SOULIERS DANS L'EAU
Sylviane Blineau
SOULIERS DANS L'EAU
Avec mes souliers j'entrerai dans l'eau,
Son écume,
Ses ridules de soleil,
Sa niaiserie de mer sans cesse modelée.
Je nierai les nuits lâches,
Les bâches des jours bruns,
Le miroir franchi par Alice,
Les paupières du soir, lisses, fardées,
Les pavots noirs,
Leurs infusions distillées sous la lune.
Et je lierai d'un raphia rouge
Les oreilles du Lapin Blanc...
Avec mes souliers délavés
Je foulerai le stuc du sable,
Ses coquillages virgules,
Nageant de plomb, poudrée de vents.
Avant de m'extirper des vagues
J'aurai contesté l'heure, hurlé,
Agrippée à je ne sais quoi,
Dérisoire sur l'eau ...
Reflet, brindille, trace
Ou pan de bise ?
Puisque les pieds dans l'eau,
Puisque souliers mouillés,
Devenir vague verte,
Roulée,
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Déroulée,
Ample
Et me coucher, saline , aux reflets du couchant.
Sel abrasif,
Sel assoiffant, noyé
Qui pique comme ortie...
...Dans ses oxydations, pourtant,
Jamais détruite !
ooOoo
M'offrirais-tu, peut-être ;
Un bouquet d'algues creuses ?
Tu viendrais me chanter la mer aux golfes clairs,
La mer recommencée,
Recommencée toujours ?
Toi qui m'as décryptée,
Toi qui sais rester tendre,
Attendre,
N'espère pas de moi le chant long des sirènes.
Je ne te veux vainqueur,
Je ne te veux silène,
Mais caressante écume à mes genoux ouverts,
Rouverts,
Ancrée aux fonds profonds des marines prairies.
Crois-tu qu'ainsi débout je saurai traverser
Les océans pervers ?
La poitrine baignée d'une froidure douce,
J'aurai les doigts trempés de temps.
Attentive aux reflux,
Les yeux sans mascara,
Je te chuchoterai les secrets de la mer,
Ses senteurs,
Ses calendaires mélopées,
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Ses revirements crayonnés de lueurs sanguines.
Je te dirai en souriant ses abandons,
Ses bois flottés et ses corps morts
Qui génèrent la longue histoire
Des océans perclus d'encore.
Je ne serai pas péremptoire,
Juste passeuse de défis,
Amoncelant pour toi,
Contre tout et tous,
Tous les alinéas d'une loi très inique.
Qui, sinon, te les transmettra ?
...Dans l'eau,
Souliers mouillés,
Souliers rongés foulant le sable infini,
Les coraux.
- Dans la cadence ambrée d'un espace abrasif -
D' Alice, pas de trace,
De robe volantée,
De serre-tête en bois d'ébène...
Et le miroir ?
Là-haut, près des étoiles ?
Au creux des noirs abysses avec les albinos ?
Il n'est plus qu'ossature fragile,
Piétinée,
Zébrée par les orages.
Mais il faudrait que je vous dise :
Me souliers sont des godillots !
Des godille...eaux !