Touche à Touche Part 2
Mini Pouce
Alors que j’annonçais à mon mari que j’avais pris rendez-vous, j’avais emprunté le même air détaché que celui utilisé par mon professeur juste quelques heures auparavant. Il me regarda d’un air étonné, et il se remit à son activité habituelle, son ordinateur.
Les jours passèrent rapidement, je n’y ai plus trop repensé, mon métier en entreprise et celui de mère étaient trop prenants. Quand enfin mercredi l’heure arriva, je me rendais compte finalement que prendre ma voiture à cette heure si tard était encore plus étrange. J’avais cherché pendant 30minutes quelle tenue j’allais me mettre, c’était stupide mais je voulais avoir l’air jeune, c’était un peu comme un entretien, le premier rendez-vous allait déterminer toute la suite de notre relation. Finalement j’avais opté pour un jean et un chemisier, une tenue bien habituelle pour moi mais il me fallait surtout des vêtements où je puisse me sentir à mon aise. Mes ballerines aux pieds, me voilà en route.
Je connaissais l’endroit pour y être déjà passée en voiture, mais je ne m’y étais jamais arrêtée, une sorte de quartier aux maisons blanches ou crèmes, pour être honnête ce coin n’avait pas beaucoup de charme, je n’aurais pas pu expliquer pour quelle raison ce quartier semblait si sinistre étant donné que les maisons n’étaient pas délabrés ou moches, elles n’étaient tout simplement pas prestigieuses, comme l’auraient pu l’être celles de mon quartier. Les jardins n’étaient pas tondus, de vieilles balançoires se laissaient aller au grès du vent, cet endroit avait une comme une âme fantôme, on pouvait sentir la vie émanant des habitations et pourtant on n’en apercevait rien.
Nous sommes tout début mars, et le printemps commence à arriver, mais les nuits tombent encore très vite sur notre ville. Malgré mes a priori sur ce coin de la ville, plus je pénétrais dans cette rue à la recherche du n°49, plus finalement je le trouvais apaisant et son côté anti-bourgeois me mettait tranquillement à l’aise.
Sa maison était blanche elle aussi, du lierre grimpait aux murs, comme si un jour on avait décidé de l’abandonner, de le laisser prendre place sur l’ensemble de la maison, une guerre perdue contre la nature. Les volets entrefermés, on pouvait quand même apercevoir la lumière, le son suave d’un air de jazz résonnait dans tout le quartier. Je fus tout de suite bouleversée, c’est toujours la même chose avec moi, la musique me transperce chaque fois et je ne peux plus cacher toute la vague d’émotion qui vient me submerger. Les mêmes émotions que lorsque je suis dans mon bureau assise sur ma chaise, j’écoute du piano afin de me détendre et penser à autre chose. Cet air était magnifique, mais tellement triste.
Je m’approchais pour sonner.
A l’instant même, le piano s’interrompit et j’entendis son pas lourd se diriger vers la porte.
Il ouvrit, ce n’était pas fermé à clef.
Alors dans l’ouverture de la porte j’aperçus cet homme, environ 1m80, la carrure imposante, mais il n’avait rien d’un sportif. Ses cheveux étaient sombres et commençaient tout juste à grisonner sur le côté, ça n’enlevait rien à son charme. Oui son charme car sur le pas de la porte je découvris un homme sombre, à l’air si mystérieux mais très séduisant, c’est étrange car je n’aurais pas su dire pourquoi.
Il m’a dévisagé avec insistance pendant quelques secondes sans rien dire, cet instant m’a paru durer une éternité, finalement il a repris cet air détaché que je lui avais imaginé au téléphone, et m’a fait signe d’entrer.
- Je suppose que vous êtes Madame Dubois ?
- Euh oui exactement, mais vous pouvez m’appeler Lili.
- Très bien Lili, alors comme ça vous voulez apprendre le piano. Vous avez des notions ? Vous avez déjà pris des cours ?
- Pour être exacte, pas vraiment. J’ai eu un synthé alors que j’étais enfant mais rien de plus. Mais c’est un rêve, je me dis qu’il faut bien commencer un jour où l’autre.
- Tout à fait, je ne vous cache pas que vous aurez plus de difficulté qu’un enfant de 6 ans, mais avec un peu de persévérance tout s’apprend, vous en avez, de la persévérance ?
La question m’avait surprise, je ne m’attendais pas du tout à ce genre d’interrogatoire, je pensais que mon professeur se contenterait de m’appendre quelques morceaux, les bases et puis peu importe si je progressais.
- Je devrais suffisamment en avoir, autant que le courage qu’il m’a fallut pour me décider d’apprendre à en jouer à mon âge.
- Il ne s’agit pas de courage…
Cette phrase était dîtes, sans intention certainement de me blesser, mais elle avait été exprimé comme pour lui-même et je la voyais encore flotter en l’air, laissant une drôle d’impression qui avait stoppé toute conversation.
Je restais là debout comme une cruche sans trop savoir quoi faire. Il se dirigeait vers le piano, que je regardais avec beaucoup d’estime, ce chef d’œuvre devant moi m’impressionnait.
Il s’agissait d’un Pleyel, un piano droit couleur marron clair. Un piano français, précédé de sa réputation, ce piano à la particularité de n’avoir que deux pédales, et de posséder un son très rond et très puissant. Je restais là droite sur mes deux pieds à contempler ce piano en chêne, la couleur du bois luisait avec les lumières de la pièce, je pouvais déjà sentir la douceur des touches sous mes doigts.
Quand je sortis enfin de mes rêves, je l’aperçus me fixant.
- Je pense que vous pouvez approcher il ne va pas vous manger, ça ne lui arrive quand cas d’agression.
Après avoir posé ma veste et mes affaires sur une chaise je me décidais à enfin m’asseoir devant le piano. Il souriait à moitié, comme si me voir là si égarée et si désemparée pouvait être drôle.
Le premier exercice fut simple, il m’expliqua quelques notions, sa voix était posée et lui était très attentif à tout ce qu’il expliquait, beaucoup plus que moi d’ailleurs.
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· Il y a presque 14 ans ·Mini Pouce
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· Il y a presque 14 ans ·Remi Campana