Shamisen
evrasgarmild
Le son des cordes frottées par le médiateur me séduit. Cette sonorité aphrodisiaque d'un Japon féodal avec ces sons si caractéristiques. La salle entière l'écoute, elle est belle avec ses cheveux sarcelles ou turquoises, en tout cas une teinte de bleu verdâtre. Elle désire porter un masque, un masque de canidé proche du renard stylisé lorsqu'elle joue. Elle a un peu plus d'une vingtaine d'année, cette belle courtisane, qu'on appelle en ces lieux la plus belle femme du pays. Pour le souligner, elle portait dans sa chevelure des parures et des fleurs qui font d'elle une oeuvre d'art humaine. Et ce son continue, j'écoute la beauté de l'Orient à travers et sent mon coeur battre. J'ai vu une fois son visage, senti de loin son parfum divin, mais c'est de sa musique que je suis définitivement tombé amoureux.
Le son de shamisen a duré une petite demi-heure et je sort de la salle. Je m'éloigne le plus possible de cet endroit où j'ai perdu toute considération pour ma personne. Seul cette femme au shamisen m'enivre et je fonce dans les ruelles de la ville avec les larmes aux yeux. Je ne reviendrai plus jamais l'écouter car je ne pourrais jamais être celui qu'il lui faut. Que cache-t-elle derrière son masque lorsqu'elle joue ? C'est une courtisane mais tellement surveillée que nul personne de ma catégorie ne peut la toucher, on ne peut que la regarder. Je n'ai pas non plus les moyens de la libérer, je suis destiné à la regarder jouer en pleurant. Je désespère songeant à mettre fin à mes jours, elle ne me connaît pas et ne saura jamais qu'elle est mon nom. Je dois m'en éloigner avant que je ne passe à l'acte. Les gens sortent et parlent d'elle et de cette harmonie qu'elle procure, tous semblent apaisés par le shamisen de la plus belle femme de tout le pays.
«Elle est courtisée par les plus riches, sûrement que le seigneur du pays désirera la demander pour épouse et il aura fait là un excellent choix pour lui et sa lignée.»
Non, pas cette ordure de seigneur ! Cette salle petite raclure de déchet d'1 mètre 50 veut d'elle en mariage, pire que ça, pour sa maudite descendance. Jamais je ne laisserais cette histoire arriver !
J'ai couru en ce nouveau jour vers la salle habituelle avec la sueur au front et le désespoir au coeur. Je vais t'enlever s'il le faut, mais tu ne te mariera jamais avec un tel salopard. Peu m'importe qui est ton futur mari ou l'homme que tu as choisis mais je souhaites ton bonheur avant tout. Je te sauverais au prix de ma vie insignifiante. Je suis arrivé par l'arrière du bâtiment à sa rescousse, si elle me voyait je lui ferait sans doute pitié. Je suis maintenant essoufflé et les mains sur les genoux. Le son de l'instrument s'achève dans la salle et je me cache du public sortant. Je m'infiltres dans les coulisses près à lui tendre la main et je tombe sur elle, seule dans une petite pièce. Assise, au moment où elle retire son masque. Elle a le visage couvert de larmes séchées et à travers ses yeux bleus m'ouvrant l'au-delà de l'océan. Elle est belles et seule, semblant plus désespérée que moi.
«Vous pleurez à cause du seigneur ?» lui demandais-je.
Elle me répond que non, elle pleure à chaque fois qu'elle joue du shamisen. Dans ses yeux, je vois qu'il est inutile de l'emmener avec moi, elle resterait là affrontant sa fatalité. Je lui dit au-revoir. Je descends et sais qu'elle ne m'aimera définitivement jamais. Je suis un être seul qui implore simplement que du bien lui soit fait car elle est merveilleuse au point où je ne peut plus vivre sans que je ne sente que son coeur batte en retour.
«Adieu, courtisane au shamisen.»
On me tire dans la tête en sortant de la salle, comme quoi ils nous auraient forcément eus. Je ne pouvais pas la sauver, mais je meurs le sourire au lèvres d'avoir essayé.