Slash
Saladedefruit
Quand j’étais petite, je pensais que « plus tard » j’aurais un beau métier. (Bon et un mec et des enfants avant 30 ans aussi, comme quoi enfance ne rime pas avec lucidité).
Puis j’ai grandi.
Et je ne suis jamais vraiment rentrer dans la case de ceux qui ont un beau métier. Non pas qu’il soit moche, mon métier. Ou peu glorieux. Non. C’est que je n’en ai pas un a proprement parlé, de métier. J’en ai plein.
Difficile alors de donner le change face aux médecin, prof ou coiffeuse, qui d’un mot d’un seul balaient toute question intrusive sur le fond de leur activité professionnelle…
Mais tout récemment, j’ai appris que le fait d’avoir plein de métiers différents en même temps pouvait être qualifié. Oui, tout récemment j’ai appris que j’étais une slasheuse.
Deuxième naissance. Joie. Bonheur. J’allais enfin pouvoir remplacer par un mot l’explication interminable que je fournissais quand on me posait la question de mon métier:
« Tu fais quoi dans la vie? »
« Euh, tu veux vraiment savoir? T’as combien de temps devant toi?! »
Parce que comme la plupart des actifs de ce pays, je souhaite pouvoir répondre de façon précise à la personne qui me pose cette question éminemment socialement correcte. Oui, je souhaite pouvoir répondre simplement comme le médecin, le prof ou la coiffeuse. (Non pas que j’aurais aimé être médecin, prof ou coiffeuse hein, que ce soit clair). De l’un de ces métiers qui quand on prononce son intitulé évoque tout de suite quelque chose dans l’esprit de l’interlocuteur qui s’intéresse (ou fait semblant de s’intéresser) à ta vie. De l’un de ces métiers qui n’entraine pas un flot d’explications sans fin, qui, finalement, à tendance à endormir ce fameux interlocuteur qui attendait une simple réponse concise et rapide. -parce qu’au fond, il en a rien à taper de ce que tu fais dans vie-.
Ouf, désormais, j’ai le terme.
« Tu fais quoi dans la vie »
« Euh… je suis une slasheuse »
« (…) »
Bon d’accord, à l’écrire, comme ça, je me rends bien compte que finalement cette seule réponse, « slasheuse », -à la question inévitable quand tu as un minimum de vie sociale- ne semble pas suffire.
Non, parce que 2 cas de figure:
Soit l’interlocuteur connait ce terme et dans ce cas, t’interrogera sur les différents slashs qui ponctuent la description de mes différents métiers. (Et le fera par politesse, évidemment).
Soit le mec n’a strictement jamais entendu parler de ces tous nouveaux travailleurs (polyvalents, dynamiques, bosseurs, motivés…- quoi, personnel branling?-), il faudra donc que je m’escrime à lui expliquer que je n’ai pas un mais plusieurs métiers, que oui ça me plait, que oui, c’est précaire, que oui c’est pas facile tous les jours, que oui, c’est un gage de liberté de fou, que non, je n’ai pas envie de trouver un poste en CDI, que non, le fait de travailler de chez moi n’est pas insurmontable, que non, l’absence de collègues de machine à café ne manque pas plus que ça. Et j’en passe.
Mais bonheur, tout de même.
J’ai une sorte d’intitulé à donner. Un terme à émettre comme justification de mon choix de vie professionnelle, souvent incompris du commun des mortels. Et même si, j’aimais bien « couteau-suisse », que j’utilisais souvent de façon plus ou moins ironique, je vais désormais m’approprier celui de slasheuse, qui, et ce n’est pas pour me déplaire, laisse planer un certain mystère sur tout ça…