Solitude & Espérance

majead

Combien d’hommes esseulés se sont brûlé la cervelle en voulant connaître la Solitude ?

En cherchant le Silence Impérial, ils n’ont trouvé que désespoirs et folies. S’isoler des hommes est un exil nécessaire, pour qui veut remettre à l’endroit son cœur à l’envers. Mais l’homme n’a pas été créé pour être seul ad vitam. Son esprit est une matière friable qui ne résiste pas à l’épreuve du temps, ce Colosse aux pieds d’aciers.

Nous étions trois amis de longue date, excédés par le bruit infernal des jouissances terrestres. Le bonheur n’étant pas humain, nous avions décidé de nous isoler, avec tout le nécessaire pour vivre en autarcie durant des années. Nous voulions nous écarter de la vie moderne et de tous ses excès, ses dérives et ses extrêmes. Nous voulions être seuls face à nous-mêmes, avec nos pensées, nos émotions et nos sentiments ; les mettre à l’abri de la pollution des plaisirs prosaïques et du confort mensonger. Nous voulions mettre nos cinq sens à l’épreuve, les rééduquer comme on éduque des enfants, avec autorité et discipline…réapprendre à regarder, à écouter, à sentir, à toucher, à goûter… retrouver les sensations originelles. Nous espérions nous libérer de la servitude matérialiste et nous purifier des nombreuses souillures narcissiques, accumulées jusqu’ici. Nous voulions dompter nos désirs impétueux et versatiles, leur mettre la corde au cou et les tenir en laisse.

Nous voulions…mais notre volonté a rencontré un os sur son passage. C’était sans compter sur la puissance de l’instinct, ce tigre du Bengale, que nous croyions avoir enfermé dans sa cage à double tour.

Nos âmes félines ont besoin de pâturages, de nourritures et de liberté.  L’absence de l’autre nous a fait cruellement défaut. Nous avions besoin de présences, de chaleurs, de souffles et d’haleines. Dix années sans voir un visage nouveau, sans entendre une nouvelle voix humaine. Le Temps, après avoir été notre fidèle complice, s’est transformé peu à peu en un cruel bourreau. Chaque mois, chaque semaine, chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde, était une torture d’ennui, un supplice de solitude. Nous avions résisté, puis nous avions craqué. Nous avions tout renié et tout avoué. Nous croyons avoir choisi la Solitude, mais c’est elle qui choisit ses adeptes. Nous avions échoué. Nous nous sommes séparés sans un mot.

Le premier est retourné dans la jungle urbaine, plus sauvage et plus féroce que jamais. Le second est devenu fou, noyé dans une confusion mentale, ne sachant que penser, que dire, que faire devant l’insondable mystère de la psyché humaine.

 Moi, je suis entre chien et loup, tantôt maître de moi-même tel un sage soufi ; tantôt esclave de mes appétits, telle une bête affamée !  

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