Sérotonine lu par bibi
Rodolphe Jacques
Il y a des livres qu'on ne voudrait jamais finir, qui nous manquent réellement une fois refermés, comme un être perdu...ici l'auteur nous aura épargné cette peine en ratant magistralement sa fin. J'imagine que ce refus de conclure est volontaire. En effet Michel H ne montre pas vraiment de volonté d'empathie avec ceux qui achètent ses livres ! Je dis cela sans acrimonie car je me débrouille toujours pour me les faire prêter, d'où l'impérieuse nécessité de lire vite, en sautant parfois quelques pages ou en les lisant d'un œil distrait, ce qui revient au même.
Me vient une pensée peu chrétienne mais avouons que dans les dernières lignes on aimerait vraiment que le p.p.* se tue ou meure violemment pour une raison quelconque, car il a donné au cours des précédentes toutes les raisons possibles d'être profondément haï, dont la plus évidente n'est pas d'avoir égratigné Niort et sa laideur supposée (en restant sur l'A10, on ne peut pas voir le Donjon qui domine la ville depuis 10 siècles, il n'y en a que deux en France du même type, l'autre est à Loches, une ville plus souvent citée par les Grosses Têtes que dans les romans de Michel Houellebecq, chacun ses références !)
Je ne sais plus quel auteur a dit qu'il fallait donner de soi pour être lu, ni quand ni pourquoi mais il est clair que Michel H. aurait pu le dire lui-même. Personnellement je serais extrêmement gêné de révéler à mes lecteurs, quand bien même ils ne seraient que 3 ou 4 dont ma propre mère, ne serait-ce qu'un dixième de ce que j'ai pu lire ici, et même en admettant que tout soit inventé, disons que c'est très réaliste. L'impuissance morale et sexuelle, la lâcheté maladive, la jalousie systématique... sans vouloir trop dévoiler de ce récit haletant, songez que le P.P. quitte une de ses compagnes, ou plutôt qu'il l'abandonne sans un mot d'explication après avoir découvert qu'elle le trompait avec d'autres hommes Ok, non seulement avec des groupes d'hommes passe encore, mais aussi avec des animaux (des chiens, je ne me souviens plus de quelle race, sans doute pas des caniches)
Peut-être que c'est plus simple à faire quand on a des millions de lecteurs et plus de mère en vie.
*personnage principal. Oui, on aurait pu l'écrire en entier dans le texte mais les notes de bas de page ont un côté fascinant, elles donnent à l'ensemble une allure classique du plus bel effet, à condition de ne pas en profiter pour noyer le poisson lecteur qui ne remontera alors jamais le cours du texte ; ici le personnage principal ne fait qu'un avec le narrateur, c'est un procédé qu'on retrouve aussi chez Céline ou Camus, au hasard. Je me souviens encore de ma professeure de français de seconde et de son cours passionné, essentiellement basé sur Stendhal, mais là on est face au narrateur omniscient, il ne raconte pas sa vie, il compose le tableau complet de plusieurs destins croisés, il doit penser à tout l'auteur puisqu'il est supposé tout savoir, ça c'est du boulot, eh ouais Michel. Toute fraîche sortie d'études brillantes, agrégée de lettres modernes, elle savait nous intéresser à la matière et en plus elle était plutôt jolie, étions-nous secrètement amoureux d'elle, les autres garçons je ne sais pas mais moi je suis tombé de mon nuage quand j'ai appris qu'elle fréquentait assidûment son tuteur de l'époque, un vieux de cinquante ans (!) au moins, cruelle déception quand on éprouve soi-même les premiers symptômes de la cristallisation amoureuse...Houellebecq n'a sans doute pas eu cette chance.