Seule
alineast
Je suis seule. Seule et triste. Triste et désespérée. Je voudrais que quelqu'un me voit, que quelqu'un me parle et m'écoute. Mais non, car je n'existe pas, je ne suis rien. Qu'une ombre, un écho. Je ne suis que la fille au fond de la classe, qui ne dit jamais rien et qui attend que les heures passent. Les autres ne me voient pas ou m'ignorent, me délaissent et me rejettent.
A vrai dire, quand j'étais petite, j'étais une fille très appréciée et ayant beaucoup d'amis. Mon père voyageait beaucoup alors je ne le voyais pas souvent. Quand il était absent, j'allais vivre chez ma tante, Helen, car ma mère était à l'hôpital car elle avait fait une tentative de suicide et essayant de faire une surdose de médicaments.
Un soir, je rentrais chez moi, toute contente, car j'allais enfin pouvoir passez du temps avec mon père, qui rentrait d'un voyage d'affaires à New-York, spécialement pour me voir. Quand je franchis la porte d'entrée, j'entendis une voix étouffée, probablement celle de la télévision. C'est bizarre, ma tante ne la regarde jamais, d'habitude... Je pénétrai dans le salon, et la vis, effondrée, le téléphone à la main. Elle murmurait des paroles inintelligibles, et pleurait à chaudes larmes. Quand je m'autorisai à jeter un coup d'oeil à la télé, je vis des images effroyables: des bâtiments effondrés et en feu, des morts, beaucoup de morts, et des personnes en pleurs, comme Helen. Une femme aux traits tirés expliquait ce qu'il se passait.
Au bout d'un moment, je n'écoutais plus. Ces mots avaient réussi à me faire prendre conscience de la situation: New-York, crash, tours, pentagone, morts... Morts? Papa!
Je ne bougeai pas, ne pleurai pas. Je restai figée devant ces images spectaculaires. Mon père était mort! Je n'allais plus jamais le revoir. Plus de câlins, plus de sorties, plus rien. Je n'avais plus rien. Plus qu'un vide au plus profond de moi, une déchirure. Une feuille qu'on froisse et qu'on jette.
Je n'ai plus prononcé un mot à partir de ce jour-là, plus sourit, plus parlé, plus pleuré. Mon visage était à présent dénué d'expression. Il n'étais plus que le reflet de ma solitude.
Mes amis m'ont peu à peu abandonné, laissé dans mon coin. Eux à qui je confiais tout, parlaient désormais dans mon dos et divulguaient tous les secrets que je leur avait confié.
Je n'ai pas supporté cette trahison. Je me suis mise à taper la première fille qui me tombait sous la main. Je la frappai, encore et encore, jusqu'au sang. Elle pleurait et ça me procurait une telle joie, une telle cruauté, que je la tapai de plus belle, jusqu'à ce qu'elle perde connaissance. Quand je la lâchai enfin, tout le monde était regroupé autour de moi, et me regardaient avec une expression de dégoût et d'effroi. Quand je fis un pas, tous, même la maîtresse, se reculèrent. Alors je me mis à courir, de toutes mes forces, le plus loin et longtemps possible. Ma course me mena jusqu'au chemin sur lequel mon père et moi aimions marcher. Alors je me mis à pleurer. Les larmes ruisselaient le long de mes joues, et je ne pouvais les arrêter.
La police me chercha toute la nuit, et quand elle me trouva enfin, elle m'annonça une nouvelle horrible: ma mère avait fait une nouvelle tentative de suicide en se jetant du haut de notre maison. Et celle-ci, n'avait pas échoué. Cette nouvelle m'a achevée. Je me suis mise à trembler de tous mes membres, au point de ne plus pouvoir respirer. J'ai été envoyée à l'hôpital. Les médecins n'ont su diagnostiquer ce qu'il m'était arrivé. D'une façon ou d'une autre, j'étais bel et bien muette.