Tendre vers l'infini

vava

Se réveiller au milieu de la nuit, envie pressante.

Tendre vers l'infini



Je me réveille en sursaut, encore un de ces stupides rêves où je trébuche. Il fait encore nuit noire. Je passe une main sous mon oreiller et y récupère mon téléphone. La lumière m'aveugle quelques instants, l'écran m'indique qu'il est 3:12 du matin. Je replace mon téléphone à sa position initiale. Je me retourne et me couvre jusqu'aux oreilles. J'essaye de me rendormir.

En vain, une envie d'aller aux toilettes me tient éveillée. Je soupire, repousse ma couverture et me lève. Je me dirige vers les toilettes, pousse la porte et apprécie une fois de plus le fait qu'une veilleuse soit placée dans la salle de bain. Pas besoin d'allumer la lumière, pas besoin d'être complètement réveillée.

Je me soulage rapidement en me maintenant dans un demi-sommeil. Puis je me lave les mains rapidement. Je fais face au miroir, je me jette un coup d'œil dans la mi-pénombre. Mes cheveux sont ébouriffés et mon reflet ne me paraît pas particulièrement jovial « Quoi de plus normal à cette heure de la nuit connasse? » .

Un léger frisson me parcourt l'échine, je suis nue, c'est l'hiver, il fait froid sans couverture. J'ai hâte de retrouver mon lit. Je me retourne et m'avance vers la porte.


Du moins l'endroit où elle se trouvait il y a de ça une seconde. Parce que quand je me retourne, je ne distingue que trois choses. La première est ce grand mur lisse face à moi. La seconde, la vague forme du toilette à ma droite. La dernière, le mur à ma gauche et un carré d'une teinte blanchâtre un peu plus claire que le reste, l'interrupteur. J'ai besoin d'y voir plus claire.

Je glisse ma main sur le mur de gauche et m'avance jusqu'à l'interrupteur que je presse, une fois. Puis deux, et trois. A l'évidence la lumière ne s'était pas allumée la première fois, pas plus que la seconde fois et la troisième fois. Pas plus non plus que toutes les fois qui s'ensuivent. Pendant que ma main gauche s'énerve sur l'interrupteur, la droite parcourt le mur qui me fait fasse. Mon premier constat était correct, la porte qui s'y trouvait n'y est plus. Je sens sous mes doigts un mur parfaitement lisse. Enfin lisse n'est pas tout à fait exact. Disons que je ne sens ni poignée de porte, ni d'interstice indiquant la présence d'une porte.

La portée du mot lisse s'arrête là puisque la matière que je touche n'est pas celle à laquelle je m'attends, elle n'a rien de dure et froide, chose à laquelle on s'attendrait de la part d'un mur. Ma main se retire précipitamment. Ce que je viens de toucher était velue et horriblement tiède. C'était doux comme une fourrure de chat, mais uniquement en surface, une seconde épaisseur semblait plus dur sous la surface, mais je n'ai pas pris le temps de m'y attarder, sans regret. Je me recule précipitamment et me colle contre le mur sur ma gauche tout en continuant de presser l'interrupteur. Est-ce mon esprit qui me joue des tours où est-ce que je distingue un peu moins bien les formes qui m'entourent ? En face de moi le toilette a quasiment disparu dans le noir épais de la salle de bain.

Un gros BOUM me fait sursauter, puis un second, puis un troisième. Je comprends que c'est mon cœur qui se met à battre plus vite et plus fort, tout comme mon poing contre l'interrupteur. Étrangement, je remarque que j'entends mon cœur qui tape, mon poing lui, est muet. Ma main droite rejoint la gauche et frappe frénétiquement sur le carré blanchâtre. Je me mets à crier, je me dis que quelqu'un dans l'immeuble finira bien par m'entendre et me fera sortir. Ces cris aussi sont muets.

Soudain je remarque que mes mains ne frappent plus qu'un carré sans relief, l'interrupteur disparaît lui aussi. Mes doigts parcourent toute la surface de ce petit carré une fois, deux fois, puis des centaines de fois mais n'y rencontrent plus rien qu'une surface parfaitement lisse. Je ne discerne d'ailleurs plus de petit carré du tout. Le toilette a disparu totalement lui aussi. Je me refuse à toucher à nouveau le mur face à moi, celui qui est tiède, celui qui a des poils. Je me retourne, suivie par mes battements de cœur frénétiques, décidés à attendre près de la veilleuse, elle est juste à côté du lavabo, je le sais. Elle ne diffuse que peu de lumière et je sais maintenant qu'elle ne tend qu'à disparaître elle aussi, mais j'ai besoin de cette lumière.

Le temps que je me retourne elle n'est plus qu'un point de couleur semblable aux témoins lumineux sur un appareil électronique lambda. Je me précipite pour embrasser les dernières lueurs. La distance étant d'environ 1m50 entre moi et le lavabo je ne fais qu'un grand pas, m'attendant à buter contre le rebord de l'évier. Rien. Je ne touche absolument rien, même en étendant mes bras devant moi au maximum. Je cherche le mur à ma droite à l'aveuglette, je ne sens que du vide là aussi. Du vide partout, je ne vois que ce point rougeâtre qui faiblit battement après battement. Je m'élance à nouveau, il faut que j'atteigne cette lumière avant qu'elle ne s'éteigne. Avec un pas précautionneux d'abord, puis de moins en moins, je m'avance. Et pas après pas je ne rencontre toujours rien. Je ne vois que ce point, il n'y a plus que lui et moi.


Mes battements de cœur m'ont quitté eux aussi, emportant avec eux ma perception du temps. A un moment, je me suis mise à courir, je n'ai pas arrêté depuis, tout comme ce point rouge qui n'a jamais arrêté de faiblir.

  • "La lumière m'aveugle quelques instants, l'écran m'indique qu'il est 3:12 du matin. Je replace mon téléphone à sa position initiale." J'aime beaucoup cette phrase!

    · Il y a plus de 6 ans ·
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    julien-greco

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