Acte I - The Raven

Alexia Arnault

Synopsis détaillé d'un projet de fac (dossier de développement - Cinéma - court-métrage), portant sur The Raven d'E.A. Poe.

Angleterre, aux abords d'une ville, cimetière, XIXème siècle.

Les cloches sonnent au loin. Sous une pluie battante et glaciale de mois de décembre, le cercueil s'enfonce vers le trou béant, avant d'être recouvert de terre et par la pierre tombale. Après avoir déposé leur gerbe de fleurs, les quelques personnes présentes s'éloignent rapidement accrochées à leur parapluie. Le pasteur de l'église s'entretient avec l'homme abattu vêtu de noir resté devant la croix de marbre où est inscrit le nom de Lenore. Quelques minutes plus tard, après un dernier signe de croix le pasteur s'en va, accompagné de son assistant, laissant seul l'homme. L'averse commence à se calmer. Il ajuste son haut de forme et ses gants, tourne le dos à la tombe sur laquelle un corbeau vient tout juste de se poser. L'oiseau fixe l'homme qui s'éloigne. Lorsqu'il ne le voit plus, le corbeau croasse « Nevermore ! » et s'envole.


En ville.

Des passants saluent l'homme et lui présentent leurs condoléances. Des diligences passent. L'une d'elles manque de le renverser alors qu'il traverse la rue dans un état second. Il s'excuse et entre dans une librairie qui sent le vieux et la poussière. Il échange des formules de politesse avec la jeune et jolie vendeuse rougissante derrière le comptoir, qui n'est pas insensible à l'homme. Il n'y prête pas attention, abîmé dans ses pensées. Il s'arrête devant le rayonnage des ouvrages d'Esotérisme et de Paranormal. Il lit des titres de livres, en sort quelques-uns, les feuillette, les repose. Son regard est alors attiré par un volume de couleur pourpre, broché, fermé par un cadenas. On ne distingue pas le titre sur la tranche, mais la couverture est ornée d'un pentagramme. Ne trouvant pas la clef, il la demande à la jeune femme qui blêmit en voyant l'ouvrage entre les mains de l'homme. Après plusieurs tentatives de dissuasion, vaines, elle cède et va dans l'arrière-boutique et revient avec une pochette noire où se trouve la fameuse clef. N'ayant pas réussi à le dissuader, elle lui dit qu'il est préférable de l'ouvrir ailleurs. Il paie alors l'ouvrage, prend la pochette noire et la glisse dans l'une des poches de son veston noir et sort. Lorsqu'il est hors de vue dans la rue, la vendeuse fait un signe de croix et murmure des paroles inaudibles. La nuit commence à tomber, elle ferme boutique et monte à l'étage, tout en gardant un œil sur l'une des maisons d'en face, celle où habite l'homme. Non loin de là, un corbeau perché sur un arbre a observé toute la scène, et suit l'homme en croassant.


Il se dirige vers sa demeure, une maison à colombages, tenant fermement le livre contre lui, les doigts agrippant le précieux contenu dans sa poche. Il entre chez lui, et referme sa porte à clef. La journée a été longue et éprouvante. Il monte dans la chambre qui lui semble bien vide depuis quelques jours. L'air est lourd. Il décide de fermer les volets et de laisser la fenêtre ouverte. Il dépose le livre et la pochette noire sur son secrétaire avant de redescendre rejoindre ses hôtes pour le dîner. L'attrait et la fascination suscités par le livre sont oubliés depuis qu'il l'a laissé. Depuis quelques jours l'ambiance est pesante, et ce soir tout particulièrement triste. Ils mangent en silence. Ils se regardent. Après un dernier verre de vin, ils se saluent respectueusement et l'homme monte, comme à son habitude, s'enfermer dans la chambre. Le vieux couple se regarde et commente l'état dans lequel est leur locataire tout en débarrassant la table. Après avoir rangé la bouteille de vin, ils vont dans le salon. La femme ferme les volets et fait une remarque à son époux sur un volatile perché dans un arbre tout proche. Puis elle s'installe dans le rocking-chair avec un ouvrage et son crochet, et lui dans le fauteuil en velours vert avec un livre épais tous deux près du feu.


Pendant ce temps-là à l'étage, l'homme s'est enfermé à clef et s'est mis en tenue de nuit. Après avoir vissé sur sa tête son bonnet et enfilé une robe de chambre sur ses épaules, il s'assoit près du feu de cheminée de sa chambre dans un lourd fauteuil en bois recouvert d'un tissu à motifs. Il regarde autour de lui : son regard se promène sur la bibliothèque, son lit, la cheminée sur laquelle sont posés un buste en marbre de Pallas et une photo de Lenore, souriante et rayonnante de vie. Le regard triste vient maintenant se perdre sur le secrétaire, et s'arrête sur l'ouvrage acheté plus tôt dans la journée. Que contient-il exactement ? Son intérêt de nouveau piqué au vif, il se lève pour aller chercher le livre et la clef qui permet de délivrer son secret. Face au feu, calé dans son fauteuil il entreprend d'ouvrir le cadenas. Celui-ci s'exécute, et tombe sur la robe de chambre avec la clef. Il les pose sur un guéridon à proximité du fauteuil, et regarde le livre déverrouillé. Quelques longues secondes s'écoulent ainsi avant qu'il ne l'ouvre enfin. Le voilà plongé dans une lecture captivante, à tel point qu'il ne voit pas les heures passer. Seuls les crépitements de la cheminée, les pages tournées et quelques réflexions à voix basses de l'homme rompent le silence. Les onze coups du soir sonnent à l'horloge, et des petits bruits, comme des coups légers donnés à la porte se font entendre et sortent l'homme de sa concentration. Il redresse la tête d'un coup, et attend de voir si cela recommence mais n'étant pas sûr d'avoir vraiment entendu quelque chose il se replonge dans sa lecture. Pourtant il lui semble entendre encore les coups. Il s'excuse à voix haute, tout en se disant qu'il serait peut-être temps d'aller dormir, et pour avoir bonne conscience, il se lève et se dirige vers sa porte qu'il ouvre. Comme il s'y attendait, il n'y a personne. Pourtant il flotte dans l'air un parfum, doux, floral lui faisant penser à sa bien-aimée dont il murmure le prénom. Il croit distinguer la voix de la disparue en écho dans la chambre, il se retourne s'attendant à voir venir vers lui sa femme les bras tendus, mais elle n'est pas là. Il referme la porte en secouant tristement la tête. Il ne voit pas la silhouette de la chère défunte qui le regarde et qui s'estompe doucement. L'odeur s'en est allée. Il se retourne, dos à la porte et observe le livre resté ouvert sur le fauteuil. Il se dirige vers lui et le referme expressément avant de le poser sur le secrétaire.


Il est perdu dans ses pensées devant le meuble, lorsque les coups reprennent. Mais cette fois, cela vient des volets. Curieux, il va les ouvrir, et là, un corbeau noir comme l'ébène entre dans la pièce, sans se soucier de l'homme, dans un claquement d'ailes. Surpris, l'homme ferme la fenêtre et observe l'oiseau qui va se poser entre le buste de Pallas et la photo de Lenore. L'homme et le corbeau se regardent. L'homme sourit alors, et demande à l'oiseau son nom. C'est avec surprise qu'il entend celui-ci lui répondre « Nevermore ! ». Il se parle à lui-même en se posant des questions sur cet étrange volatile noir qui parle et dit s'appeler Nevermore.

Il le qualifie d'un ou deux noms élogieux avant de se rendre compte de quelque chose d'horrible mais de bien réel. Lui non plus ne restera pas et disparaitra un jour, tout comme les amis et la famille. Le corbeau continue à croasser le même mot. À chacune des réflexions que l'homme se fait tout en prenant à témoin le volatile, celui-ci répète de sa voix croassante « Nevermore ». L'homme commence à s'impatienter et à s'énerver après l'oiseau. Il essaie de ne plus y prêter attention et prend la photo de Lenore dans ses mains pour la regarder. Le corbeau croasse à nouveau, faisant sursauter l'homme qui laisse tomber à terre le précieux objet, brisant le verre. Très énervé après lui, il ouvre la fenêtre et essaie de l'y faire s'envoler, laissant pénétrer dans la pièce un air glacial. Mais l'oiseau, toujours juché sur le bord de la cheminée, ne bouge pas d'une plume. Se calmant quelque peu, l'homme s'assoit sur la chaise du secrétaire et fixe l'ouvrage fermé et l'ouvre. Il pense à Lenore tout en lisant un long paragraphe. Soudain il se redresse et regarde tout autour de lui, il sent à nouveau ce parfum floral. Encore une fois, il secoue la tête et s'interroge à voix haute. Ne tenant pas son bec fermé, le corbeau croasse un grave « Nervermore ! » en s'installant sur le buste de Pallas.


Pris d'un élan de folie et de tristesse intense, l'homme jette à terre son bonnet de nuit, renverse table et chaise ainsi que son lourd fauteuil devant la cheminée. Il frappe le sol en bois de ses pieds avant de renverser le buste sur lequel est installé le volatile. Il jette dans la cheminée embrasée le livre qu'il lisait il y a encore quelques minutes, avant sa rencontre avec le corbeau noir comme les ténèbres, ce corbeau esprit du mal et prophète de malheur qui s'envole sur le cadre du lit. L'homme continue à tout retourner dans sa chambre. Les livres, les candélabres, les vêtements, tout se retrouve éparpillé sur le sol, à l'exception d'un coffret luxueux, le coffret de sa bien-aimée. Lorsqu'il s'apaise enfin, il s'assoit sur le lit, et voit apparaître face à lui une forme familière, vaporeuse, nimbée de cette douce odeur fleurie. Il murmure son prénom, elle le regarde, ses lèvres bougent mais au lieu de la voix mielleuse tant attendue, c'est celle du corbeau qui, une fois de plus, et dans un affreux croassement fait entendre un dernier « Nervermore ! » en même temps que la forme s'évapore tout aussi soudainement qu'elle était apparue. L'homme se contorsionne de douleur au sol en criant le nom de sa femme. Depuis l'extérieur, on peut apercevoir un flash très bref venir de sa chambre, accompagné d'un bruit inquiétant. Puis le silence s'abat soudainement. Les propriétaires et les voisins accourent à sa chambre, ouvrent la porte en la défonçant, et se retrouvent face à un désordre inimaginable avec des vêtements et des livres éparpillés sur le sol, les meubles et des objets renversés, des plumes aussi noires que les ténèbres qui règnent dans la pièce, et voient deux corbeaux s'envoler par la fenêtre dans un claquement d'ailes sonore et un croassement aiguë.

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