Solitude d'un rôdeur

vincent-h

Un homme traquant la compagnie, l'amour, puis lassé, se résigne à vivre seul. C'est au plus bas de sa solitude que survient l'inespéré.

Je ressens leur présence, le courant, certaines mains m'effleurent et des têtes s'entrechoquent. Je respire l'amour des duos,  me nourrissant de leurs gestes, de leurs regards échangés. Puis, dans un départ léger, sans un bruit, ils quittent ma vie.

Voyeur jour et nuit, j'échangerais bien mes soupirs pour un moment partagé, une minute d'amitié, un baisé volé, une claque méritée. Le retour est pénible, ma jeunesse, avide de sensations, se frustre de l'absence d'êtres aimés.

Alors cette nuit, je rode, mais les mains ne se joignent pas, j'ai pourtant besoin de cette chaleur par procuration, de ces cris, je ne rentrerai pas sans un bruit, un fantasme, un sourire. Je ne donne rien mais je vol, j'arrache les instants précieux, je suis le témoin, l'homme de trop. Offrez-moi du sens, livrez-vous, parlez-moi ou restez silencieux, mais marchez à mes cotés. Le pas rythmé, les bras balancés, je vous suis. Etre avec vous mais seul, victime de votre indifférence.

Vous, les bienheureux, pensez aux rôdeurs, à ceux qui vous entourent et peuplent tristement votre joli parcours. Toi, quand tu sors, poursuivant ton but, ne m'oublis pas, tu m'as vu, ne t'arrêtes pas, ne vous arrêtez pas, je tournerai avant votre ligne droite, je m'effacerai sans fracas, gardant en  tête votre visage, enfin, je réajusterai mon allure avant d’accrocher l’odeur d’un nouveau passant.

Les pensées fusent, un renouveau, celui-ci porte un chapeau, alors j'en porte un aussi ! C'est un frère, un père, l'ami puis le traitre, l'inconnu, il me rejette, ralentit puis s'arrête et s'arrache à moi.

Mes questions ne raisonnent pas et restent sans réponses, être deux, je ne sais pas, le rêve puis l'illusion, un matin partagé, cette nuit j'y ai songé. Maintenant je choisis d'être seul, délaissant mes passants pour quelques mélodies, je me laisse enivrer par ces mêmes mélodies que l'on pense être les seuls à écouter, ces sons qui nous appartiennent, qui nous ressemblent et semblent nous coller si bien   qu'on les pense faites pour nous.

Tout devient alors accessoires, vide de sens, allongé, je m'oublis, je ne pense plus, je choisis la fuite, je rêve. Je jouis de pouvoir vivre ces moments imaginaires, j'ai souvent haïs les hommes, mais j’ai toujours respecté leur imaginaire, le laid devenant beau, l'homme seul soudainement accompagné, la femme attristée retrouvant le sourire, et moi, ce soir, je me dissous dans ces plaisirs sonores éphémères. La musique à remplacer la compagnie. Pourtant  ce soir, c’est une femme qui m’a suivit…

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