Sentiments numériques revisités (épisode 2)

joanandmom

Marcus s'est barré, seul Emma est là... Ses rencontres, ses illusions, ses espoirs...


Un bip assourdissant me fait sursauter, j'écrase mon réveil. On est samedi bon sang ! Toujours ce BIP, ça me saoule … Merde, c'est encore la sirène des pompiers. Je viens de fracasser mon réveil pour rien… Bref, ce n'est pas très grave, il est  8 h00, je remets ma grasse mat' à un autre jour. Une belle journée m'attend.

            Pour commencer, petit footing, parce que le footing ça me détend et pour tout vous dire, il faut absolument que je me détende… En fait, j'ai passé une semaine incroyable…

            Vendredi dernier, alors que je passais la soirée avec « Marc le banquier », j'ai reçu un message d'un gars du site de rencontre, comme j'étais un peu énervée en rentrant, je lui ai répondu un peu sèchement, pensant que ça le refroidirait mais en fait, non. Il m'a réécrit, il est plutôt cool et plutôt très beau gosse…On a échangé des mails toute la semaine, il est graphiste, passionné et passionnant… Vous pensez que je m'enflamme… mais pas du tout… Bon d'accord, peut-être un peu…

            On doit se voir ce soir, et comme l'attente crée l'envie, je ne connais pas encore le lieu de RDV ! Ça me rend dingue, l'inconnu c'est enthousiasmant mais du coup, j'ai du mal à penser à autre chose… J'imagine cette soirée pendant que je cours, j'ai la sensation que je pourrais courir pendant des heures, sans limite, c'est très agréable. Je ne suis plus à Paris mais dans un pays chaud, oui, c'est ça, tout est doux et chaud aujourd'hui.

            Après la douche j'avale illico une crêpe au son d'avoine (oui, Pierre Dukan est mon meilleur ami, depuis 4 ans), et je suis déjà repartie.

            Ligne 5 du métro jusqu'à Gare d'Austerlitz, pas trop de monde ce matin, ni trop d'odeur, c'est cool … J'enchaîne ligne 10, tout va bien. Je vais perdre une heure dans ce monde souterrain mais finalement, je n'y prête pas vraiment attention, je ne suis pas vraiment là en fait. Je me demande où Arnaud (mon graphiste) va m'emmener ce soir, j'imagine différents scénarios pour cette soirée… Je me rends compte à l'instant qu'un magnifique nourrisson est juste à côté de moi, coincé dans son porte bébé. Si petit est déjà plongé dans cet enfer de souterrain, ça craint… Bref, il n'y ait pour rien, ce petit bout de chou à une tête d'ange, il me regarde, son papa me sourit. La vie est vraiment cool aujourd'hui ! J'aime bien les bébés…On est à Sèvre Babylone et OUAH, le métro pile comme ça brutalement. Le bébé n'a pas dû supporter le freinage, un jet d'une force indescriptible sort de la bouche minuscule de cet enfant minuscule, directe sur moi. Je regarde ma veste, je suis dépitée, je crois que j'en ai sur les cheveux aussi. Je relève les yeux vers ce petit monstre si charmant, son papa me tend une lingette en baissant la tête de honte :

« Je suis confus, désolé… »

            Je pu le vomi, je peux immoler ma veste. On arrive à Charles Michels, je me lève : « Raideur de la nuque, photophobie et vomissement en jets, égale méningite, méfiez-vous ! »  Ouah, je m'étonne moi-même, Docteur Meredith Grey sort de ce corps !

            J'atterris rue Linois, l'air pur, enfin (oui, on est à Paris, il vaut mieux dire l'air libre ou frais ou pollué…). Bref, ça fait quand même du bien de respirer même si malgré tout je pu toujours autant, il fait tellement froid que si j'enlève ma veste je meurs, c'est terrible !

             Je prends rapido la direction de Beaugrenelle, je n'y avais jamais mis les pieds jusqu'à ce jour, grande classe, mais pas le temps de pavasser, il faut que je me trouve une veste au plus vite et si possible jolie (eu égard à mon RDV de ce soir). J'aperçois un vrai bijou (de veste) I-Code de IKKS women, c'est mort, je ne rentre même pas, c'est indécent, on se fait du mal pour rien quand on rentre, on se laisse prendre au jeu, on essaie, on adore évidemment et on regarde l'étiquette pour s'apercevoir, que cette petite chose coute un quart de notre salaire mensuel…Bon , pour être toute à fait honnête, souvent, je rentre et j'achète quand même mais là je ne peux vraiment pas… je me rabat chez Morgan, de toute façon, je n'ai plus le choix, mon odeur commence à me donner la nausée. Les gens tout autour doivent certainement me prendre pour une folle avec mon vomi partout mais j'ai une technique pour ne pas m'en apercevoir, c'est une technique d'évitement qui consiste à ne regarder personne dans les yeux, je tourne la tête de l'autre côté ou je fixe un point précis au loin, ça évite toute confrontation avec autrui. Vous devriez essayer, je vous assure c'est top ! Voilà, je range ma veste et l'odeur qui va avec au fond du sac, je me sens déjà mieux.

            Deuxième mission, un cadeau pour ma grand-mère. Oui, je ne me suis pas tapé la traversée de Paris en métro par pur goût du voyage ! Ma grand-mère à 82 ans aujourd'hui même, je rejoins donc toute la famille chez mes parents à 2 rues d'ici, je suis d'ailleurs déjà en retard… J'entre chez Sephora, Chanel numéro 5, classe et intemporel, parfait. Je paye et ressort aussitôt.

            Je remonte la rue en direction des quais.  Ah merde, j'aurais dû en profiter pour me parfumer, ça aurait certainement éliminé les restes …enfin ça aurait limité la propagation des odeurs tenaces de vomi de nourrisson en provenance de mes cheveux ! Je farfouille dans le sac à la recherche d'un échantillon… Une crème antirides, c'est la loose, j'ai trente ans dans un mois et on me colle déjà dans cette catégorie! Ce jeunisme, c'est vraiment agaçant !!!

Un échantillon de parfum, ouf, « Minotaure, l'homme fort »… Mais bien sûr, cette vendeuse post-pubère m'a pris pour une femme d'âge mur qui plus est mariée, c'est GENIAL, j'adore l'idée !!!! Minotaure, ce sera parfait…

            J'arrive chez mes parents, tout le monde est déjà là. Ma mère m'accueille dans le couloir et me dit que je sens bizarre. Je passe donc directement dans la salle de bain pour m'occuper de mes cheveux. Vingt minutes plus tard, tout est redevenu normal, je vais embrasser ma grand-mère, mon père, mes frères et mes sœurs ouho ho ce serait le bonheur… Non je déconne…J'embrasse mon frère, sa femme et ses quatre enfants. On se voit environ 4 fois par an, pour les incontournables fêtes de famille… enfin en général, c'est pas vraiment la fête… Je me sens toujours un peu en décalage quand je suis avec eux, pas concernée par leurs discussions au sujet des marchés économiques et de la crise. Je leur parlerais bien de la crise de mon banquier quand il découvre mon compte le 20 de chaque mois mais bon…

            Je dis bonjour à mon oncle et ma tante, je les aime bien, ils sont vraiment cool, ma tante écrit des bouquins sur l'art de vivre, les jardins, les endroits insolites… Donc elle est tout le temps en train de se balader à droite à gauche, elle est très ouverte d'esprit… Elle m'épargne les réflexions sur le fait que je ne sois pas encore en couple à trente ans, c'est ma mère qui s'en charge, et là, dans la cuisine, mon frère en rajoute une couche :

« -Ah oui, dis-moi, il serait temps d'y penser, l'horloge tourne ! »

            Je le regarde, mes yeux lui disent « mieux vaut être seul que … » et je regarde sa femme pour la fin de la phrase, mais non, je me tais. Je sors de la cuisine, il y a comme qui dirait une erreur de casting dans cette famille et l'erreur… c'est moi.

 

            Je m'installe à côté de ma grand-mère, c'est là que je suis le mieux. Arrive le dessert, le moment du gâteau, des bougies, elle n'aime pas ça ma grand-mère, elle est plutôt discrète et n'aime pas être au centre de toutes les attentions. Elle part dans la cuisine briffer énergiquement ma mère, pas de bougie, elle n'a plus 5 ans, et pas de chanson non plus. C'est très clair, ma mère respecte, un peu chafouin parce qu'elle avait achetée des jolies bougies qui se rallument toutes seules…

            Ma grand-mère ouvre ses cadeaux, un foulard en soie confectionné par une association pour aider les enfants du Mékong, le parfum (elle me fait un clin d'œil, elle sait que ça vient de moi) et une superbe canne décorée, très classe ! Elle ne montre rien de son désarroi, je pense à ce moment-là qu'elle aimerait quitter cette maison en courant… Je vous laisse deviner de qui provient cet objet merveilleux. En fait, c'est un cadeau plein de bonnes intentions, c'est un cadeau qui dit, j'ai peur pour toi, je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose, mais qui le dit maladroitement…C'est la vie, certaine personne ne sont pas doué pour dire les choses.

            Je regarde mes mails sur mon phone, il y a un message d'Arnaud : « RDV au 3 bis rue Denis Papin, dans le 3ème, j'ai hâte, à ce soir ». Un sourire illuminé s'affiche sur mon visage, sans que je puisse le contrôler.

Mon père s'assoit à côté de moi dans le canapé du salon :

« - ça va Emm' ?

- Oui, et toi ?

- Oui. Le boulot, ta vie… ça se passe bien ? » Il essaie d'entamer une discussion, il aimerait que je développe et que je lui parle de moi, pour de vrai. Est- ce qu'il comprendrait la manière dont j'essaie de vivre ? Comprendrait-il mes doutes, mes coups de blues, mon envie parfois de tout plaquer ? Je ne sais pas, je vois ces efforts, ça me touche, mais je ne pense pas qu'il puisse me comprendre, j'ai peur de lui montrer mes faiblesses, peur du jugement. Je botte en touche :

« - Oui, ça va papa, mais tu sais avec la crise, il n'y a pas grand monde à l'agence, mon poste n'est pas remis en question mais c'est tendu, mon boss est sous pression, ça se ressent… 

-Je comprends, ne te fais pas plus de soucis que ça, c'est pour tout le monde pareil…»

Pas mal non, j'ai noyé le poisson comme un rien, pour éviter la suite, je prends les devant :

« -Il va falloir que j'y aille, j'ai une heure de transport… »

J'embrasse chaleureusement tout le monde, je sors et je respire.

 

Le métro, encore et toujours, pas de vomi cette fois.

Retour à mon appart', j'ai décommandé mes copines, j'ai envie de me poser un peu. Musique, j'écoute Denai Moore, affalée dans mon canap'. Je réfléchis à ma tenue pour ce soir, j'opte pour un jean slim gris délavé, je ne suis pas superstitieuse mais il est hors de question que je remette une jupe et les talons de l'autre jour…

Je ferme les yeux pour que le temps passe vite et que je sois déjà à ce soir, ça fait tellement longtemps que je n'ai pas ressenti d'envie comme ça. Je sais très bien que je  ne le connais pas encore mais tout ce que je sais de lui me plais, en fait je crois que j'en ai vraiment marre d'être seule… J'aimerais pouvoir être moi auprès de quelqu'un, sans tricher, jamais… Oui, c'est compliqué, peut-être même complètement utopique mais j'ai envie d'y croire et le fantasme c'est encore gratuit alors (c'est Fauve qui le dit).

             Bon, cette notion de ne pas tricher, en y réfléchissant, c'est intéressant. Je prends sur le champ la décision d'appliquer ce précepte à partir de maintenant. Je vais dire tout ce que je pense, être 100% vraie…Mon Dieu, je crois que je fais une grosse connerie…en même temps, je peux prendre la décision à tout moment de changer d'avis et de revenir à mon fonctionnement habituel, plus confortable. Enfin bref, il faut que je mette mon cerveau sur pause parce que ça m'épuise tout ça…

            Voilà, je suis prête et très en avance, je mets mon pendentif fétiche, c'est un cadeau de ma copine Chloé. Je ne vous ai pas encore parlé de Chloé ? Vous loupez quelque chose. Chloé, c'est un vrai personnage, mais là pour l'instant, elle se fait dorer la pilule sur une plage de l'océan Indien pour son voyage de noce…LOVE, on y croit… dur comme fer…

Je quitte mon appart', il fait beau aujourd'hui, je vais marcher un peu avant mon RDV.

 

            J'arrive à l'adresse du message, je suis devant le Gaieté lyrique, j'aperçois Arnaud.

« - Bonjour Emma, je suis heureux de te rencontrer enfin. Tu vas bien ?

- Tout va bien, je suis heureuse d'être là moi aussi.

- Pour la soirée, j'avais envie de te faire découvrir cette expo, le Happy Show, je ne sais pas si tu l'as vu ?... Moi, j'ai adoré. 

- Non.

- Donc, si ça t'intéresse on peut faire ça avant d'aller manger, ou si tu préfères on peut aller boire un verre ? Comme tu veux.

- L'expo c'est bien.

- Oh, c'est cool. Le thème c'est la recherche du bonheur, j'ai trouvé que ça collait bien avec notre soirée !

- Effectivement, c'est une belle idée… »

Il m'ouvre la porte, prend les billets et nous voilà dans le file d'attente. Beaucoup de monde avec nous…Il s'approche de moi pour pouvoir me parler.

« - Je ne sais pas si tu connais Stephane Sagmeister ?

- Pas du tout. (Mince, je suis inculte, pour un premier RDV, il faudrait que j'assure un minimum, pfff…)

- En fait peu de gens connaisse son nom ou son visage (ouf), il est graphiste, cette expos relate son travail sur la recherche des meilleurs moyens pour atteindre le bonheur, c'est original, décalé…J'espère que ça va te plaire. »

            On pénètre enfin dans la première salle, des encarts sur les murs écrits à la main, le premier devant lequel je m'arrête dit « cette exposition ne vous rendra pas plus heureux (ah merde !). Elle ne vous débarrassera pas de vos angoisses (flute), s'il vous arrive de fondre en larmes la nuit venu (non mais d'où il me connait ce Sagmeister ?) cette visite n'y changera rien…Je vous dit ça pour abaisser vos attentes puisque, vous l'apprendrez peut-être, AVOIR PEU D'ATTENTE EST UNE BONNE STRATEGIE ».

             Bon alors, j'ai l'impression qu'il a lu en moi comme dans un livre ouvert ; je n'arrive pas à avoir peu d'attente, j'essaie mais je n'y arrive pas.

           

            Arnaud me sort de mes pensées, j'étais bloquée devant ce panneau depuis déjà plusieurs minutes…

« - ça va ?

- euh, oui oui, c'est intéressant cette manière de voir les choses, et certainement plein de vérité. »

            Il y a de plus en plus de monde, et comme je ne mesure pas 2mètres 12, j'ai un peu de mal à tout voir, mais je veux tout voir, je veux savoir tout ce que pense ce Sagmeister. Je me retourne, je ne vois plus Arnaud, j'ai les boules, c'est notre premier RDV et je ne m'intéresse qu'à l'expo alors qu'il est prévenant et toujours très beau gosse. Je suis vraiment nulle, c'est pitoyable.

« -Emma, viens » Je viens de retrouver Arnaud, enfin c'est plutôt lui qui m'a trouvé. Pour ne pas qu'on se perde à nouveau, je sens sa main qui prend la mienne délicatement, je le suis, j'ai l'impression d'être en lévitation…Il m'emmène un peu plus loin dans l'expo, c'est plus calme. Dans un recoin, quelques bancs devant un grand écran, il m'emmène devant, il s'assoit par terre.

« - Viens » il me fait signe de m'assoir devant lui.

             Je m'exécute… je ne suis pas une fille contrariante. A ce moment, il ne le sait pas, mais sans réfléchir, j'aurais pu le suivre n'importe où. Je m'assois donc devant lui, il se rapproche pour que je pose mon dos contre lui.  Je ne peux pas vraiment vous expliquer avec des mots ce que je ressens à ce moment précis. Sa proximité me touche, me donne des frissons, je ressens comme une sorte d'attraction, une force invisible qui me colle à lui, j'aimerais que cet instant dur des heures. Je me sens bien, il fait tout ce qu'il faut depuis le début, il est d'une douceur infinie mais en même temps il fait les choses, cette proximité donne l'impression qu'on se connait depuis des mois…Pour me protéger, j'essaie de me répéter la phrase de tout à l'heure : AVOIR PEU D'ATTENTES, AVOIR PEU D'ATTENTES, AVOIR PEU D'ATTENTES, AVOIR PEU D'ATTENTES, AVOIR PEU D'ATTENTES … Trop tard, je suis piégée.

            Le film que l'on visionne parle de spiritualité et de méditation, c'est la seule chose que je retiens en 20 minutes, je ne suis pas concentrée, je pose ma main sur sa cuisse. Je n'en reviens pas de faire ça alors qu'on ne se connait pas, c'est complètement irraisonné, et ça ne me ressemble pas…en même temps (je ne dis pas cela pour me justifier) ça semble naturel, comme si tout était normal.

            Le reste de l'expo est top, il me tient souvent la main, pour ne pas que je le perde, on commente ensemble les créations de Sagmeister, on échange nos points de vue, c'est cool de parler avec lui, j'aime bien.

   C'est déjà fini, on arrive dehors.

« -tu as aimé ?

- Oui, c'était génial. » J'aurais envie de lui dire que lui aussi je l'ai aimé mais je n'ai pas totalement sombré dans la folie donc je ne rajoute rien.

            Il me propose un resto que j'accepte avec joie et retenue. C'est dans le 9eme je crois. C'est un bel endroit, à coup sûr un endroit où l'on peut tomber amoureux…En entrant on croise un groupe de filles, Arnaud derrière moi marque un temps d'arrêt :

« Ah, Sophie !!!

-Bonjour, Arnaud, ça fait longtemps… Tu as l'air d'aller bien.

- Oui, oui, ça va.

- On se verra peut-être plus tard dans la soirée ? »

            Comment vous dire ? Je ne sais pas ce qu'il vient de se passer, mais j'ai vu dans les yeux d'Arnaud qu'il était troublé, je ne sais pas quoi faire, je suis mal à l'aise. On s'installe à une table. Par les vitres je vois que la fille en question n'a malheureusement pas migrer à l'autre pôle, elle est là, juste devant, en train de fumer une cigarette, avant, je vous le donne dans le mille, de rentrer à nouveau et de s'installer dans le partie bar de cet endroit. Je regarde Arnaud, bêtement, sans rien dire, du coup c'est lui qui prend la parole.

« -La fille, c'est mon ex (là j'ai envie de hurler tout en me tapant la tête contre un mur). On s'est séparée il y a 2 ans. C'est la première fois que je la revois.

- Vous êtes restés longtemps ensemble ?

- 4 ans, on a vécu ensemble… » Son regard part vers elle. Elle ne le quitte plus des yeux non plus.

            Je suis dans le gouffre, j'ai 2 solutions soit je lui dis que je n'ai pas vraiment faim et je l'invite à venir chez moi. Soit je pars.

             Dans la première idée, je lui saute dessus dans mon appart', ce qui peut être un bon moment, mais après, je me poserais la question tous les matins pour savoir s'il ne va pas me quitter pour aller vivre son histoire avec elle, puisque visiblement, même après 2 ans, il reste quelque chose entre eux… comme une évidence.

            Je le regarde à nouveau, il n'est plus vraiment là, c'est fou comme des fois on a l'impression d'exister, de compter pour quelqu'un et en un claquement de doigt, on n'est plus rien, rayer de la carte, comme Pompéi… Je suis donc dans ce resto, ensevelie, totalement invisible. Je suis en colère, en colère contre moi, d'être une pauvre fille naïve, une fille qui y croit et qui se fait embobiner par des beaux parleurs à 2 balles. En colère d'être transparente, de ne pas être quelqu'un qu'on aime, parce qu'en fait, à ce moment précis, je ne pense pas que quelqu'un puisse m'aimer. Même si je suis loin d'être parfaite, je dois avoir un énorme, un gigantesque problème dont je n'ai pas conscience, et qui empêche la relation.

            Je contiens donc TOUTE ma colère, je n'ai plus la force de dire quoi que ce soit, pas envie de me justifier, je me lève et merde. Pourquoi il a été comme ça avec moi, pourquoi si prévenant, doux et adorable ? Ça me saoule… Je quitte la table et le resto sans dire un mot, sans me retourner.

            Comme c'est bizarre, je me retrouve à marcher dehors toute seule dans la rue, comme la semaine dernière ! Il faut vraiment que je discute avec ma psy (avoir une psy n'est pas forcément un signe de maladie mentale, ok ?). Là, j'ai seulement la force de tenir debout et d'avancer, je ne sais pas quelle direction choisir, j'aimerais trouver mon chemin, il est temps mais tout foire tout le temps dans ma vie, je suis lassée, vraiment.

           

 

 

 

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