moi, s'il te plait. »

Il m'aide à enfiler ma veste, je mets mon bonnet … Dehors il fait froid, la station de métro est tout près, j'aurais aimé qu'elle soit à des kilomètres. On marche à côté l'un de l'autre, le silence comme une pudeur. L'entrée du métro n'est plus qu'à quelques mètres, je suis pétrifiée, peur que mes mots gâchent ce moment hors réalité… Je le regarde discrètement, il me sourit. On est arrivé.

« -Il est jolie ton bonnet.

- Merci. Désolée pour le lamentable spectacle » Je frissonne.

Il pose ses mains sur mes épaules et me frictionne pour me réchauffer. Je ne dis rien.

« - C'était bien de te croiser, enfin, ça m'a fait plaisir…C'est bizarre tout ça… Il faut que j'y aille… Métro ligne 5 peut-être un jour…

- peut-être un jour, oui… »

 

 

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