surprise-partie

Roland Grandet

petite nouvelle

                             Surprise-partie

 

   Pedro était venu et aussi Isabella, Quentin, Philippe, Oscar. De ceux-là je suis sûr. Sachant qu'Isabella ne se déplaçait jamais sans Priscilla que Jérôme était inséparable de Quentin qui lui-même n'aurait jamais laissé Luis, enfin vous l'avez deviné la plupart des convives m'était complétement étranger. Cependant ce détail me paraît aujourd'hui insignifiant et n'entre pas en compte dans la suite des événements.    J'avais, comme à mon habitude, organisé cette fête, à « l'arrache ». L'avant-veille, me remettant difficilement d'une soirée piteusement arrosée et maudissant intérieurement l'hôte qui avait su choisir avec efficacité un mélange de mauvais alcools et d'invités pitoyables, j'avais lancé à la cantonade l'idée d'une soirée dans l'espèce de loft que je sous-louai à ce rapace ce Jean-Louis. Loft n'est pas vraiment le mot adapté et je suppose qu'il n'en existe pas encore pour décrire ce lieu .Ce qui m'a toujours étonné c'est que j'ai pu accepter de l'échanger contre de l'argent. En fait je voulais surtout qu'aucune de mes connaissances ne mette les pattes dessus. Je voulais que l'endroit soit mythique et il m'appartenait de le rendre ainsi .Cette soirée était un élément indispensable dans la construction du mythe.    Mais, je ne vous l'ai pas encore dit, je brasse beaucoup d'air mais je suis fondamentalement bordélique quand il s'agit d'organiser quoique ce soit. Heureusement j'ai su m'entourer de quelques amis qui n'attendent que l'occasion pour se précipiter à la superette du coin pour y remplir un caddie de bouteilles et de chips .Aussi le surlendemain, mon antre était prête pour un assaut de soiffards et d'apprentis danseurs.    Mon « loft » se composait d'une pièce unique qui en temps normal aurait pu accueillir une famille de quatre personnes. Le plus de l'endroit était la mezzanine dont la capacité d'accueil était de deux grands lits transformés pour la circonstance en canapé .La douche et les toilettes occupait un petit espace à l'extrémité droite en –dessous de la mezzanine. Un petit coin cuisine complétait le tout. Pour ce qui était de la décoration, elle se résumait à deux grands posters sur des films que je n'avais jamais vu mais qu'un pote m'avait donnés un jour que je l'aidais à déménager.

   Ce soir-là nous étions une trentaine et je me demande encore où nous avons pu poser les bouteilles et les pizzas ?    J'étais aux anges parce que mes meilleurs amis étaient là et aussi parce que j'avais aperçu des individus croisés dans d'autres soirées. Manifestement ils étaient des leaders, « leaders de quoi », je ne saurais le dire mais ils ne venaient jamais seuls et leurs accompagnateurs, garçons ou filles, avaient une attitude qui ne trompait pas : une sorte de déférence mêlée à de la crainte. La venue de ces caïds était révélatrice : j'étais en train de monter à l'échelle sociale. J'avais déjà bu plus qu'il n'aurait fallu quand on attaqua la partie « danse » de la soirée. Qui avait emmené de quoi « faire du son » ? A vrai dire je m'en fichais complétement mais pas l'installation électrique qui à l'entame du premier morceau rendit l'âme.    Mes amis, si débrouillards pour choisir une marque de bière plutôt qu'une autre, se révélèrent incompétents pour résoudre un problème de compatibilité puissance de projection sonore-capacité de résistance à cette puissance .Il fallait rapidement trouver une solution, sinon ma dégringolade sociale serait vertigineuse.    Côté musique il y avait bien quelques djembés poussiéreux et étant donné la consommation d'alcool, la qualité des éventuels joueurs était secondaire, mais il nous fallait de la lumière. Pedro fila acheter un stock de bougies et un quart d'heure plus tard ma location faisait penser à l'intérieur d'une cathédrale. Puis tout s'accéléra : les danseurs éméchés eurent tôt fait de renverser une puis plusieurs bougies, le feu gagna rapidement et la troupe chancelante évacua les lieux chassée par les flammes.    Qui a eu la présence d'esprit de récupérer un pack de Kanterbräu ? Pedro qui a le sens pratique ou Oscar qui avait acheté la plupart des consommations et qui voulait récupérer son dû ? En tout cas nous étions assis sur la colline et nous sirotions à même la bouteille en regardant le feu dévorer la ville. J'ai un peu de peine pour mon loft car j'aurais du mal à trouver l'équivalent mais franchement la soirée était décoiffante et j'ai marqué des points avec les caïds de la région et ça n'a pas de prix.

  

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