Taxi Téhéran

Alice Grenon

Chronique du film Taxi Téhéran, paru sur le site http://downthewall.com/

Replaçons le contexte voulez-vous ? : niveau libertés individuelles, c'est clairement la merde en Iran. À tel point que Jafar Panahi a été condamné en décembre 2010 à 6 ans de prison et 20 ans d'interdiction d'exercer son métier de réalisateur. Il est en ce moment en liberté sous caution. Et non, n'y pensez même pas, il n'ira pas faire de films à l'étranger, parce qu'en plus de ça, il n'a pas le droit non plus de quitter son cher pays.
Vous l'aurez compris, c'est la grosse loose pour Panahi…

Enfin, heureusement, avec toutes ces interdictions, il a plein de temps libre. Et il le passe visiblement à inventer des moyens de contourner ses restrictions : après son Ceci n'est pas un film arrivé au festival de Cannes 2011 caché dans un gâteau, il nous a livré Taxi Téhéran, qui est tellement bon qu'il a reçu l'Ours d'or au festival de Berlin 2015. Le trick, c'est de fixer une caméra dans un taxi et de sillonner la ville. Pourquoi c'est malin ? Tout simplement parce que la caméra est posée et que Jafar conduit, et donc ne filme pas, et donc ne transgresse aucune loi. CQFD.

Pour ce qui est du film, il commence tout doux, avec deux passagers qui s'engueulent sur le sujet de la peine de mort, un type qui deale des DVD - vous croyiez que ça arrivait en Iran The Walking Dead ? - rien de bien méchant, mais ça n'est qu'un prélude. En effet, après cette introduction, les évènements vont crescendo et nous tirent un triste portrait du pays. Du droit des femmes - ah, la loi islamique, si sympa - aux règlementations délirantes en matière de cinéma, les personnages se succèdent et avec chacun d'eux vient un exemple criant d'atteinte aux libertés.

Et pourtant qu'ils sont beaux ces personnages, qu'ils sont vivants, assoiffés d'expériences. On pense tout particulièrement à la petite nièce du réalisateur, adorable et vive, qui arrive sortant d'un cours de cinéma, questionnant inlassablement son oncle sur la manière de faire en sorte que son court-métrage soit diffusable - c'est quasi impossible, pour info -.
Ce paradoxe, entre le catastrophisme de la situation et les iraniens qui défilent à l'écran, toujours pleins d'espoir et de force, est sûrement ce qui frappe le plus, ce qui révolte et ce qui fait réfléchir.

En conclusion, il n'y a qu'une seule chose à dire : allez voir ce film, soutenez Jafar Panahi, il prend tellement de risques pour que nous sachions la vérité...
On lui doit bien ça.

Signaler ce texte