Si j'avais su, je ne serais pas venue.
amandinebournouville
Je n’ai pas tout de suite compris ce qui se passait car il faisait déjà nuit. Je croyais qu’il s’agissait juste des phares d’un tracteur, en train de labourer un champ. Clément, lui, avait tout de suite réagi. C’est lui qui m’avait fait comprendre qu’il y avait quelque chose d’anormal. Ce qui est étonnant c’est que lorsque cette situation d’urgence s’est dessinée, l’angoisse que j’avais pu ressentir depuis le départ de la maison disparut.
« Oh! Mais…purée. La voiture est carrément retournée! »
« Appelle les pompiers, et reste dans la voiture. »
«Non, attends, je viens avec toi. »
« Non! Tu restes dans la voiture !»
Il est sorti et a couru vers la voiture accidentée.
J’ai vu une silhouette se traîner hors du côté passager. C’était une femme. Il y avait une autre personne qui cherchait à sortir du côté conducteur. La femme s’était levée et elle marchait, l’air un peu déboussolée mais elle marchait. J’étais rassurée. L’autre avait l’air d’avoir plus de mal et Clément s’était précipité vers lui. Il s’était accroupi dans la boue. Il allait être tout dégueulasse pour arriver chez Jérémy et on allait devoir raconter ce qui nous était arrivé. Ça allait plomber l’ambiance.
La porte était bloquée, le conducteur essayait donc de s’extirper par la fenêtre dont le carreau avait explosé. J’espérais vraiment qu’il n’était pas blessé ou juste légèrement.
Je ne voulais pas qu’on soit témoins d’un fait divers et j’espérais qu’on pourrait rejoindre nos amis assez vite pour passer une bonne soirée. Si tout se passait bien, on aurait au pire une demi-heure de retard. Le temps que les secours arrivent. Enfin pour cela il fallait que je les appelle et donc que je trouve mon téléphone portable. Je suivais la scène tout en le cherchant. La femme se dirigea vers Clément et tenta de le repousser de la porte. Il était accroupi par terre et elle, voulait le relever, visiblement pour l’écarter de la voiture. Je ne comprenais pas.
Je cherchais toujours mon téléphone. Je décidai de sortir tout ce qu’il y avait dans mon sac, objet après objet. Eh merde! Je ne l’avais pas. Je l’avais oublié.
Quand je relevai la tête de ma quête infructueuse, dépitée à l’idée que j’allais me faire engueuler par mon homme et espérant que lui, ait son portable, je vis Clément debout face à la femme qui semblait en pleine panique. Elle lui parlait et le tirait par le bras pour l’emmener.
C’était bizarre. Je n’avais pas très envie d’héberger cette folle dans ma voiture en attendant les secours.
Le conducteur sortait le bras de la fenêtre pour que Clément l’aide. Il repoussa la femme et l’aida. A ce moment-là elle se mit à courir tant bien que mal vers notre voiture. Je sortis en prenant soin de prendre la clef et de fermer les portes. Il faisait froid et il y avait un peu de vent. Ça m’a tout de suite réveillé.
Elle courait vers moi et elle criait : « Non ! Non ! La voiture! Dans la voiture! »
Oh la la. Elle était vraiment trop louche. En plus elle était habillée comme une pute.
Quand elle m’arriva dessus, je crûs que j’allais devoir me battre avec elle. Elle m’avait agrippée les deux bras et elle répétait désespérément : « Vite! Viiiite! Dans la voiture!»
La situation devenait glauque. Je n’avais qu’une envie c’était qu’on se barre d’ici ou qu’une autre voiture passe et vienne nous aider.
« Non mais lâchez-moi ! Il faut que je rejoigne mon mari. Je n’ai pas de téléphone. »
« Non! Non! Les clefs, donne les clefs! »
Elle était vraiment tarée. Non seulement elle se permettait de me tutoyer alors que je ne la connaissais même pas et en plus elle voulait que je lui laisse mes clefs de voiture. Elle avait un accent, elle ne devait pas être française. Je la soupçonnais de plus en plus d’être une pute.
Là, je compris.
Je regardai vers la voiture accidentée. Le conducteur était un homme, il était parvenu à sortir. Il avait un genou à terre et Clément le tenait par le bras. Il aida l’homme à se relever. Une fois debout ce dernier mit la main dans sa veste, en sortit une arme, la pointa sur la tête de Clément et sans la moindre hésitation, il tira. Un coup. Assourdissant.
Les phares de notre voiture éclairaient parfaitement la scène. Je pus voir la tête de Clément hocher violemment vers l’arrière et son cerveau gicler.
Je ne respirais plus. Je ne bougeais plus. Je ne pensais plus.
Son corps retomba lourdement au sol, comme un arbre qui s’abat. Le tueur ne le regarda même pas tomber. Il se tourna et se dirigea vers moi dans la seconde après avoir tiré. Je pouvais le voir très distinctement. Je me trouvais à peu près à soixante mètres de lui et il s’approchait de moi, qui restais immobile. Pétrifiée.
Il était blond, de taille moyenne et de forte carrure. Il devait avoir entre trente et quarante ans. Il avait de petits yeux, presque bridés, très clairs. Il était rasé de près et ses cheveux étaient coupés très courts. Il portait un costume gris foncé, très classe.
Il leva son arme vers moi. Je le regardai, sans bouger. Soudain je sentis une brûlure si vive sur mon flanc gauche que j’en perdis l’équilibre et tombai sur le côté. J’avais aussi les oreilles qui sifflaient de la détonation. Je haletais pour respirer. Je me sentais comme bloquée au niveau de la gorge.
Il passa à côté de moi. J’entendais les talons de la pute qui courait derrière.
Un coup. Elle tomba. Elle hurlait de douleur. Elle pleurait. J’entendais l’homme avançait tranquillement vers elle.
Pendant ces quelques minutes, je regardais Clément, immobile, étendu à terre.
Mon mari était mort. L’homme que j’aimais le plus au monde, qui m’aimait, me faisait l’amour, me protégeait, était mort. Une demi-heure plus tôt nous étions dans la voiture près à rejoindre nos amis et là, il gisait, mort, dans la boue de ce champ, abattu comme un chien. Derrière moi j’entendais le psychopathe avancer vers la pute qui gémissait. Il allait l’abattre, et avec la dernière balle qui lui resterait, il reviendrait vers moi et m’abattrait.