Soulmates - APPARENCES (T.1) - Chapitre 2 - Promesses

sagasoulmates

Chapitre 2 "Promesses" du roman Apparences, premier tome de la saga Soulmates, disponible sur Amazon en format broché et Kindle.

2

PROMESSES



La forte lumière extérieure me réveilla subitement. Je dus mettre plus de deux minutes à me rappeler où j'étais et ce que j'avais fait pendant la soirée. J'avais mal partout et la couette servant de matelas se révéla beaucoup moins confortable que la veille. Je m'étirais, coincé entre le bureau et Joe, qui lui, dormait toujours. Sa main avait atterri sur ma hanche et sa jambe enveloppait la mienne. Je ne voulais pas le réveiller mais là, c'était dur – Il m'écrasait pratiquement. Stupéfait, je remarquais que la chambre de John était dans un parfait état : l'armoire était debout, le lit réparé sur ses quatre pieds, plus aucun caleçon par terre, les fenêtres n'étaient plus condamnées et l'ensemble était nettoyé... Comment était-ce possible ? Je secouais la tête pensant que ce n'était qu'un mauvais rêve. En voulant me lever, Joe poussa un grand soupir et s'étira. Il s'était réveillé aussi. Nous étions dans le même état physique et moral. Il ouvrit les yeux à moitié, pour observer autour de lui. Il tira une grimace.

— Outch ! Sur quoi est-ce que j'ai dormi, bon sang !

— Euh... sur moi entre autres, dis-je en souriant. Joe passa son bras en dessous de la couette et y retira une peluche à moitié déchiquetée. Il me regarda, ses traits étaient indéchiffrables – nous explosâmes de rire en cœur. L'état impeccable de la chambre nous restait en travers de la gorge. Il était difficile de croire que nous n'avions pas pu être réveillés pendant un tel rangement. Je descendais les escaliers pour rejoindre les autres, Joe derrière moi baillait à s'en décrocher la mâchoire. Arrivés dans l'entrée, celle-ci était très éclairée et tout le petit monde était au complet dans le salon. Mes amis prenaient le petit déjeuner dans la joie et la bonne humeur.

— Hey ! Alors, bien dormi ? demanda John, le sourire aux lèvres avec son air radieux – le soleil se reflétait sur sa peau et ses cheveux tel un champ de blé. On aurait dit un ange. Mes amis étaient vraiment trop canons, ça en devenait agaçant. Je ris intérieurement, cela devait être parce que je ne les avais pas vus depuis un moment.

— Tu parles ! Ils ont chahuté toute la soirée ! Impossible d'avoir la paix pendant plus d'une heure cette nuit ! ajouta Sheryfa en rigolant.

Jérémy la tenait dans ses bras. J'haussais un sourcil en guise de répondant. Nos regards se croisèrent, amusés.

— Au moins on comblait le bruit de vos ébats ! s'empressa d'ajouter Joe dans sa barbe faisant semblant d'être vexé. Tout le monde explosa de rire. L'ambiance était meilleure qu'hier, moins tendue. Le plaisir de les revoir heureux et ensemble me coupa dans mon élan de questions infinies.

— Venez manger quelque chose, s'écria Candice très enthousiaste.

Je m'installais près d'elle – son parfum était un délice, frais et sucré. Candice me tapota le dos et sa douce voix me rappela qu'il fallait que je mange. Joe semblait ailleurs – il y avait de quoi ! Aucun de nous deux n'osait poser des questions à John, qui lui, faisait comme si de rien n'était. Ce n'était vraiment pas le moment. Tout le monde avait l'air de s'amuser et je voulais juste oublier les nombreuses mésaventures d'hier soir.

Je regardais mon portable, j'avais un nouveau message :

« N'oublie pas de m'appeler quand tu seras à Massy Palaiseau. Je dois accompagner ta sœur à son audition de piano, cela lui ferait plaisir que tu viennes. RDV à 14h NE SOIS PAS EN RETARD » envoyé à neuf heures ce matin.

Je regardais ma montre : onze heures. Une douleur me traversa le ventre, allais-je être à l'heure ? Il fallait que je parte maintenant. Candice remarqua ma petite angoisse et me proposa de m'accompagner à la gare – seulement, je ne lui avais pas dit que je devais partir. Peut-être lisait-elle sur mon visage ? J'étais surpris.

Tout le monde parti en même temps, sauf Amaury qui restait chez John. J'avais passé une soirée des plus improbables. J'avais à peu près deux heures de train pour rentrer chez moi. Je devais tout de même faire comprendre à John que j'attendais des explications.

En partant, je lui glissais dans l'oreille :

— Promets-moi que tu m'expliqueras. 

Celui-ci me dévisagea, d'abord surpris puis inerte. Je lui fis un clin d'œil et nous nous enlaçâmes amicalement. C'était dur de les quitter à nouveau – c'était inhumain ! Amaury me fit un signe de la main avec un large sourire, restant un peu à l'écart. Il n'était pas du genre à montrer ses émotions.

Sheryfa et Jérémy étaient pressés, les au revoir furent brefs, déchirants. Ils partirent main dans la main – j'avais loupé un épisode mais tout le monde sembla aussi étonné que moi. Je ne m'étais pas trompé hier soir : plus que de l'amitié les unissait. Le plus dur fut de quitter Joe.

— Tu as intérêt à m'appeler tous les jours, hein ! Je veux avoir des nouvelles ! s'écria Joe, paniqué.

Ses mots se bousculaient, sa voix était déformée par le chagrin. Je ne l'avais jamais vu avec une mine aussi triste.

— Je vais y réfléchir, répondis-je pour le taquiner.

J'eus le droit à une tape sur les fesses, toujours charmant de sa part. Je trouvais que le comportement de Joe avait changé vis-à-vis de moi… Ou alors je me faisais des idées.

Il me sourit, embêté par la situation : me dire au revoir. Dans un souffle je lui sifflais un « promis », ce qui le fit sourire encore plus – il se sentait mieux. Il me prit dans ses bras – j'étais un peu gêné à l'idée que notre au revoir dure plus longtemps que les autres, qu'allait penser la bande ? Je m'échappais de son étreinte avec maladresse, prétextant que mon train partait bientôt.

En m'éloignant, je fis un signe de main et partis en baissant la tête. J'espérais les revoir très vite.

Candice, toujours aussi rayonnante avec son regard de braise avait décidé de m'accompagner jusqu'à la gare. Elle était un peu trop joyeuse à mon goût.

— Vous semblez très proches avec Jojo.

Je ne répondis pas, trouvant sa remarque trop déplacée. Le vent effaça mes pensées, laissant place à un grand vide dans ma tête – pourquoi me disait-elle ça ? Elle le remarqua et tenta de se rattraper.

— Non mais ne te vexe pas ! Je délire sûrement après tout.

— Pour changer, dis-je froidement.

Candice fit un pas à reculons, son regard noir fixé sur moi. Elle s'arrêta net et me dévisagea. Ses prunelles habituellement chocolat, devinrent noires. Son regard était meurtrier. Je m'en voulus pendant une seconde. Je repris :

— Écoute, je suis désolé...C'est l'émotion, je… Je ne veux pas te quitter encore une fois !

Je baissais la tête, dépité.

Contente de mes excuses, elle acquiesça et se remit en marche à côté de moi.

Nous arrivâmes à la gare après avoir pris le bus, Candice me prit par la taille. Mon cœur fit un bon. Que lui arrivait-elle ? Elle voulait savoir quelque chose... Je la connaissais trop bien. Elle se pencha vers moi – ses bras descendirent sur mes hanches, elle se rapprocha de mon visage. Sa bouche était à dix centimètres de la mienne – Je tournais la tête lui tendant ma joue. Remarquant mon geste, elle déposa un baiser sur ma joue plus tendre que tous ceux que j'avais connu. Ses lèvres froides et dures brûlaient ma peau, son parfum m'enveloppait et comme hier, je me sentais transporté – comment lui résister ? Candice poussa un petit rire en s'éloignant de ma joue. Une fois assez éloignée de mon visage, elle s'écria à tue-tête « Je le savais, je le savais ! »

Elle se retira et me lança un regard qui jurait savoir quelque chose dont j'ignorais.

Je tentais de la retenir mais elle était extrêmement agile et m'échappa. De quoi parlait-elle ? Je la suppliais de me dire ce qu'elle prétendait savoir. Elle riait mais ne se laissait pas faire. D'un mouvement rapide, j'attrapais son visage entre mes deux mains, la fuite étant impossible. Dans un souffle, je lui dis :

— Dis-moi, s'il te plaît...

Elle hésita puis me sourit avant de répondre, avec la plus grande désinvolture :

— Tu le découvriras par toi-même !

Le temps de me remettre de ses paroles, Candice s'était éclipsée, me laissant seul au milieu de cette gare. Je me
retournais, étonné de la savoir déjà partie.

 

Je ne cherchais pas plus longtemps et pris mon train, l'esprit encore plus embrouillé que d'habitude. Je ne savais même plus sur quel quai je devais me rendre. Je courrais dans tous les sens, pour enfin trouver ce satané train. Le voyage me paraissait une fois de plus interminable. Je repassais ma soirée en boucle et n'arrêtais pas de me demander ce qu'il se passait dans la tête de mes amis. Tout avait été si différent ! Ma mère m'attendait à la gare – du moins je l'espérais car je n'arrivais pas à la joindre.

En descendant du train, je la vis au loin, anxieuse et impatiente. Je me dépêchais de la rejoindre.

Ma mère me tendit ses bras et n'hésita pas à me féliciter d'être arrivé à l'heure. « Mais de rien maman » pensais-je à voix haute. Elle soupira et me sourit. Ma sœur Alysson nous attendait dans la voiture. Elle paraissait inquiète pour son audition de piano. En déménageant à côté Paris, ma sœur en avait profité pour s'inscrire dans une grande école de musique. Or, pour intégrer dans cette école, il fallait un excellent niveau et un morceau de piano était donné aux nouveaux inscrits. Aujourd'hui, c'était la représentation qui permettait au jury de voir si l'élève avait les capacités d'y entrer. En montant dans la voiture, je lui fis un sourire, ce qui sembla la détendre un peu.

— Tu te sens prête ma chérie ? demanda ma mère qui se concentrait sur la route.

Alysson fit un signe de tête peu convaincant. Elle avait bossé dur pendant un mois, ça c'était sûr. Elle regardait par la fenêtre, perdue dans ses pensées. Je tentais de la questionner sur la fête d'anniversaire d'une de ses copines qui avait eu lieu hier soir.

— Alors, c'était bien chez Pauline ?

— M'ouais, dit-elle sans même daigner me regarder.

Je ne relevais pas. J'étais cependant sûr qu'il s'était passé quelque chose et que la soirée ne s'était pas déroulée comme prévue – un peu comme la mienne d'ailleurs. Je fixais ma sœur avec inquiétude. Je savais pertinemment qu'elle ne pouvait pas en parler dans la voiture, faute de la présence d'un adulte responsable, soit ma mère.

Le trajet fut court et pratiquement sans paroles. Ma mère était trop préoccupée par les préparatifs de sa crémaillère dans notre nouvelle maison – de ce fait, elle ne s'intéressait pas à nous pour le moment. Son téléphone n'arrêtait pas de sonner.

— Maman, il ne faut pas téléphoner en voiture ! dis-je avec un air de petit garçon insupportable.

Je lui fis les gros yeux.

— Oui mais là c'est important ! Au fait, si tu as des amis à inviter, il faut que tu me le dises maintenant et en chiffre exact ! répondit-elle à vif.

— Oui, mais d'ici là, j'aurais sûrement rencontré des gens au lycée ! lui fis-je remarquer.

— C'est pour cela que je voudrais un nombre exact dans les jours à venir !

J'acquiesçais, lui faisant remarquer qu'elle m'avait dit maintenant et pas dans quelques jours. Qui allais-je inviter ? La bande de Nantes, obligatoirement !

Ma sœur descendit en vitesse de la voiture. Ma mère semblait encore plus angoissée qu'elle. Sur le chemin, je la questionnais sur la soirée de pendaison de crémaillère :

— Combien il y aurait d'invités tu penses ?

— Environ une trentaine...Je ne sais pas trop ! Et puis ça dépend de toi et tes amis !

Je repris :

— Et… Elle se déroulera quand ?

— Fin septembre ! ajouta ma mère sans préciser de date.

Je lui souris et la remercia de me laisser inviter quelques amis – elle ne put s'empêcher de pousser un petit rire taquin qui montrait son intérêt envers ma bande d'amis.

 

« Et passons dès à présent à la candidate suivante, Alysson Elys ! » criait une vieille femme au micro. Le chemisier rose décoloré de cette dame était en harmonie avec le peu de cheveux roux présents sur sa tête. Sa voix me donnait mal au cœur – comment des spots pouvaient éclairer cette "chose"? La salle était bondée de parents anxieux : La tension était palpable.

Ma sœur arriva sur la scène, tête baissée. J'étais fier de lui avoir fait acheter cette petite robe bleue assortie à ses yeux et à son teint – qui était étrangement plus pâle que d'habitude à cause du stress : elle en mettait cependant plein la vue. Ses cheveux bruns étaient rassemblés en une jolie
petite tresse. Elle s'installa sur le siège et posa ses mains sur le clavier du piano. Le temps passa, elle ne bougeait pas – je sentais en moi la panique monter, pourquoi ne jouait-elle pas ?

La vieille "chose" s'impatienta et au moment où elle s'apprêtait à faire une remarque désobligeante, ma sœur se retourna pour lui lancer un regard noir, la figeant sur place. Le teint d'Alysson devint translucide et ses mains tremblaient.

Elle se mit à jouer, mieux que jamais. Les notes étaient nettes et s'enchaînaient parfaitement, le tempo était respecté à la lettre, la mélodie était tout simplement magnifique.
Ma sœur reprît des couleurs et se mit à l'aise – elle commença à fermer les yeux. Ses mains glissaient très facilement sur le clavier. Jusqu'à la fin du morceau, tout le monde était bouche bée, stupéfait d'avoir assisté à une telle représentation. Sous un tonnerre d'applaudissements, Alysson quitta la scène très vite – un peu trop vite d'ailleurs. La vieille folle en profita pour commenter son geste avec un air satisfait :

— Ah ! Les jeunes d'aujourd'hui ! La grosse tête leur fait perdre les bonnes manières !

Elle se mit à pouffer d'un rire aigu et méchant qui fit stopper les applaudissements. Pour accentuer son arrogance, elle fit un signe de main dans la direction qu'avait empruntée ma sœur pour sortir.

 

Je sortais de la salle, furax. Ma sœur n'allait pas bien et cette vieille folle n'avait en rien arrangé les choses. Ma mère
restait dans la salle car la musique était son deuxième élément – elle ne pouvait pas s'en passer.

Je courrais derrière le bâtiment. Ne la trouvant pas, je
hurlais son nom. Où avait-elle bien pu passer ? Je longeais les longs murs, regardant à droite et à gauche. C'est alors que je la vis, assise par terre, la tête dans les genoux, en pleurs. Je courus à elle et m'assis, posant une main sur son genou. Elle me stoppa net et retira ma main.

— Ne me touche pas ! cria-t-elle.

Alysson se remit à pleurer de plus belle. Surpris, je tentais de la rassurer tant bien que mal :

— Tu as hyper bien joué Alysson ! Tout le monde était émerveillé ! Maman et moi sommes fiers de toi ! Tu étais incroyable !

Mais ses pleurs redoublèrent d'intensité et devinrent
féroces. Elle essaya de placer quelques mots entre ses sanglots :

— Je dois parti-ir ! Laiss-sse mo-oi !

— Hein ? Mais de quoi tu parles ? demandais-je, furieux de sa réaction.

Elle ne répondit pas et s'enfonça dans ses genoux enroulant ses bras autour d'elle. Je m'assis en face et posais mes deux mains sur ses épaules nues pour tenter de la raisonner. Sa peau était froide et dure, me laissant perplexe – exactement comme la peau de Candice. Je demandais des explications à Alysson en haussant la voix pour couvrir ses pleurs.

Comme si elle avait deviné ce à quoi je pensais, elle releva son visage rempli de larmes et me dit :

— Tu ne peux pas comprendre !

Ses traits étaient durs et furieux. Elle se releva, ses prunelles étaient noires – elle qui avait d'habitude les yeux d'un bleu intense. Elle était méconnaissable.

Surpris par son comportement étrange, je ne relevais pas et me contentais de la retenir par le bras.

Alysson arrêta de pleurer et resta face à moi.

— Je dois m'en aller. S'il te plaît, ne me cherche pas et ne le dis à personne.

Perplexe, je voulus protester mais les mots ne me vinrent pas. Je réussis à formuler quelques questions dans un élan de rage et de désespoir :

— Mais enfin, ça ne va pas ? Et tu comptes aller où comme ça ? Tu ne peux pas partir ! Reviens donc à la maison avec nous !

— J'aimerais, je t'assure. Mais je ne peux pas. Vous allez me manquer, adieu Mathias, ajouta-t-elle dans un souffle, la tête baissée.  

Au moment où elle s'apprêtait à partir, je tendis les bras voulant la retenir. J'étais pétrifié – ses mots m'avaient bouleversé, c'était comme un sceau d'eau glacé que l'on venait de me jeter à la figure.

Elle m'adressa un dernier regard avant de s'en aller à une vitesse telle que je ne la vis pas partir.

 

Reprenant mes esprits, je courais à sa recherche, mais en vain – je savais bien que c'était peine perdue. Ce qui venait de se passer ne pouvait pas être réel. Ma sœur ne pouvait être partie pour toujours… Enfin… Non ! Après avoir parcouru quelques mètres en sa direction, je me retournais, hurlant son prénom. Tout s'évapora, je perdis connaissance.

Signaler ce texte