Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de retour en arrière possible

Mars 2021

Je me regarde tomber. Il y avait cette rage, indescriptible, mais elle est partie. J'avais envie de mourir, hier.

… Aujourd'hui aussi.

Mon copain ne sait quoi faire, impossible de me changer les idées alors il essaie de me faire oublier. Me fait à manger. Me fait prendre un bain. Je le regarde se dépatouiller avec tristesse parce que…

Parce que c'est sans espoir, pas vrai ?

Il y a cette colère sourde, elle m'empêche de me noyer. Mais elle se détache et j'attends qu'elle disparaisse complètement. Remplacée définitivement par le désespoir.

Toucher le fond. Se rendre compte qu'on peut toujours s'enfoncer plus profondément. Voici donc la dépression, dans toute sa splendeur. Devoir réfléchir pour se rappeler comment étirer ses lèvres dans un maigre sourire. Pleurer. Appeler à l'aide du côté des professionnels, ne pas en recevoir. Ne plus être capable de prendre une décision. Se haïr.

Il y a l'angoisse, pas vive mais profonde. Ne pas y penser sinon risque de pleurer. La colère, qui monte comme un hurlement lointain puis qui est recouverte par la vague de désespoir. Se rappeler ce que disait sa mère : « C'est horrible de devoir s'occuper d'une personne dépressive. Ne me fais jamais ça. » Y croire. Voir son copain faire de son mieux. Le voir te serrer fort contre lui. Le voir vérifier plusieurs fois si tu te scarifies, s'inquiéter parce qu'il te voit faire ton sac, « Tu reviens, hein… ? »

Avoir une conversation à demi-mot avec lui sur ce qu'il fera une fois que tu seras morte. Tout ce qu'il dit est : « Ne pars pas. » Pleurer. Se mettre en colère. Demander de l'aide pour ne pas se suicider, ne plus avoir la force de rire quand on te répond que la seule personne à pouvoir te sauver, c'est toi-même.

Sombrer.

Se répéter sa lettre de suicide. Sûre des derniers mots. « Je suis désolée. Mettez-vous en colère, haïssez-moi… et oubliez-moi. » Fermer les yeux et attendre. Encore un petit peu… Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de retour en arrière.

Crash.