Soulmates - APPARENCES (T.1) - Prologue

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Prologue du roman Apparences, premier tome de la saga Soulmates, disponible sur Amazon en format broché et Kindle.


« L'air et l'amour ont de multiples points communs.

On meurt d'inamour comme on meurt d'asphyxie.

L'amour est la respiration de la vie. »



Le vent est glacial mais je continue d'avancer, toujours plus vite. Je respire à pleins poumons cet air pur et froid qui me pétrifie intérieurement. Cette fois-ci, je t'attends. Ainsi, tu ne me prendras pas par surprise. Je me réfugie dans cette usine désaffectée pour espérer t'y voir à nouveau. Tes nombreuses apparitions m'ont intriguées et je veux te connaître.

Ce n'est plus la peine de te cacher, dis-moi seulement qui tu es. Je m'approche d'une fenêtre et observe le coucher de soleil qui s'enfonce tranquillement derrière les collines. La végétation sèche et dense change de couleur, toute cette étendue disparaît en même temps que le jour. Le silence qui règne devient pesant et inquiétant.

On peut entendre au loin quelques cris d'oiseaux perçant étouffés par le vent. Mes cheveux s'animent avec la brise qui se faufile par les vitres cassées – Je ferme les yeux, court sentiment de liberté et de bonheur. Je m'assieds sur un rebord de fenêtre et attends un signe de toi.

Une odeur soudaine de sang me donnant la nausée m'indique ta proximité. La température ambiante descend de plusieurs degrés, j'en ai des frissons. Je sais pertinemment que tu es là et que tu m'observes. Je ferme mon manteau pour tenter de garder un peu de chaleur.

L'usine est tellement grande et sombre qu'il m'est impossible d'en voir la fin. Je sens mon cœur battre à tout rompre, ma respiration se fait pesante et instable. Un mouvement, une précipitation, un soufflement, une ombre. Oui, c'est toi, encore une fois. Tu réapparais étrangement à différents endroits de l'usine pendant de très courts instants. Je sais que je ne rêve pas. Je ne peux pas être fou !

Je sens que tu te rapproches de moi au fur et à mesure que tu apparais. Je t'effraie sûrement. Je chuchotedoucement – Ou plutôt, l'angoisse parle à ma place :

— Qui es-tu ? Viens, je ne te ferai aucun mal.

À droite, puis à gauche, ton ombre me fascine. Je sens mon rythme cardiaque s'accélérer d'avantage, je suis impatient à l'idée de te rencontrer. Et non, tu ne me fais pas peur. Je me relève et m'avance vers cette pénombre grandissante. L'odeur du fer provenant du sang me fait grincer des dents, je baisse la tête trouvant cela désagréable. Y avait-il un cadavre dans cette usine ? Je m'avance dans le noir, pensant venir vers toi. Je ne sais pas qui tu es, ni ce que tu veux. Plus je marche, plus j'entends des pleurs. Je ressens ta tristesse profonde. Le vent étouffe tes gémissements plaintifs. Pourquoi cries-tu ?

Je me guide au son de ta voix, un son que je n'avais jamais entendu auparavant : tellement fantomatique et attirant... Non, je ne rêve pas. Tu es là, assise, seule. Il fait trop sombre pour que je puisse voir ton visage. Je me baisse pour essayer de t'observer, mais à nouveau, tu te mets à crier – de douleur. Tu poses tes mains sur ton visage et tu te mords les doigts jusqu'au sang, comme pour t'interdire de me parler. Je prends peur et recule. Ton cri me blesse, mais je veux t'aider. Des larmes noires coulent à flot sur tes joues blanches.

Lentement, tes traits apparaissent avec la faible lueur de l'extérieur. Ton regard me terrifie : tes yeux sont rouges et tes larmes sont en réalité du sang. Je comprends mieux à présent d'où venait cette odeur de cadavre. Ta bouche s'entrouvre, tu as l'air hypnotisé par ma présence. Toujours en me fixant, tu t'approches de moi et retires doucement les doigts de ta bouche – Étrangement, ils ne saignent pas, je ne vois même pas la trace de tes dents dessus. Tu as enfin cessé de crier. Tes longs cheveux blonds sont tachés de rouge et désordonnés. Tu sembles toute fragile et perdue. J'ai presque l'air d'un monstre à tes côtés. Quoique...

Un court instant de doute me traverse, me laissant sans voix. Dois-je fuir ? Un vent froid passe à toute vitesse dans la grange et ébouriffe encore plus tes longs cheveux. D'un seul geste, tu tends ton bras vers mon visage, plus déterminée que jamais. Sans savoir pourquoi, je me sens faiblir rapidement.

Ta main tremble plus elle se rapproche de moi. Tu serres les dents puis tes yeux deviennent blancs, comme si tu entrais en transe. Tes doigts se crispent – Devenant trop faible, je suis incapable de bouger le moindre membre. Ma respiration ralentit, mon cœur ne bat presque plus. J'ai des fourmis dans les bras et mes jambes me font mal comme si on me plantait des aiguilles.

Je me sens tomber lourdement, ma tête cogne contre le béton. Je suis incapable de me défendre. Que fais-tu ? Pourquoi cherches-tu à me tuer ? Qu'ai-je fais de mal ? Je ne suis même plus en état pour réfléchir. Ta main se pose sur mon front, ce qui me déclenche un cri de douleur – Mon dernier souffle de vie.

Je me sens à présent tout léger, vidé de toute
souffrance physique. Tu es encore là, à mes côtés. Je t'observe sans même avoir besoin de bouger la tête. Je suis toujours dans cette usine. Le cadavre, c'est moi à présent.

D'une petite voix faible, tu me souffles à l'oreille :

— Tu voulais me connaître ?


Je suis transporté dans un trou noir. Je ne sais pas ce qu'il m'arrive, ni ce que je fais. Je suis emporté dans un tourbillon qui me semble sans fin. Je reprends mes esprits et remarque que le décor a changé. Je te vois à mes côtés, confiante. Tu m'amènes dans un grand jardin fleuri et très bien entretenu. Le soleil brille de mille éclats et le ciel est d'un bleu cyan aveuglant. Derrière moi se trouve une maison en pierre, datant de plusieurs siècles selon moi.

Comme dans un rêve, j'entends des rires qui deviennent assourdissants, puis diaboliques. J'observe plus attentivement et vois deux petites filles qui jouent avec leurs poupées. Elles doivent avoir une dizaine d'années : L'une est blonde et l'autre brune. L'ambiance est apaisante, mais je ressens un certain malaise. Les deux gamines sont vêtues de robes bouffantes beiges, en harmonie avec les couleurs de la généreuse nature qui les entoure. Elles ont l'air de vraiment bien s'amuser.

La petite fille blonde tourne la tête dans ma direction : ses yeux sont d'un bleu étourdissant et ses cheveux blonds m'éblouissent par leur beauté. Cette fillette lance un sourire perdu et inquiet – vers moi ? Pourtant, la fille brune ne semble pas avoir remarqué ma présence. Comme si de rien n'était, elle retourne jouer avec sa copine. J'en déduis que cette fillette c'était toi.


« Si tu n'as rien à offrir, donne ce rien.

Tu seras stupéfait de voir les miracles,

Que peut faire ce petit rien. »


À nouveau, je suis aspiré par ce trou noir. Je me retrouve soudainement dans une ancienne cuisine, avec de très vieux meubles – On se serait cru au Moyen-Âge. Je comprends mieux à présent pourquoi l'endroit ne m'est pas familier du tout. Je ne sais pas ce que je fais là et encore moins chez qui je suis. Je me retourne et te vois, environ dix ans plus tard. Tu n'es plus la jeune fille qui jouait à la poupée, mais la poupée qui joue à la jeune femme. Tu as l'air de t'entraîner à danser, tu es gracieuse, élégante – et visiblement épanouie.

Tes cheveux blonds sont très longs et les traits de ton visage sont d'une finesse à en couper le souffle. Vêtue d'une robe bleue claire, tu sembles irréelle tellement ta beauté est incroyable. Tu entres dans la cuisine puis poursuis ton chemin vers le salon. Tu ne me vois pas, j'ai le sentiment d'être un fantôme. Inconsciemment, je sais que j'en suis un. Remarquant que c'est la seule chose à faire, je te suis docilement. Tu t'arrêtes d'un seul coup, ce qui me fait sursauter. Tu t'effondres par terre, abattue par la douleur. Tu veux crier, mais aucun son ne sort de ta bouche.


Je m'approche pour comprendre ce qui te perturbe. Je te vois alors cracher du sang partout en essayant de te relever. Ta peau pâlit très vite et le blanc de tes yeux rougit. Tu veux te les frotter car ils te piquent, mais tu sembles trop faible pour bouger. Tous tes muscles se contractent, tu bouges de moins en moins, jusqu'à devenir inerte. Ta respiration baisse d'intensité, ta main se pose lourdement sur le sol, puis tes yeux se ferment avec incertitude. Tu viens de mourir devant mes yeux.


Je suis choqué de la scène à laquelle je viens d'assister. Tu es étendue par terre, noyée dans ton sang. Tous les pigments de ta peau ont disparu, tu es exsangue. Pourquoi cette fin si atroce et insensée ?

Juste après c'était comme un film en accéléré : ta famille arrive et te retrouve ensanglantée sur le tapis du salon, tu es emmenée pour être examinée par des spécialistes de l'époque. Moi-même je ne comprends pas ta mort soudaine et pourquoi j'ai assisté à ça.Pourquoi me montres-tu ces éléments de ta vie ?


« Tout ce dont tu ignores,

Remonte toujours à la surface,

Tout ce que tu voudras cacher,

Apparaîtra devant toi quand tu ne l'attendras pas. »


Je me retrouve dans une grande salle froide et obscure. D'après mes constatations, tu es décédée dans un cercueil ouvert. Visiblement, personne n'est à tes côtés, ta famille n'espère plus te revoir en vie. Cette pensée me trouble puis je me rends compte que tu es dans une morgue. Si je comprends bien, ton cœur ne bat plus, tu es déclarée morte et ta famille organise ton enterrement. Je t'observe attentivement et analyse chaque trait de ton visage. Je pose ma main sur ton bras – Je le traverse sans arriver à te toucher. Les minutes passent, je me demande quel sera mon futur. J'espère ne vivre qu'un rêve.

Tu finis par ouvrir grand les yeux. Ton regard parcourt et analyse la pièce qui t'entoure, tu restes inactive pendant plus d'une minute. Tu te lèves d'un coup. Je n'en reviens pas : tu es décédée, mais pourtant tu es là, debout, devant moi. Ton regard se pose avec une rapidité incroyable sur la porte. A cet instant précis, une dame vêtue d'une blouse noire fait irruption dans la salle. Elle a à peine ouvert la porte que tu la projettes contre un mur avec une force inhumaine. Tes yeux sont noirs, ton regard est cruel et méchant. Pourtant si candide... Tu approches ton visage de celui de la femme puis tu prends une grande inspiration. Celle-ci faiblit et perd conscience. Sa peau se dessèche instantanément, perdant toutes ses couleurs. En observant bien, elle n'a plus aucun flux vital. Tu te relèves et te sens plus forte.

Tu sors de cette morgue en coup de vent. Je suis estomaqué et complètement abasourdi par ton comportement. À vrai dire, c'est comme si je venais d'assister à ma propre mort. Qu'est-ce que je peux être stupide ! Que cherches-tu à me montrer ? Je ne sais même pas comment tu t'appelles ! Ta vitesse est foudroyante et je ne puis te suivre. Je passe à travers les humains, les murs, toujours en cherchant à aller plus vite. En vain.


« Tu marches sans même savoir pourquoi,

Tu gardes toujours cet espoir au fond de toi,

Chaque fois que ta flamme s'éteint,

Elle se rallume toujours grâce à quelqu'un. »


Un vent froid me traverse le dos et à nouveau, je me retrouve amené ailleurs. Un long couloir noir et exigu, une nuit glaciale. Je suis dans une auberge. Le mobilier, peut-être du siècle dernier s'efface lentement autour de moi.

J'entends des pas qui viennent vers moi, puis des rires. C'est toi. J'arrive à t'apercevoir au coin du couloir, grâce à une faible bougie. Physiquement, tu n'as pas changé. Mais cette fois-ci, tu es accompagnée d'un homme assez robuste, jeune et beau. Vous semblez avoir le même état d'esprit et ce regard aussi complice cache forcément un lien très fort qui vous unit. Il te plaque tendrement contre l'un des murs dans cette obscurité chaleureuse. À la lueur de la bougie, je distingue ses yeux noirs qui te dévorent, ses mains qui te caressent, sa bouche qui se pose avec tendresse sur la tienne. Ma présence ne semble pas vous troubler.

À vrai dire, je sais que personne ne peut me voir. Il t'a redonné le sourire et vous semblez vivre pleinement. Tu es heureuse – Du moins, c'est l'image que tu donnes de toi. Vous reprenez tranquillement votre marche vers la chambre en passant devant moi. Ton regard se pose sur moi, puis j'entends au loin dans un sifflement :

— Ne te fie jamais aux apparences.


J'ouvre les yeux et me retrouve dans cette usine désaffectée. Je me relève en sursaut. Tu n'es plus là. Je suis affamé, perdu et en colère contre toi. Je vais me cacher dans les profondeurs de cette usine et préparer ma vengeance.

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