Si vous me tuez

My Martin

Dieu vous donnera du sang à boire

Printemps 1692

Amérique coloniale. Les Treize Colonies -1607-1732. Partie de l'Empire britannique, jusqu'au traité de Paris, le 3 septembre 1783. Signé par les représentants des treize colonies américaines et les représentants britanniques, le traité met un terme à la guerre d'indépendance des États-Unis (19 avril 1775 – 3 septembre 1783)


Amérique du Nord. Côte nord du Massachusetts, au-dessus de Boston. Salem Village (1752. Danvers)

En 1626, la ville est fondée par une société de pêcheurs (la Dorchester Company de Cape Ann) conduits par le colon anglais Roger Conant (saunier), à l'embouchure de la rivière Naumkeag. Bible (Genèse, 14:18), Salem est le premier nom de Jérusalem - paix (shalom). Dans le Massachusetts, les puritains voient le Nouvel Israël, le pays de lait et de miel. Ils nomment « Salem », ce qui -pensent-ils- sera la future capitale du pays


Salem Village. La colonie est jeune et fragile. Angoisse

Lors de la Glorieuse Révolution / Seconde Révolution anglaise   1688-1689, la colonie a perdu sa charte (protection de ses spécificités religieuses). Printemps 1692. La communauté ignore quel sera son avenir  

Angleterre. Pas plus que la royauté absolue, la royauté parlementaire n'est disposée à respecter l'indépendance des colonies. A New York un chef populaire, Jacob Leisler    1640-1691, est condamné pour haute trahison et exécuté. Dépouillé de sa charte primitive en 1683, le Massachusetts obtient une nouvelle charte, en 1692. Elle réserve à la couronne anglaise la nomination du gouverneur, du conseil et des juges et assure toute liberté à l'Église d'Angleterre, prépondérante dans toutes les provinces


20 juin 1675 – 12 avr. 1678. Nouvelle-Angleterre (six États, région à laquelle appartient le Massachusetts), la guerre du Roi Philip. Soulèvement des Amérindiens Wampanoag et Narraganssett, contre les colons anglais et leurs alliés amérindiens

Ces événements sont terminés mais épisodiquement, les Amérindiens lancent des raids sanglants

La lointaine Angleterre est incapable d'intervenir pour défendre sa colonie


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Purifier l'Église d'Angleterre des pratiques catholiques, afin de devenir plus protestante. Les puritains de la Nouvelle-Angleterre se considèrent comme le peuple élu de Dieu, ils reprennent pour leur bénéfice exclusif la tradition chrétienne, selon laquelle l'Église serait le « Nouvel Israël », la continuatrice du peuple hébreu de l'Ancien Testament. L'Amérique est la « Nouvelle Jérusalem », le refuge choisi par Dieu pour ceux qu'il veut préserver de la corruption ou de la destruction générale

Les Amérindiens représentent les restes d'une « race maudite », que le « Démon » a conduite lui-même dans ce continent, afin de mieux la gouverner. Cette idéologie permet de justifier théologiquement les spoliations que les colons imposent aux Amérindiens


Le clergé puritain assimile les Amérindiens aux démons. Aux sorciers. Sermons enflammés. Le clergé fustige Satan et ses cohortes qui assiègent les puritains, la sainte armée de Dieu

Sabbats entre les sorcières et les Amérindiens. Un Homme Noir (a Black Man). Les Amérindiens infligent à leurs captifs, de terribles tortures


La Nouvelle-Angleterre devient une colonie marchande. Puritains et non-puritains s'enrichissent. Pour les puritains, un péché, autant qu'une nécessité

L'influence du clergé décline


Salem Village. Agriculteurs. Le révérend Samuel Parris   1653-1720, pasteur puritain,  œuvre à séparer Salem Village de Salem Town. Instituer Salem Village, cité à part entière. Une moitié du village le soutient dans son objectif

L'autre moitié du village souhaite rester dans le périmètre de Salem Town et de ses flux commerciaux. Elle refuse de contribuer à l'entretien du révérend Parris et de sa famille


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Intoxication par l'ergot du seigle ? Ergotisme gangreneux. Le mal des ardents / feu de Saint-Antoine du Moyen Âge. L'ergot de seigle -un champignon- parasite les céréales, principalement l'orge et le seigle. Il contient des alcaloïdes toxiques, en particulier l'acide lysergique, dont est dérivé le LSD, puissant hallucinogène

La communauté puritaine de Salem cultive le seigle en zone marécageuse ; le sol humide favorise le développement du champignon parasite  

1691. Printemps humide et chaud. Été orageux. Les cas d'envoûtement se produisent par la suite  


1691-1692. Hiver glacial

Elisabeth / Betty Parris (neuf ans),      1682-1760    fille du révérend Samuel Parris

Abigail Williams (onze ans),   1681-1697  nièce du révérend Samuel Parris

Jeux de divination. Betty Parris demande à Tituba, la servante esclave de la maison Parris, de leur apprendre à lire l'avenir

Lors d'une séance de divination, l'une des filles voit un spectre (elle reconnaît la personne. Une sorcière ou un sorcier, qui prend cette forme diabolique). Angoisse. Respiration paralysée

Les deux filles parlent une langue inconnue. Convulsions. Hallucinations. Manifestations physiques hors du commun. Certains concitoyens les envoûtent. Sorciers, magiciens, suppôts de Satan

Les médecins consultés n'identifient pas la maladie. L'un d'eux conclut à une possession satanique. D'autres filles sont pareillement atteintes    


Parris et les autres notables de la ville pressent les filles, de désigner nommément les personnes qui les ont envoûtées

Betty Parris, Abigail Williams

Ann Putnam Jr (douze ans)  1679-1716. Intelligente, éduquée, Ann est l'amie de certaines des filles possédées par l'étrange maladie qui marque le début de l'affaire. Mars 1692. Ann Putnam tombe malade. Important témoin important lors du procès des sorcières de Salem. La famille Putnam est en conflit avec la famille Porter (litige pour des terres)

Elisabeth / Betty Hubbard (dix-sept ans). Mercy Lewis. Susannah Sheldon. Mercy Short. Mary Warren


Betty Parris et Abigail Williams prennent conscience de leurs actes. Elles vont à l'encontre du christianisme. Divination, sorcellerie. Elles donnent des noms

Sarah Good. Sarah Osborne. La servante Tituba

Sarah Good est une mendiante, la fille déshéritée d'une aubergiste française qui s'est suicidée. Lorsqu'on lui donne de la nourriture, elle murmure (fait retenu à charge)

Sarah Osborne est une vieille femme, alitée. Elle a capté l'héritage des enfants de son premier mari pour le remettre à son second époux

Depuis ses douze à dix-sept ans, Tituba est l'esclave du révérend Samuel Parris. Originaire de l'île de la Barbade (Caraïbes)


1er mars 1692. Accusées de sorcellerie, les prévenues sont jetées en prison

Les crises se poursuivent. Nouveaux noms

Dorothy Good. La fillette de Sarah Good (quatre ans)

Rebecca Nurse. Une grand-mère malade et pieuse

Abigail Hobbs. Deliverance Hobbs

Martha Corey

Elizabeth et John Proctor


Les accusations de Betty et Abigail ne sont pas lancées à la légère

Des tensions sociales sous-tendent les accusations

Les accusatrices sont originaires de Salem Village -rural, à l'intérieur des terres. La majorité des accusés vivent à Salem -la ville portuaire, plus riche

Betty et Abigail accusent certaines personnes qui sont en litige avec leur famille. La famille Nurse occupe des terres appartenant à la famille Parris


Les accusations s'étendent. En moins de deux mois, sont concernées les communautés

Andover, Amesbury, Salisbury, Haverhill, Topsfield, Ipswich, Rowley, Gloucester, Manchester, Malden, Charlestown, Billerica, Beverly, Reading, Woburn, Lynn, Marblehead, et Boston. Les prisons se remplissent. Sans gouvernement légitime, impossible de tenir un procès


Mai-septembre 1692. Les autorités de Boston confient la cause à un tribunal spécial  

Fin mai 1692. Le premier gouverneur royal du Massachusetts William Phips   1651-1695   institue une Court of Oyer and Terminer -to « hear and determine ». Entendre et décider

Sarah Osborne et Sarah Good clament leur innocence

Avant le procès, Sarah Osborne décède en prison


Sarah Good accouche d'une petite fille, Mercy Good -morte en prison. Le pasteur vient pour confesser Sarah, elle lui dit

« You are a liar. I am no more a Witch than you are a Wizard, and if you take away my life, God will give you blood to drink »

« Vous êtes un menteur. Je ne suis pas plus une Sorcière que vous n'êtes un Sorcier, et si vous me tuez, Dieu vous donnera du sang à boire. »


La servante Tituba avoue : elle est une sorcière. Tituba accuse d'autres personnes. Incarcérée, elle évite la pendaison

Lorsque l'affaire des sorcières est terminée, Tituba rétracte sa confession. En colère, le révérend Parris refuse de payer les frais de détention, pour permettre la libération de la jeune femme. Elle passe plusieurs mois supplémentaires en détention. Un tisserand de Boston achète Tituba, qui entre à son service


Été 1692. La cour siège une fois par mois. Impitoyable juge Jonathan Corwin (52 ans)  1640–1718

Les jeunes accusatrices se rétractent pour un nom cité, une seule accusée est libérée

Aucun acquittement. Février 1692 à mai 1693. Condamnation à mort pour sorcellerie, divination, satanisme

Ceux qui plaident coupable et dénoncent d'autres suspects, évitent l'exécution capitale

15 septembre 1692. Elisabeth Gilbert. Noyée

Elizabeth Proctor, et au moins une autre femme, bénéficient d'un sursis à exécution. "Elles sont grosses" « for the belly », enceintes. Après la naissance de leur enfant, elles seront pendues

Proctor's Ledge, terrain appartenant à la ville. Pendaison à la branche d'un arbre. Sol rocailleux, les corps ne sont pas inhumés sur place

Au cours de l'été 1692, quatre exécutions. Dix-neuf personnes pendues, treize femmes, six hommes. Une femme lynchée à mort. Sont pendus  

Un ministre du culte respecté

Un ancien policier. Il a refusé d'appréhender de prétendues sorcières

Trois personnes. Relative aisance financière

Des femmes âgées, dans la misère


Un fermier âgé de quatre-vingts ans, Giles Corey     1612 - 19 septembre 1692, refuse de se défendre en justice. Pour éviter la confiscation de ses biens par l'État ? Les confiscations interviennent avant le procès et la condamnation, elles ne sont pas systématiques

Fort caractère, Giles Corey se sait condamné par avance. Refus de coopérer, dans ce cas, la loi prévoit l'application d'une forme particulière de torture, la peine forte et dure. 19 septembre 1692. De larges pierres sont empilées une à une sur la poitrine du prévenu, jusqu'à l'écrasement. Trois jours, atroces douleurs. Mort


La communauté est désordonnée. Les bêtes ne sont plus pansées. Les récoltes, à l'abandon

Pour échapper à l'arrestation, les accusés prennent la fuite vers New York ou ailleurs. Les scieries sont vides. Les employés traînent en groupes devant les geôles. Effervescence, énervement, réunions communautaires. Les propriétaires sont désemparés. L'activité économique s'étiole  

Les juges recherchent une jeune fille disparue, Jenifael


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Increase Mather, ministre du culte puritain, auteur et pédagogue américain  1639-1723. Puritain anglais qui a fui les persécutions anglaises en émigrant en 1635. Père du révérend Cotton Mather

1693. "Cases of Conscience Concerning Spirits Personating Men". Cas de conscience concernant les esprits maléfiques

"It were better that ten suspected witches should escape, than that the innocent person should be condemned"

« Il apparaît préférable que dix sorcières suspectées puissent s'échapper, plutôt qu'une personne innocente soit condamnée »


Le révérend Cotton Mather (1663-1728) pasteur puritain, écrit

1689. "Memorable providences relating to witchcrafts and possessions". Providences mémorables relatives aux sorcelleries et possessions

1693. "The Wonders of the Invisible World. Observations As well Historical as Theological, upon the Nature, the Number, and the Operations of the Devils". Les merveilles du monde invisible. Observations aussi bien historiques que théologiques, sur la nature, le nombre et les opérations des démons

Cotton Mather est l'un des chefs religieux les plus influents aux États-Unis. Il participe à l'élaboration d'une forme de discours moral traditionaliste. Il appelle les deuxième et troisième générations de puritains à un retour aux sources théologiques du puritanisme

Cotton Mather soutient son père Increase Mather, lorsqu'il met en garde les juges des procès des sorcières de Salem, contre la recevabilité des témoignages relatifs aux spectres -des victimes de sorcellerie sont attaquées par un fantôme qui prend la forme d'une personne de leur connaissance


Mené par le pasteur puritain Increase Mather, le clergé de Boston interjette appel

Octobre 1692. Les procès en sorcellerie s'achèvent

14 janvier 1693. Le gouverneur royal du Massachusetts, Sir William Phips, met un terme à la procédure. Il suspend les condamnations

Jusqu'au printemps 1693, les accusés sont remis en liberté


1700. Dans son journal, l'un des juges, Samuel Sewall (1652-1730), reconnaît sa faute et celle des autres membres du jury

William Nelson Gemmill   1860-1930. 1924. "The Salem witch trials, a chapter of New England History". Les procès des sorcières de Salem, un chapitre de l'histoire de la Nouvelle-Angleterre


Depuis 1693, les familles demandent que l'honneur des condamnés soit lavé

Mai 1693. La liste des personnes graciées est établie

La reconnaissance devient effective. Les victimes du drame de Salem sont réhabilitées. Dont vingt-neuf femmes


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2021. Massachusetts, comté d'Essex. North Andover (Elizabeth est originaire de cette ville). A trente minutes de Salem, quatorze miles, vingt-deux kilomètres

North Andover Middle School. 495 Main St, North Andover. Professeure d'histoire / éducation civique dans le collège local, Carrie La Pierre demande à ses élèves de quatrième (13-14 ans) d'établir la liste des condamnés de Salem. Les élèves s'investissent fortement dans ce travail d'investigation


Carrie LaPierre. « Ils ont passé la plus grande partie de l'année à travailler pour que cela soit prêt pour la législature, […] en faisant toutes les recherches, en examinant le témoignage d'Elizabeth Johnson Jr, en se renseignant davantage sur les procès des sorcières de Salem »


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Elizabeth Johnson Junior (1670-1747. Soixante-dix-sept ans)

Fille du lieutenant Stephen Johnson et d'Elizabeth Johnson Senior

Vingt-deux ans. Célibataire, Sans enfants (sur le plan judiciaire, éléments à charge)

10 août 1692. Arrestation en compagnie de plusieurs membres de sa famille

11 janvier 1693. Jugement. Coupable de sorcellerie. Condamnée à la pendaison

14 Janvier 1693. Premier gouverneur royal du Massachusetts, William Phips. Peine non-exécutée

1711. Plus de vingt personnes bénéficient d'une grâce ou sont innocentées

1712. Elizabeth (quarante-deux ans) demande la reconnaissance de son innocence au tribunal. La requête n'aboutit pas

Les efforts pour innocenter les personnes condamnées pour sorcellerie sont nombreux. Elizabeth Johnson Jr est écartée des procédures. Personne jamais ne se mobilise pour blanchir son nom

1747. Décès d'Elizabeth Johnson


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Archives. Les collégiens relèvent le nom d'Elizabeth Johnson, oubliée. Réparer cette injustice du passé, demander la grâce d'Elizabeth

À la surprise de leur professeure, ils écrivent aux députés, aux juges de l'Etat. Ils rédigent une proposition de loi (août 2021). Ils sont entendus par une sénatrice démocrate de l'Etat. Elle défend le cas d'Elizabeth Johnson

Diana DiZoglio. Massachusetts Senate. Représentante du 1st Essex District depuis janvier 2019. Sénatrice démocrate. Née en 1983

Un projet de loi visant à innocenter Elizabeth Johnson est déposé


La sénatrice Diana DiZoglio. « Le temps [était] tout simplement venu de terminer le travail et de réhabiliter la mémoire d'Elizabeth Johnson Jr une fois pour toutes. »


Un an de procédure. 2 juin 2022. Cour générale du Massachusetts. Elizabeth Johnson Jr est officiellement inscrite sur le registre des résidents condamnés pour sorcellerie à Salem et innocentés par l'État du Massachusetts


La sénatrice Diana DiZoglio. « Nous ne pourrons jamais changer ce qui est arrivé à des victimes comme Elizabeth, mais nous pouvons au moins rétablir la vérité. »



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