Temps Relatif

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Une histoire de temps

La dernière bille en acier fusât directement entre les flippers et claquât violemment sur la vitre épaisse.

J'étais pétrifié devant le "Time Machine" qui clignotait en ressassant "Come on and play whith Time".Je plongeais mes mains dans mes poches à la recherche d'une éventuelle pièce mais je ne ressortit que quelques fils décousus de mon short.

Contrarié, je traversais l'arrière salle du bistrot en frottant mes doigts engourdis de trois heures d'acharnement sur les boutons du flipper.

En face de moi , les fesses plaquées contre le jukebox, une jeune femme enlacé un motard aux larges épaules.

Tandis que sa bouche parcourait son cou trapu , la boucle de son perfection butinait la cuisse aux bas nylons.Je passais la porte d'entrée et poussé par l'odeur du sirop de fraise qui fuitait jusqu'à la  terrasse je vis la jeune femme glisser de ses doigts fin une pièce dans la fente du jukebox.

La mécanique obéit aux ordres et lança dans la petite salle les premiers accords de Roxanne.

Elle  battait la mesure de léger coup de tête, se retourna, prit une cigarette et l'alluma tout en marchant vers le chambranle de la porte ou elle posa son épaule bronzée..

Dehors, j'avais enfourché mon vélo, je l'observé.

Elle était magnifique.

Une très jolie brune aux long cheveux bouclés, grande, fine, au regard noir et  à la peau mâte.

Une bouche charnue incroyablement rouge.J'observais tous ses gestes et mon ventre soudainement se mit à me chatouiller comme jamais.

La légère brise d'été orageuse faisait trembler ses gros anneaux en argent et lui caressait le cou.

Hypnotisé, j'étais comme propulsé dans un monde étrange mêlé de peur et d'un fort sentiment d'inconnu, de temps arrêté.

Depuis fort longtemps tous les visages féminins que je croisais m'étaient indifférent.

Je savais que j'étais hétéro cela ne faisait aucun doute quant à mon regard fusillant quelques jambes fuselées et les érections qui s'en suivaient mais tous ces faciès étaient quelconque, seulement des esquisses de bonheur...des prémices de fusion avortés.

Face à tous ces visages le flux de mon sang ne battait ni plus vite ni moins vite, il était à l'image de mes sentiments ,neutre ,sans tension ni passion.


J'avais déjà eu recours dans le passé à des voyants…c'est dire à quel point de désespérance j'en étais arrivé.

La voyance, don de dieu qui donnerait la possibilité à quelques élus ou illuminés de fouiller dans l'espace temps des gens…et pourtant, même si mon degré de perplexité face à cette activité était grande, certaines prédictions s'étaient parfois révélées exactes.

Dans cette vie parsemée de rencontres physiques approchante, plusieurs fois j'ai cru atteindre ce moment où je me suis dit c'est elle , enfin je l'ai trouvée.

Mais non, la peau n'est pas mate, ses yeux ne sont pas assez sombre, ses lèvres pas assez charnues. **Pourquoi ces critères...? Pourquoi ces traits étaient ils le déclencheur de mes passions **

j'avais déjà effleuré cet idéal introuvable.

Mais sans succès. Le destin c'était chargé de me l'enlevé avant même que quoi que ce soit ne fut commencé, c'était une femme perdue qui voulait me vendre un abonnement téléphonique.

Et cette même femme qui 16 ans plus tôt m'avait fait chavirer était devenue voyante, clairaudiente.

J'en fut d'ailleurs très surpris.C'est en tapant son nom sur internet que je fit cette découverte.

Et à 55 ans je pris la décision de lui envoyer un mail ! 16 ans plus tard!

Je lui écrivis trois mot. “Qui suis je” ? Elle me répondit : “bonjour Antoine” !

Elle savait que c'était moi !

 

Après de bref échange la belle bretonne me donna rdv pour une voyance, et le jour venu, papier et crayon en main, j'attendis patiemment que le téléphone sonne.

Je prenais des notes et suivais son flot de prédictions avec enthousiasme.

Déménagement, séparation, nouvelle rencontre féminine, illumination, nouvelle vision.

Puis elle eu cette phrase... 

Quand tu la verras tu sauras que c'est elle.

Me voilà bien avancé…

Mes yeux étaient usés de tant de dissection depuis tout ce temps.

 

Ma vie s'égrèné lentement et au fil des mois le marasme m'envahit.

Si ce destin qui m'était compté prenait forme sous les traits d'un amour visuel sans faille j'aurai enfin touché au but.

Avachis dans mon vieux fauteuil le regard perdu dans mes pensées je sortis un vieux papier de la boîte en métal.je pouvais y lire les prédictions avec autant de satisfaction que de s'abreuver a un oasis en plein désert.

 

L'écriture était passée mais encore lisible. Puis ma conscience s'éteignit lentement anesthésiée par ce vieux souvenir défilant sur l'écran de mon esprit....

 

 

quand cette jeune femme brune se posa sur le chambranle de la porte du vieux café du village...

J'étais seul, les doigts encore engourdis d'avoir frappé trop fort sur les boutons du vieux flipper aux pieds tordus.

Cette odeur de sirop de fraise qui envahissait le bistrot était enivrante, comme cette jeune femme qui venait de glisser de ses doigts fin une pièce d'un franc dans la fente du jukebox.

La guitare sonna les premiers accords de Roxanne.

Elle se retourna prit une cigarette blonde dans son paquet et l'alluma posée nonchalamment sur le chambranle de la vieille porte usée.

Dehors, sur mon vélo, je l'observé,

Elle était magnifique. Je savais que c'était elle.

J'avais sept ans.

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