Si Dieu existe...
Dominique Capo
Hier, et aujourd'hui encore, mon texte « Au nom d'Allah » a suscité de nombreuses réactions. La grande majorité d'entre elles jetaient sur celui-ci un regard positif et compréhensif. Quelques uns, issus exclusivement de musulmans, hélas, ont été teintés de mépris, ou lui ont été carrément hostiles, voire menaçants. Il est donc navrant, et même terrifiant, que, dès que l'on touche au Coran, à la fois musulmane, ou à ses traditions, ceux et celles qui « croient » se crispent et ne supportent pas aucune critique, ou aucune réflexion sensée. Ils arc-boutent sur les textes dont ils ont été instruits depuis leur plus tendre enfance. Ils les défendent sans jamais faire appel à leur raison où ce que la science, l'histoire, la philosophie, ou toute autre connaissance leur indique. Pire encore, beaucoup refusent ces dernières de toutes leurs forces, s'exclamant que l'unique « Vérité », les seuls savoirs dont ils ont besoin, sont inscrits dans les pages de leur livre saint.
La foi n'excuse pas l'ignorance, et encore moins l'aveuglement. Ce n'est pas parce qu'on croit en Dieu – quel que soit le nom que l'on lui donne ou les textes auxquels on se réfère pour suivre Ses enseignements – que l'on doit oublier tout ce que le monde, l'univers, propage comme autres Vérités, aussi différentes, aussi choquantes, aussi étrangères, à celles édictées à l'intérieur du livre saint. Les nier est le premier pas qui conduit à l'intolérance, à la haine, à la violence, puis, finalement, à l'extermination systématique de celui ou de celle qui ne pense pas comme soi. Cela a été vrai jadis pour le christianisme – inquisition, bûchers, croisades, persécutions, etc. Cela l'est aussi aujourd'hui avec Al Qaida, Daesh, et leurs dominions en Afrique subsaharienne ; sans compter, évidemment attentats divers en Europe Occidentale. Or, 95 % de ceux et celles avec lesquels j'ai essayé de discuter raisonnablement en insistant sur le faut que l'Islam n'est pas la seule religion à proclamer qu'elle détient l'unique Vérité de Dieu, s'est agrippé aux textes et aux traditions qu'on leur a, depuis leur plus tendre enfance, prêché. Comme si réfléchir par soi-même, comme si s'ouvrir à d'autres manières de considérer les hommes, les femmes, le monde, l'univers qui les entoure, était offenser leur divinité. Comme si apprendre de celui qui voit les choses différemment, comme si accepter que d'autres vérités sont aussi essentielles que les leurs les condamnait à l'enfer éternel.
Pire encore : non seulement ils les repoussent, ils opposent foi et raison. Mais, en plus, ils essayent d'amener à croire comme eux ceux qui n'ont pas leurs convictions. Plutôt que d'écouter, que d'entendre ce que l'autre leur dit, ils vous traitent de mécréant, de sans Dieu, de damné promis aux limbes perpétuelles. Ou, au mieux, ils vous incitent à vous plonger dans le livre saint afin de suivre la voie de leur illumination. Et ainsi, convertir quelqu'un qui, à leurs yeux, se devait d'être sauvé de la perdition.
Personnellement, je ne sais pas si Dieu existe. Et si j'avais envie de le savoir, ce n'est pas un livre saint – de quelque religion dont il soit issu – que j'utiliserai pour élaborer ma foi. Par ailleurs, j'ai lu et ai longuement étudié les livres saints des trois grandes religions monothéistes de notre monde – Torah, Bible, Coran. C'était lorsque j'étais chercheur à la Bibliothèque Nationale, et que j'ai écris une thèse de plus de 1800 pages sur les grands mythes fondateurs de la civilisation humaine. Or, s'il y a un fait – parmi d'autres – que j'ai particulièrement constaté, c'est que les textes saints à la base de ces trois religions, se basent essentiellement sur ces derniers. Le mythe du Déluge, l'amour de son prochain, les commandements de Dieu, le Prophète, l'Apocalypse, etc. sont des notions qui se retrouvent dans tous les grands mythes qui ont émaillé l'Histoire de l'Humanité. Les grandes religions de l'Antiquité, y compris sur les deux continents américains avant que les européens n'y posent le pied – Viracocha ou Quetzalcóatl sont censés être les sauveurs de l'Humanité – les ont repris à leur compte. Nombre de passage de l'Ancien Testament et de la Torah s'y réfèrent à de multiples reprises. Le Coran s'associe au Prophète Abraham, commun aux trois grandes religions actuelles ; lui mème issu de mythes bien antérieurs à la naissance de la religion judaïque, chrétienne ou musulmane. Et quand il est prouvé historiquement que ces mythes ont été modifiés, transformés, adaptés, tronqués, afin de les faire correspondre aux fois dominantes d'alors, il devient évident qu'ils sont socle sur lesquelles elles s'appuient. Et que contrairement à ce que les prélats enseignent, ils ne sont pas liés à la parole de Dieu.
Combien de fois, au cours des millénaires et des siècles passés, a-t-on utilisé ce moyen afin de convertir les non-croyants. Le Christianisme ne s'en est pas privé dans les premiers siècles de son existence. Dans chaque région du monde où il s'est implanté, il a adapté sa doctrine aux croyances ancestrales locales. Combien de dieux romains, de divinités celtes, sont devenues des saints, dans le but de convertir les populations locales à la nouvelle foi. Combien d'évangiles ont été supprimés, détruits, cachés, mutilés, parce qu'ils ne correspondaient pas à la vision de Dieu que voulaient propager le clergé de cette époque. Plus tard, quand on sait que la Kaaba, le site le plus sacré de la religion musulmane, est en fait un lieu de culte païen bien antérieur à la naissance de Mahomet. Il y a de quoi s'interroger sur les motivations des propagateurs de ces nouvelles religions d'alors ; qui usaient de tous les moyens à leur disposition, en mêlant leurs propres convictions, mythes universels, et traditions locales.
Personnellement, j'ai assez longuement et profondément étudié l'origine de tous ces mythes, j'ai assez lu ces livres saints, pour déceler derrière la plupart de leurs textes ces fondamentaux plurimillénaires. Quant à ma foi personnelle, si je crois en quelque chose de plus grand que moi, jamais je ne lui donnerai de nom. Jamais je ne me référerai à ces livres afin d'ancrer mes convictions. C'est par l'étude de la diversité et de la multiplicité des vérités et des incertitudes modelées par notre monde et notre univers, que je me forge mes idéaux. C'est parce que je suis curieux, humble, modeste, face à l'immensité de ce que je ne connais pas, face aux énigmes rattachées à la Réalité, à l'Espace et au Temps, que j'en apprends davantage quotidiennement. Ce ne sont pas les certitudes de livres écrits en des époques où le Savoir était le privilège de quelques Initiés, où les peuples étaient à 95 % incultes, ignorants et analphabètes, qui vont m'appauvrir humainement. Car Dieu, j'en suis viscéralement persuadé, s'il existe, nous a laissé, à nous, pauvres hominidés à l'intelligence et à l'imagination limitées, notre libre arbitre. Le Bien, le Mal, sont des notions humaines, en fonction d'une vision humaine de la Réalité. C'est comme si ont demandait à une personne si elle voulait apprendre ce qu'elle est à une fourmi. Est-ce possible ? La communication entre les deux créatures est-elle possible ? Évidemment que non ! Est-ce qu'un livre pourrait refléter la pensée de cette personne vis-à-vis de cette fourmi ? Également non !
Et puis, quelle arrogance, quelle suffisance, de la part de ceux et celles qui se font les champions de cette sorte de prosélytisme, que se déclarer « enfants de Dieu ». Si Dieu existe, il aura nécessairement choisi une race plus intelligente et plus sage que la notre pour le représenter. Il aura choisi une espèce qui aura assez évolué pour bannir de sa civilisation l'intolérance, la violence, la haine, ainsi que toutes les autres imperfections dont nous sommes pourvus. Je dis « nécessairement » parce que si c'est son dessein de transmettre ses Vérités, c'est parce qu'Il désirera certainement qu'elles soient enrichies, améliorées, augmentées par ceux à qui Il les aura confié. Quel père ne désire t-il pas que ses enfants le dépassent, aillent plus loin que lui ? Hélas, ce n'est pas ce que ces doctrinaires rigoristes apprennent à leurs nouveaux fidèles. Ils usent de leurs livres saints afin d'enchaîner les esprits naïfs, indécis ou en quête d'un espoir que notre société ne leur offre plus, à leur sectarisme. Ils prônent l'amour, la tolérance, la main tendue, et détruisent, tuent, torturent, emprisonnent , violentent, tous ceux qui ne choisissent pas la même vérité qu'eux.
Si c'est faire ce choix que de m'appuyer sur une religion – quelle qu'elle soit – pour avoir la foi, ce n'est pas ce que je souhaite ; ni pour moi, ni pour quiconque. Je préfère suivre mon propre chemin, affronter mes propres épreuves seul, plutôt que de confier le salut de mon âme à ces dictateurs. Ces obscurantistes qui confondent les préceptes de leur soi-disant Sauveur avec leurs intérêts personnels, avec leur soif de pouvoir, de domination, de gloire ou de biens terrestres. Tout, plutôt que me transformer en esclave soumis à leurs égoïstes ambitions….