Toi et la rue, et la vie

minilu

court texte sur l'amour et comment j'essaye de le retranscrir

On marchait dans la rue où les magasins se chevauchaient, les vitrines agressant les yeux avec leurs couleurs trop clair et des lumières tape à l'œil.

La discussion était calme, avec, parfois, des petits accents un peu trop fort, le genre d'exclamative qui fait lever les yeux du téléphone pour se retrouver à contempler l'étendue d'un ciel camouflé par des néons et des lampadaires.

Je marque l'arrêt à côté d'un mur couvert d'affiches, pour te laisser le temps de faire tes lacets. La plupart ont été arrachés, des logos subsistent ici et là, et celles encore intactes font la promotion d'un concert d'un de ces supers inconnus à l'identité, écriture, existence oubliable, qui auront vite fait de disparaître jusque dans le donf des playlist qu'on n'écoute plus. Tu me fais une blague, quelques chose en rapport avec ma manière de fixer l'artiste, avec un mot sur sa barbe et la mienne, aussi.

On continue de déambuler, tu me répètes que tu sais où tu vas, et moi de répliquer que je n'en douterai pas si ce n'était pour ta tendance à regarder les noms de rie et de faire des demi tour abrupte.

Peut-être qu'il y avait un message à lire, dans la manière dont tes traits tirés par la fatigue et les nombreuses addictions se crispaient régulièrement, dans ta façon de frissonner à chaque contact ou effleurements, peut-être pouvait-on te lire, toi et tes pensées, dans ton entièreté, juste par un rapide coup d'oeil dans tes yeux, je ne sais pas, ou je le savais, mais, avec le charme de mes mensonges porté en guise de protection contre les émotions des autres, j'ai tout laissé filé, en un battement de cil, tout était parti, tu étais de nouveau le toi que tu voulais être, le toi que tu aimai embrasser le soir, devant ton miroir, le toi qui voulait être un roc, dénué de problème, « comme toi », comme moi.

On arrive devant un de ces grands cafés américains, et on y commande, cafés qui ne sentent pas le café, boissons qui tiennent plus du sucre que du liquide, et on rigole, assis en terrasse, parce qu'il fait froid, parce qu'on nous regarde, certains en pouffant, on se se surprend aussi, en se racontant nos points de vue sans intérêt sur des sujets qui nous dépassent, on parle de nos goûts musicaux, une énième fois.

Quand tu te lèves, et que la question « on y va? » passe tes lèvres, je suis déjà debout, l'énergie me revenant.

Et toi de t'enfoncer dans l'enfer du métro parisiens, les cheveux te couvrant le visage alors que le wagon s'arrête devant nous.

On passe quelques minutes, en silence, regardant par la fenêtre, les yeux de l'autre, le visage des inconnus, contenant nos rires devant la mine déconfite d'un pauvre gars qui loupait de peu le sol pour venir s'écraser sur le sol, et de se relever, de remonter ses lunettes sur son nez, avant de repartir comme si de rien n'était. Il y avait aussi le message grésillant qui nous annonçait l'arrêt temporaire en pleine voie, quelques minutes après celui-ci, ce petit moment où les vitres donnent sur le souterrain, un noir si profond que je me disais que, s'il nous prévenait contre le fait d'ouvrir les portes, c'était peut-être parce qu'ils avaient peur qu'on aille là, dehors, dans cet abysse, qu'on se rende compte que l'obscurité était un endroit pour se perdre, et qu'on ne reviennent jamais.

Mais voilà notre arrêt qui m'arrache à ma rêverie, et ta main qui m'en tire définitivement, me sortant de l'espace étouffant de la grande gare.

Tu m'amène à un cinéma, et me montre en souriant des billets électroniques sur ton téléphones. On s'enregistre, on nous donne le numéros de notre salle, on se questionne longuement sur la nécessité d'acheter un paquet de pop corn si c'était pour perdre autant d'argent. On finit par s'asseoir dans des sièges matelassés, presque seuls dans une salle baignée dans la lumière de l'écran. S'ensuivent des heures de rediffusion d'un concert. La musique est bonne, mais tout l'intérêt est disparue, si ce n'est pour les différents plans sur le chanteur, la scène, la foule, qui ne réussissent néanmoins pas à convaincre la partie de moi concentré dessus. Le reste était tout dirigé vers tes doigts, posé sur ma main, traçant des cercles et des traits pour un dessin éthéré, dans un de ces gestes sensuels dont je t'avais déjà parlé, cette catégorie de comportements que j'associe à l'amour comme on peut le décrire en quelques lignes, celui qui est simple, physique, qui, même sans trop de force, arrive à faire le message, à le crier, sur tous les toits de mon corps: « je veux de toi ».

Quand on repart, j'ai les jambes engourdis de tout ce temps passé assis sans trop rien faire, à l'instar de mon encéphale, qui fonctionnait au ralentis.

Je ne sais plus trop comment, on se retrouvait devant chez toi, un grande porte noir, un digicode auréolé de bleu, et mes bafouillements qui ressemblait à un au revoir. Et tu me réponds en me disant vouloir me voir rester. Et moi de te rétorquer que je ne peux me le permettre. Tu ébranles alors ma décision, comme tu sais trop bien le faire, avec tes larmes, tes yeux brillant dans l'obscurité, le silence lourd de la rue, la Lune qui nous mate, au loin, tout ça, c'est trop pour moi.

On monte. À chaque étage, tu laisse échapper un reniflement, qui vient casser le silence de l'immeuble endormi. À chaque étage, je n'ai de cesse de me demander pourquoi je t'aime à ce point, sans jamais arriver à te l'avouer sans que les mots ne se coincent dans ma gorge, ou encore transformés en plaisanteries taquines, dénuées de tout humour à cause de la part de vérité trop grande qui s'y retrouvaient.

Une porte s'ouvre.

Ton appartement est sale, pas rangé, en bordel. Tu n'allumes pas la lumière, tu dis que la le nuit nous éclaire. 

Les habits viennent rejoindre leurs congénère par terre, et l'on se retrouve nez à nez, dans ton lit trop étroit. Tu caresse mon visage et mon cœur semble vouloir exploser. Il est là, je le sens qui remonte, juste au bout de ma langue. Ile ne suffit pas d'une, mais de quelque centaines de respirations pour te le souffler dans son entièreté, te le vider dans tes oreilles attentives, ne laissant qu'un grand vide en moi, différent du calme, plutôt comme une attente, quelques chose d'indécis, incapable de mouvement, juste d'attendre.

Tu me réponds par un baiser.

Long, silencieux, les yeux fermés.

Physique.

Ce soir là, tu t'endormais, les bras autour de moi.

Ce soir là, je restait les yeux fixés sur le plafond, émerveillé par toutes les lumières des torches, celles qui immolaient tout mes anciens souvenirs, pour être sur que je me rappellerai de tout, jusque dans les dernières secondes de ma vie, des odeurs, des bruits, du ciel, de toi, de toi, mais toujours de toi.

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