Strophes pour le quatorze janvier
Skander Dar El Jadid
Tu courbais l'horizon et l'échine des foules
et ta face bouffonne en un demi-salut
réduisait au silence l'espoir révolu
une clameur pourtant t'a chassé claire houle
ce quatorze janvier le peuple l'a voulu
Le peuple l'a voulu que ton règne s'achève
c'est si loin mais un souffle y suffit et redonne
à ma gorge le goût des rires qu'on fredonne
au jour d'un autre hiver mes pensées se relèvent
et courent sous la pluie vers le métro Couronnes
Vers le métro Couronnes ou se tiennent debout
nos frères tunisiens en chiendent de voirie
tiers-état insoumis que tes mots n'ont tari
que tes coups n'ont brisé que n'a souillé ta boue
leurs yeux seconde buée pour ce bout de Paris
Pour ce bout de Paris revenu des grisailles
qui répond à Tunis au-dessus de la mer
y a germé la vie comme après les éclairs
la vie malgré tes fers qui la jeunesse entaillent
de silence étranglé et de signes amers
Et de signes amers les gens n'en pouvaient mais
rien n'arrête le peuple abreuvé de sa sève
quand les cieux grands ouverts haranguent la relève
amants du souffle clair affranchis désormais
vos drapeaux couleur sang éclaboussent mon rêve.