Spirale Onirique
heartillyline
Je fais le même rêve chaque nuit… Depuis quand est-ce ainsi ? J'ai l'impression que ma vie tourne en boucle, à moins que je ne sois encore endormie ?
Un songe. Une étreinte irréelle. À mon réveil je sentais encore sa chaleur, son parfum. Mon corps se rappelle encore de ses caresses, ses baisers. Fermant les yeux, je tentais de replonger dans ces souvenirs fugaces. À mesure que je me laissais aller, je me remémorais des bribes imparfaites de ce songe délicieux.
J'étais dans un chalet. La nuit était déjà bien avancée mais je n'arrivais pas à trouver le sommeil. Je me tenais face à la bibliothèque, à la recherche d'un roman pour faire passer le temps. Soudain, je sentis son torse se blottir dans mon dos. Ses bras m'enveloppèrent avec douceur. Je tournai la tête et découvris le visage de Phil. Son regard fiévreux m'emplit de désir. Je laissai tomber ma tête sur son épaule. Irrésistible attraction. Il m'embrassa et je répondis à son baiser. Ses mains se firent pressantes, remontant le long de mes cuisses, glissant de mon cou jusque sur mes seins. Il me porta jusqu'à sa chambre et m'allongea sur son lit. Son corps vint se presser contre le mien. Notre étreinte fut fusionnelle. Des ondes de plaisir déferlaient dans nos corps, reflétées dans nos prunelles enivrées. Une telle intensité semblait chimérique.
Quand je repris enfin mes esprits, j'étais dans mon lit, seule. Cela ne pouvait être qu'un rêve. Evidemment. Phil vivait à Wellington en Nouvelle Zélande et moi en France. Et puis, les filles comme moi ne l'ont jamais intéressé. J'étais trop « sérieuse », trop « fleur bleue ». Dans l'après-midi je reçus un message d'Alexandre, me disant qu'il faisait une fête chez lui ce soir-là. C'était le nouvel an. Il habitait dans les basses alpes. Cela me ferais tout au plus une heure de route. Arrivée là-bas, je découvris avec stupeur le chalet de mes souvenirs oniriques. Les invités arrivaient un à un et s'installaient dans le grand salon. Je saluai chacun d'eux, connaissant la plupart, quand contre toute attente, je vis Phil franchir le palier. Il s'avança vers moi avec sa nonchalance habituelle et me fit la bise, me demandant comment je me portais depuis qu'il était parti à l'étranger. Gênée, je lui répondis par la positive. Comment pouvais-je lui avouer qu'il m'avait terriblement manqué durant ces six mois ? Il posa sa main sur mon bras et me sourit, puis alla saluer les autres.
La soirée fut très agréable. Alex nous avait mitonnés de bons petits plats dont il avait le secret. Phil avait préparé une compilation de musique, douce pour le temps du dîner, puis rythmé pour nous motiver à nous lever de table et danser. À minuit, tout le monde s'embrassa en se souhaitant la bonne année. Chacun riait, enthousiasmés par leur nouvelle résolution, qu'il ne tiendrait sans doute pas… Quand l'effervescence retomba et que les têtes se mirent à dodeliner, Alex installa tous ses invités dans des chambres d'amis. On se souhaita une bonne nuit avant de se glisser au chaud sous les couvertures. Le chalet fut plongé dans l'obscurité. Un silence apaisant envahit les lieux, seulement troublé par le hululement lointain des oiseaux de nuit. Malgré le confort de ma chambre, je ne parvenais pas à m'assoupir, ressassant sans cesse mon rêve de la veille. Ce n'était qu'un rêve, sans aucune signification. Malgré toutes mes tentatives de raisonnement, persistait cette folle pensée. Une divagation. Je me levai et me mis à déambuler dans la maison, à la recherche de la bibliothèque. Finalement, je la trouvai à l'étage, à côté du bureau de mon ami. La pièce était vide, et je me sentis déçue. Longeant les étagères, je penchai la tête pour lire les titres sur les tranches. L'un d'eux m'attira particulièrement. Je m'approchai pour le saisir, quand je sentis des bras se refermer autour de moi. Tournant vivement la tête je le vis. En dépit de la pénombre, je le reconnu immédiatement. Sa chaleur, le parfum de sa peau, ses yeux couleur lagon, son sourire. Son regard paraissait à la fois surpris et assuré, comme s'il avait su où me trouver sans en être sûr. Un moment tel que celui-ci, je n'avais pu qu'en rêver… mais peut-être était-ce le cas ? Certainement. Sans plus réfléchir, je me laissai aller dans les bras de mon bel ami. Cela se déroula comme dans mon songe. L'éblouissement. Une extase exquise et délicieuse.
Mais au matin, je me retrouvais de nouveau seule. Quel charmant tourment si tu en es le maître d'œuvre. Je pourrais m'y perdre, m'y abîmer même, éternellement.
***
Fantasme ou réalité ? Est-ce vraiment elle ? Suis-je réellement à ses côtés ? Pourtant je me sens éveillé. Je ressens son désir, ses tremblements. Ses mains qui me cherchent et qui me serrent. Ses lèvres qui glissent sur mon cou. Combien de fois ai-je vécu ce moment de bonheur ? Combien de fois me suis-je réveillé à un autre endroit, et sans elle ? Après l'amour, je l'étreignis avec force, effrayé à l'idée de la voir disparaître une nouvelle fois. Je souhaitais enrayer ce phénomène inexplicable. Je ne devais pas m'endormir. En changeant mon comportement, j'espérais modifier le cours des événements. Cependant, il se produisit quelque chose de nouveau. Je me sentis happé vers le haut, tiré par une force incommensurable qui m'arracha des bras de ma belle. Lorsque j'ouvris les yeux, je ne vis que du blanc. Les murs, le plafond, les draps. J'étais dans une chambre d'hôpital. À mesure que je recouvrais mes sens, je me rappelais de ce qui m'avait amené ici. Je me souviens de l'accident. Un camion m'a percuté et j'ai perdu le contrôle de ma voiture. Je revois le mur. J'ai frappé de plein fouet. J'aurais dû mourir ce jour-là. Apparemment ce n'était pas mon heure, j'avais du sombrer dans le coma. Et je me réveillais, emplis de reconnaissance et conscient de la chance qui m'était offerte. Il m'aura fallu du temps et de nombreuses mésaventures avant de réaliser pleinement que la femme que je cherchais était si proche. Tellement proche en effet. Quand je tournais la tête pour mieux observer la chambre, je la vis étendue sur le lit d'à côté, profondément assoupie. Des perfusions étaient greffées à ses poignets. Des machines mesuraient les battements de son cœur et sa tension artérielle. Était-elle toujours dans le coma ? Comment ? Pourquoi ? Avait-elle eu un accident elle aussi ? Était-ce là l'explication de nos rêves ? Maintenant j'étais persuadé que ce rêve nous était commun, nous étions liés, inconsciemment. Je n'avais pas encore la force de me lever. Vite. Je devais me rétablir. Je voulais lui prendre la main et l'appeler doucement afin qu'elle se réveille. Afin qu'elle me revienne.
Et si je lui révélais mes sentiments lancinants ? que me répondrait-elle ?
Si je te disais que je t'aime depuis toutes ces années, tu me dirais que je suis un imbécile d'avoir tant attendu.
Et je te répondrais que c'est le cas, j'étais un imbécile aveugle.
Si je te disais que j'ai rêvé de cet instant, tant et tant de nuits, que je n'arrivais plus à dissocier le rêve de la réalité, tu me dirais que tu as ressenti la même chose et que cela a failli te faire perdre la raison.
Alors je te dirais, Je t'aime de tout mon être en t'enlaçant, et tu me répondras, Idem à la folie, en blottissant ton visage dans mon cou.
Réveille-toi mon amour !
Donnons vie à ce rêve.