si Pierrette ne veut pas revenir 

My Martin

vous ne nous retrouverez jamais 

1972 

Boutiers-Saint-Trojan, Charente. 3 km au nord-est de Cognac     

 

La famille Méchinaud   

 

Jacques Méchinaud, né le 8 juin 1941. 31 ans         

Son épouse, Pierrette, née en 1943. 29 ans 

Leurs enfants. Éric, né en 1965. 7 ans. Et Bruno, né en 1968. 4 ans 

 

 

Employé à l'entretien des machines chez Saint-Gobain, Jacques Méchinaud est un « bosseur » 

Les trois-huit. Il travaille dur. Sa famille ne manque de rien 

Doué pour la mécanique. Une fois son travail terminé, il complète ses revenus par des réparations de voitures payées au noir 

Pierrette, son épouse, charmante         

Rentrée scolaire 1972. Michèle Content est une jeune institutrice nommée à Boutiers. Dans sa classe, elle a le plus jeune enfant, Bruno (4 ans). Une famille bien, sans histoires 

 

 

Samedi 23 décembre 1972. Les parents font les emplettes de Noël pour leurs deux garçons 

 

Dimanche 24 décembre 1972. La famille passe le réveillon de Noël chez des amis (Fontanilla), à Cognac. Rue de la Plante 

 

Les deux familles se connaissent bien. Ils passent l'après-midi ensemble, les enfants jouent 

Les deux pères travaillent à l'usine verrière de Saint-Gobain, à Châteaubernard. 3 km au sud de Cognac 

La soirée se passe dans la bonne humeur 

Alors qu'il n'ignore pas que son ami embauche bientôt à 4 heures du matin, Jacques Méchinaud fait traîner la soirée en longueur 

 

Une / deux heures du matin, les Méchinaud prennent congé de leurs hôtes 

Bises sur le pas de la porte 

Froid glacial. Épais brouillard givrant. Moins de 5 mètres, en visibilité 

Pour dégivrer le pare-brise, Jacques Méchinaud sort le premier. Il fait longuement tourner le moteur de sa Simca 1100 grenat 

Sa femme et ses enfants le rejoignent à l'intérieur du véhicule. Les enfants somnolent. Direction leur domicile de Boutiers-Saint-Trojan, à 5 minutes en voiture de Cognac. 14, route de Saint-Trojan   

Sur l'autre rive de la Charente, 1 500 habitants 

 

 

Les parents de Jacques Méchinaud alertent les gendarmes 

Boutiers-Saint-Trojan. A droite, le monument aux morts. A gauche, un Christ en croix. Entre les deux, façade arrière vers la route, la maison aux volets verts 

Janvier 1973. Dix jours après la disparition, les gendarmes forcent la porte de la maison 
 

Dans le réfrigérateur, une dinde et des huîtres avariées 

Sous le sapin de Noël décoré, les cadeaux emballés pour Éric et Bruno 

Sur la table du salon, un carnet de chèques 

Aucun vêtement ou effet personnel de la famille, ne manque 
 

1973. Un gendarme. Après le réveillon passé chez les Fontanilla à Cognac, "la famille Méchinaud n'est pas repassée à son domicile. Les jouets qui devaient être distribués aux deux enfants, sont restés dans la pièce où ils ont été déposés par leurs parents, avant leur départ " 
 

Un gendarme. "Il se pourrait très bien que ce monsieur ait organisé une fuite provisoire pour se mettre à l'écart de son village, des relations qu'il avait, et pour organiser une nouvelle vie" 
 

Les Méchinaud ont disparu sans argent, sans vêtements de rechange et sans le livret de famille 
 

 

Depuis quelques mois, Pierrette (29 ans) a un amant (Maurice Blanchon, 27 ans. Un voisin du village). Elle songe à divorcer 

Le frère de Jacques Méchinaud et l'un de ses collègues de l'usine Saint-Gobain de Châteaubernard. Jacques Méchinaud a connaissance de la liaison de son épouse 

 

Au printemps 1972, lors de la foire-exposition d'Angoulême. Jacques Méchinaud fait part de ses soupçons à son frère, Jean-Paul. "J'ai vu Jacques lorsque son couple n'allait pas très bien. Il m'a dit : 'si Pierrette ne veut pas revenir, je fais disparaître tout le monde et vous ne nous retrouverez jamais'. Ils n'étaient pas séparés mais elle avait un amant, et lui, il ne l'a pas supporté" 

 

Bernard Haury, son collègue chez Saint-Gobain et son voisin à Boutiers-Saint-Trojan, connaît Jacques Méchinaud depuis huit ans. « Nerveux ». « Un gars qu'il ne fallait pas trop chatouiller ». Il se souvient des propos « à glacer le sang », qu'il aurait tenus sur le pas de sa porte. « Si un jour j'apprends que ma femme me trompe, tout le monde y passera. Il n'y aura pas de rémission. Je connais des coins. Là où j'irai, personne ne me retrouvera » 

 

 

Des investigations sont menées autour de Cognac, puis dans la région. Le fleuve Charente, les étangs de Gondeville (vers Jarnac, 17 km à l'est de Cognac), sont sondés à plusieurs reprises 

 

Un véhicule dans la Charente. Pas la Simca 1100 rouge grenat 

 

 

2011. 2012. 2013 
 

Novembre 2011. Des radars sont déployés. La Charente est sondée 
 

Octobre 2012. Un cueilleur de champignons signale des ossements dans la forêt de Matha, à Courcerac (17). 21 km au nord de Cognac 

Les ossements d'un homme, les fragments du crâne d'un enfant. Des restes vieux de 40 ans 

Comparaison ADN, pas de correspondance avec les données de la famille Méchinaud 

 

 

Les sablières. Les carrières (pierre coquillière, calcaires blancs et durs à fossiles). Sur la commune voisine de Saint-Même-les-Carrières. 17 km au sud-est de Cognac. Lugubre labyrinthe, accessible en voiture en 1972 

 

En contrebas du pont de Vinade, non loin de l'endroit où habitent les parents de Pierrette, un pêcheur sort de la Charente, un ossement 

Troublée, Andrée Chadoutaud, la mairesse de 1995 à 2008, consulte les gendarmes -à leur avis, un morceau du crâne d'un oiseau 

 

 

Fin mai - mi-juin 2020. Renseignements anonymes 

 

26 mai 2020. Dans une impasse du village, une maison est perquisitionnée 

 

Juillet 2020. Plusieurs maisons sont perquisitionnées, notamment celle des parents de Maurice Blanchon, la plus proche du domicile des disparus. Elle est habitée par un frère de Maurice Blanchon. Les gendarmes trouvent une vieille carabine 

 

Des investigations chez Maurice Blanchon 

 

Maurice Blanchon, dit « Momo » (75 ans. Né en 1945, ancien ouvrier viticole) 

 

« Deux gendarmes sont venus chez moi pour me dire que j'étais convoqué le lendemain. J'ai été interrogé sur les disparus, ma maison perquisitionnée à la recherche d'une lettre, un de mes terrains passé à la moulinette... On m'a encore demandé si je savais quelque chose... » 
 

Au bord de la Charente, au pied du pont de Boutiers, son terrain est sondé. La justice vérifie des renseignements récents 

« Ce terrain, je l'ai acheté il y a vingt ans, trente ans après la disparition » 
 

Maurice Blanchon est passionné de mécanique. Une partie du matériel qu'il stocke là est « défoncée » par l'opération de police 

« Ils ont fait venir une pelle qui a tout retourné. Mon matériel a été poussé, plusieurs pièces métalliques abîmées... » 

« Chez moi, ils voulaient trouver une lettre que j'aurais reçue de Pierrette. Sur mon terrain, je ne sais pas trop. Ils ont utilisé une sorte de tricycle, équipé d'un appareil permettant de sonder le sol sur trente mètres de profondeur » 

« Grand étonnement ». « Ils n'ont évidemment rien trouvé, sauf un vieux revolver rouillé. Depuis 48 ans, je dis la même chose, je ne sais rien des circonstances de leur disparition et croyez-moi, j'aurais bien aimé savoir. Cette histoire m'a beaucoup affecté » 
 

Maurice Blanchon reste persuadé que la famille a fui en Australie. Les enquêteurs ont toujours négligé une information qu'il a donnée dès le début, en 1972 

« Juste avant la disparition, Le mari est allé passer deux jours en Vendée, chez un camarade d'armée. Il doit savoir des choses » 
 

Maurice Blanchon garde en mémoire les derniers mots de Pierrette. Lorsqu'il a appris sa relation avec Maurice, Jacques a frappé son épouse. Deux jours avant la disparition. Pierrette a dit à Maurice « Ne t'inquiète pas, ne t'inquiète pas... » 

« Je ne l'ai plus jamais revue » 


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