Sentiments numériques

joanandmom

épisode 12... L'espoir renait...


        Kenan passe la porte de l'agence à midi tapante, j'ai le cœur qui bat comme une gamine. Il m'impressionne ce Kenan, il est un peu mon opposé : calme, pausé, sûr de lui, costume classe, un boulot à responsabilité (il est patron)… Je suis perdue, flippée, agitée, nerveuse, speed, la plupart du temps en converse mais-pas-aujourd'hui-j'ai-mis des-talons-du-coup… Je suis étonnée qu'un mec comme lui s'intéresse à moi… Nos regards en disent long sur cet instant, l'envie mêlée d'un certain malaise…

                Je monte dans sa voiture, je le regarde, c'est bizarre mais j'ai peur de le décevoir, de dire quelque chose qui le ferai changer brusquement d'avis sur moi, peur qu'il me dépose sur le champs… Le déjeuner est agréable, il me fait l'effet d'un maître zen, sa présence me calme, m'apaise un peu…Je respire, ça me fait du bien…

                Mon téléphone vibre, c'est ma mère, je m'abstiens et replonge dans les yeux de Kenan, on discute voyage, parfois je décèle chez lui comme une certaine naïveté, il est avec sa femme depuis qu'il a 20 ans, n'a jamais vécu avec une autre femme, et n'a habité avec elle qu'après leur mariage… Qui fait encore ça de nos jours? Quand je lui parle un peu de ma vie, je crois qu'il trouve ça assez exotique, il se sent étouffé entre sa famille, ses responsabilités, le rang qu'il doit tenir,  il envie ma liberté (qui est vraiment toute relative en fait)…

                2eme appel de ma mère, étonnant, et s'il était arrivé quelque chose à ma grand-mère ???  Mon stress monte…

                Dans la voiture sur le chemin du retour, un nouvel appel, je décroche.

« -Emma, mais qu'est-ce que tu fous bon sang ? ça fait 2 heures que j'essaie de te joindre tu pourrais/

- Bonjour maman.

- Qu'est ce qui t'as pris de refourguer tes chats à mamie ? Franchement, tu peux m'expliquer ?

- Elle les aime, ça lui redonne l'envie…

- Non, ça pue juste le CHAT !!!

- Il faut nettoyer la litière, c'est rien…

- Et tu comptes passer tous les matins pour t'en charger ??? »

                Ma mère hurle tellement que je crois qu'il entend chaque mot, j'essaie de me fondre dans mon siège sans succès, je hausse les épaules avec un petit sourire (de merde), j'ai trop honte…

« - Alors tu passes nettoyer le bordel de tes chats ?

- Non, là je vais travailler, je dois raccrocher » et c'est fait.

                Il me remercie pour cet agréable moment… alors que je sors du véhicule, il me propose un nouveau rdv, il aimerait que je l'accompagne pour visiter une demeure bourgeoise à quelques minutes de Paris « On pourrait jouer à être un couple, ce serait marrant non ? Quand penses-tu ? »

                J'adore l'idée. J'accepte cordialement, avec toute la retenue qui me caractérise.

 

                Je débarque chez ma grand-mère après le boulot, elle aime mes chats, c'est sure, ils dorment avec elle, mais le glissement est encore d'actualité. J'ai les nerfs, je suis en colère. Je la sors du lit, nettoie la litière, et l'aide à s'installer dans la cuisine, lui fait un thé et ouvre le frigo totalement vide. Elle n'a pas mangé tout ce qu'il y avait à l'intérieur, elle a tout jeté. Je lui sors 3 petit brun du placard et la supplie de les manger avec son thé.

                On n'a tellement cuisiné ici toutes les 2, des chaussons au nutella, des tuiles, des gâteaux en tout genre, j'ai essayé des centaines de fois de faire du pain avec de l'eau et du son, sans jamais réussir, elle ne m'a jamais refusé une tentative, on a créée des sorbets à la myrtille, découpés des morceaux de rideaux pour confectionner des vêtements à mes Barbies, elle s'est endormie des dizaines de fois devant les députés, c'était le mercredi je crois…pendant que j'essayais de dessiner Pégard des chevaliers du zodiaque… Elle était là pour moi pendant toute mon enfance, je ne peux pas la laisser dépérir, j'aimerai pour une fois, être à la hauteur, assumer et réussir, juste une fois.

                Je descends chez le maraîcher du coin de la rue et prend de quoi cuisiner pour le dîner.

En retournant devant son immeuble, et en levant un peu les yeux, je vois une pancarte marqué     « A louer », c'est l'étage au-dessus de l'appart' de ma grand-mère, je compose le numéro sans attendre.

« - Allo, bonjour, j'appelle pour l'appartement de la rue Stendhal, au 4eme, oui c'est celui-là…

- Vous êtes une rapide dites-moi, j'ai affiché le panneau il y a 2 minutes, je suis encore à l'intérieur/

- Ne bougez pas, j'arrive

- Ah mais non, ce n'est pas possible, le bien est en travaux pour le moment/ » J'ai déjà raccroché et monte 4 à 4 les marches qui me séparent de LA SOLUTION…

Quand j'arrive il est en train de fermer la porte.

« -Bonjour, on vient de se parler au téléphone…

- Vous êtes toujours à fond comme ça ?

- Euh, (oui, dans ma tête) non, pas du tout, c'est juste qu'il me faut cet appart'… »

Il ouvre son agenda, on va prendre rdv pour que je sois la première à le visiter quand les travaux seront terminés…

« Ah mais, non, il me faut cet appartement, le plus vite possible, on visite maintenant, rapide, promis, allez s'il vous plait, ne me dites pas non, allez… »

                Il regarde sa montre, me dit qu'il doit récupérer sa fille dans 15 minutes, je lui réponds, c'est parfait j'adore les enfants (rien à voir je sais), je visite en 2 minutes… De toute façon même si cet appart' est un taudis, il me le faut… Je rentre, il soupire, pots de peinture partout, seule la chambre a été refaite, je me retourne et lui dit « c'est parfait je le prends » Il y en a encore pour un mois de travaux, et il faut que mon dossier soit accepté…

                Un mois, mamie ne tiendrai jamais, c'est trop long.

« -J'ai un emploi fixe et de très bons garants, par contre, je ne peux pas attendre un mois, j'emménage dans une semaine, une semaine pour refaire, le sol, c'est jouable non ?

- Euh, oui sans doute… Mais il reste le plafond les murs et toute la salle de bain, que vous n'avez d'ailleurs pas pris la peine de visiter … Je crois qu'il faut prendre le temps de la réflexion mademoiselle. Il faut que j'y aille.

- D'accord, je comprends, je redescends avec vous, je n'ai plus rien à faire ici… »

Je lui emboite le pas, au 3ème, j'ouvre la porte, le prend par la main ( il me prend pour une cinglé, je crois qu'il compose le numéro des urgences psy discrètement). On entre dans la cuisine.

« - Voilà, je vous présente ma grand-mère, elle ne peut pas rester seule, j'ai besoin de cet appart', je me charge de repeindre les murs et les plafonds, ils feront les travaux de la salle de bain pendant que j'y habite, ce n'est pas un problème » J'ai les larmes au bord des yeux en terminant ma phrase.

- Appelez-moi demain matin 9H00, je m'arrange avec le propriétaire. »

Je lui saute dans les bras…en pleurant de joie (je suis trop émotive)…

 

               

 

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