TIC-TAC

Marie Claude Santucci

Petit Jacques, fasciné par le balancier de l’horloge du salon, observe son va et vient ;  TIC – TAC, TIC -TAC..! Sa cadence régulière rythme la fuite du temps, notes de musique  ponctuant la vie.

Les flammes dans la cheminée dansent sur cette chanson. L’enfant regarde ce ballet aux couleurs chatoyantes et rêve de devenir « Grand ».

Ce doit être simple, évident pense-t-il. A cet instant la guerre est déclarée et le stratagème bien étudié.

D’abord, attraper le temps, ensuite le maîtriser et enfin le tuer.

Ce diable omniprésent se transforme sans cesse. Un instant léger, il devient oppressant dans la pénombre qu’il affectionne et finit par le posséder comme esclave.

Petit Jacques ne veut plus attendre paisiblement, sans bruit, ces minutes qui n’en finissent pas ou celles qui s’affolent jusqu’à l’ivresse. Prestement les volets sont ouverts laissant entrer le soleil et le chant des oiseaux couvre enfin le TIC - TAC de l’horloge.

Le jour desserre ses chaînes invisibles et Petit Jacques le cœur léger, file vers les prairies. Il cueille les fleurs qui n’ont que le temps d’éclore, bavarde avec la libellule qui s’empresse, faute de temps, de lui indiquer son destin. Il chante pour les papillons, suit le chemin des rayons du soleil et se laisse emporter par l’arc en ciel. Sa course folle l’entraine vers de lointains horizons. Il parcourt la terre et les mers bravant les tempêtes. Le combat est rude.

Il découvre mille métiers et rêve de fortune avant de subir les infortunes de la vie. Les danses et les chants, les rires et les larmes se mêlent dans un tourbillon de folies et sont autant de coups de sabre portés au temps.

Personne ne résiste à la vie, lame tranchante qui se débarrasse des années.

Le temps meurt un matin, sans bruit ! 

Plus d’horloge! Silence

Quelle victoire! Le temps est mort. Décapité.

Il gît sans vie. Plus de TIC -TAC, TIC -TAC.

Enfin libre, sans penser à demain, Jacques repart vers de nouveaux continents. Ecoute le vent, raconte ses aventures aux enfants et partage le pain ou la bouteille de vin au grès de ses visites amicales.

Un soir, au détour d’un chemin, dans le reflet d’une flaque, un visage ridé, marqué par la lutte, lui sourit.

En alerte, les mouvements plus lents, il dégaine. Trop tard ! Il sentit cette impression fugitive que le retour de la seconde devient éternité.

Le temps caché, invisible a survécu. Ah! Quelle naïveté de l’avoir sous-estimé.

Tapi, il attend son heure pour contre attaquer. Son revers imprévisible, bref, est fatal.

Le vieux Jacques bénéficie d’une miette de temps pour vous dire bonsoir.

TIC - TAC, TIC -TAC fait le balancier de l’horloge du salon.

Signaler ce texte