Souvenirs de jeunesse
Dominique Capo
C'est avec nostalgie qu'aujourd'hui je me souviens de ton si joli visage ; et, si je suis désormais âgé et que j'ai atteins les ultimes rivages ; de cette existence qui m'a conduis d'un Océan de douleur ; à une Terre étrangère où n'existe aucun bonheur ; c'est parce qu'à l'Aube de chaque jour écoulé ; je me suis accroché aux fugaces instants que nous avons partagé.
Car, s'ils n'ont été que momentanés, dans mon cœur, ils n'en n'ont pas moins été démesurés ; et crois moi ou non, je ne les ai jamais oublié. Comment l'aurai-je pu d'ailleurs, alors que ce que j'ai alors vu m'a profondément marqué ; au point qu'à chaque fois que je me les remémore les doigts de ma main valide se mettent à trembler. Puis, mon œil perclus de rides que je n'ai pas perdu ; au cours des multiples combats de la vie qui m'ont vaincu ; pleure cette chance que je n'ai pas osé saisir ; en refusant de toutes mes forces ce sublime désir ; de toi tout en envisageant le pire des outrages ; de la part de ceux qui ont eu l'audace et le courage ; d'affronter ta beauté et ton charme infini ; dans le but de te mettre dans leur lit.
En effet, rappelle toi mon Aimée, nous étions jeunes en ce temps là ; et des couloirs du lycée, des cours de récré, aux salles de classe, et même au-delà ; tu dévorais ta jeune existence à pleine dents ; tandis que j'arpentais déjà les sombres corridors destinés à me conduire aux sources d'un mal infamant. Quel autre choix avais-je donc, si ce n'est de contempler ; de loin cette radieuse splendeur illuminée ; d'une juvénile et attrayante Vénus réincarnée ; capable d'enflammer les cœurs d'adolescents qui t'admiraient ? Comment, mon Aimée, aurais-je pu rivaliser avec des hommes en devenir ; prêts à tout pour t'aguicher et se rire ; d'un dégénéré susceptible de capter ton attention ; par d'autres moyens qu'une puérile séduction ? De quelle manière aurais-je pu t'approcher sereinement ; et sans être l'objet de leurs tourments ou de leurs farces de garnements ; ressentant leur curiosité malsaine et continuelle à mon encontre ; comme une atteinte à cette dignité illusoire dont j'ai fait montre ? Puisque tout le long cette vie infamante ; parcourue de chemins aux multiples détours et parsemé de péripéties humiliantes ; je n'ai pu échapper à cet avenir qu'ils ont tracé ; et qui ne m'a aucunement permis d'affronter ces épouvantables terreurs qui ont plus d'une fois menacé ; de m'entraîner au fins fonds d'une démence ; qui n'a jamais eu, à mon égard, de clémence.
C'est pour toutes ces raisons, mon Aimée, que je n'ai pas osé t'approcher ; et que j'ai préféré, tout le long de ces années de lycée où nous nous sommes côtoyés ; demeurer dans l'ombre et t'observer réaliser ; tes rêves et tes espoirs que je n'ai cessé ; de favoriser du mieux que j'ai pu mais sans m'impliquer physiquement ; avant, le moment venu, de disparaître définitivement ; de ton existence lorsque j'ai compris ; que tu avais enfin trouvé ce bonheur que tu méritais tant ; et que je n'avais pas le droit d'entacher de ma présence insultante. Ce qui ne m'a malgré tout pas empêcher toutes ces années durant ; de garder au chaud au fond de mon Cœur et de mon Ame le souvenir de cet instant ; où tout était encore possible et sincèrement ; je ne les regrette pas car il m'a intensément ; donné l'occasion d'affronter toutes les épreuves qui ont fait de moi ce vieillard agonisant...