Traces

caprou

 

Maurice ABITEBOUL

 

 

 

 

 

 

 

TRACES

 

Poèmes d’un demi-siècle

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Morières-lès-Avignon, Teyran, 2009-2010

 

 

 

  

  

  

  

LES INSTANTS DONNÉS

(Aix-en-Provence – Abbeville, 1956-1960)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À CŒUR ET À CRI

 

 

Un rêve éclate

Un rêve éclate et le soleil m’aveugle

Un rêve s’est brisé qui était trop fragile.

Une illusion s’enfuit au fil des lignes

S’effiloche et se meurt dans le silence

Prise au mot,

Prise aux mots.

Lentement, patiemment, elle agonise

Et, morte, elle ressuscite et meurt encore

Au fil de la mémoire, au fil des mots.

Aix, déc. 1956

 

***

 

 

Pour que tu ressuscites

Pour que tu ressuscites

si je suis mort en toi,

Il pleuvra de l’amour

jusqu’au bord de ton cœur,

Pauvre amour éternel

qui meurt à chaque instant,

J’entrebâillerai doucement

ta mémoire

Pour que tu ressuscites

si je suis mort en toi

Aix, nov. 1959

***

La vie buissonnière

O !

Le goût de s’aller perdre

en des milieux sordides

Et de confier sa peine

à la pluie des dimanches !

O ! le goût de partir

vers un rêve perfide

Et de s’encanailler

avec la solitude !

Qu’avons-nous retenu

des nocturnes musiques,

Des folles sarabandes

et des mots fantastiques,

De la fraîcheur des parcs

et des nuits tropicales ?

(Car tendre était la nuit

en ces temps d’autrefois.)

Avons-nous soudain renoncé

Aux somnolents matins d’été,

Aux premiers brouhahas des plages

Au tumulte incessant des vagues ?

O ! le goût blanc et noir

de la vie buissonnière !

O ! le goût des étés

de nos jeunes années !

Abbeville, septembre 1960              

***

 

L’ÈRE SUCCESSIVE

Quand auront disparu…

Quand auront disparu les civilisations,

Les maquis et les villes,

Quand auront disparu tous les élans du cœur,

Ceux qui brûlaient nos nuits d’été,

Ceux qui nous auraient fait crier

                       Dans le silence,

Quand se seront éteints nos espoirs et nos rêves,

Quand auront disparu

Les pluies, les vents et les nuages,

Alors, moi, mes amis, je serai parmi vous.

Nul n’oubliera les guillemets de l’expérience,

Les parenthèses de l’autorité

Les virgules de la moindre nuance.

Alors, moi, je vous compromettrai.

Abbeville, octobre 1960

***

 

Voici le temps des nuits et des paresses

Voici le temps des nuits et des paresses,

            le temps du rêve et de l’oubli

Chaque aurore impatiente annonçait au rivage

le poids d’un nouveau jour

                                               et le silence obscur

se confiait à la terre, ô, femme de la pluie

Le rivage émergeait de son ample énergie,

            de son temple lunaire

Et l’onde inquiète se taisait

sous l’ombre apprivoisée.

Abbeville, 1960

***

Le silence

 

Rivage,

            il faut changer d’oubli

            apprivoiser la nuit

            apprendre le pardon

comme on se lève à l’aube. Le jour

bascule

            sur l’illusion frileuse

et c’est le temps du rêve enfui

le temps d’écouter

le silence

le silence

 

Abbeville, 1960

*** 

 

 

 

 

 

 

 

TERRES DU SILENCE

(Morières-lès-Avigon, mai-juin 1983)

 

 

 

 

À défaut de silence

 

Vous reprochez au poète

son langage excessif …

reprochez-vous au jardinier

            d’arroser une terre sèche ?

reprochez-vous au forgeron

            son martèlement obstiné ?

le poète est le jardinier d’un siècle aride et dur

il est le forgeron du verbe

            il ne caresse pas les mots

                                                    il les cloue 

***

Terre de silence

Le problème n’était pas : « Que faire en un pays

            sauvage où le ciel et la terre retiennent

            votre souffle ? » mais : « Si la terre et le ciel

            s’étouffent et perdent souffle en une

étreinte de violence, où trouver la

            respiration vitale ? »

Nous réfléchissions

Après avoir longuement et douloureusement

            hésité, avec la réticence de notre âge, nous

            risquions une simple réponse, mais nous ne

            pouvions nous fier à notre désir. Le

            souvenir était puissant et paralysait notre

            volonté. Il nous semblait que notre effort

            ne pouvait tendre que vers la dissolution.

Alors nous partions pour une terre lointaine (sous un ciel bas),

            Pour une terre de silence.

Nous reprenions souffle.       

***

 

Mon temps n’est pas le vôtre

– mon temps n’est pas le vôtre

nous nous sommes connus

dans l’Algérie des sables et des souks

l’Algérie des étés et des marchés bruyants

le cœur a ses dérives

le souvenir aussi

et nous étions amis

ni plus ni moins qu’ici

partir nous convenait

– mon temps n’est pas le vôtre –

nous sommes du pays

            de la soif

nous sommes du pays

            des regrets

plus jamais nous n’irons

par les sentiers d’amour

les sentiers de jeunesse

            plus jamais

nous n’irons au bois

– mon temps n’est pas le vôtre –

nos rêves s’en allaient

crever la nuit profonde

et tels des somnambules

nous marchions

notre chaleur pesait

sur nos cœurs alanguis

nous pleurions d’impatience

et puis le temps arrive

nous caresse et nous blesse

            plus jamais

nous n’irons au bois

– mon temps n’est pas le vôtre.

***

 

 

 

 

 

À chaque rive

 

À chaque rive sa promesse

À chaque rite sa souplesse

***

Nous n’avons pas toujours…

nous n’avons pas toujours souhaité

            la pelouse bien rase

            et la haie bien taillée

            les fleurs bien arrosées

nous n’avons pas toujours souhaité

            la brise apaisante du soir

            le chant berceur des oiseaux

            le frémissement de l’eau vive

nous n’avons pas toujours souhaité

            le verre de citronnade fraîche

            l’amitié du voisin

            le banc de pierre à l’ombre

car nous avions alors d’étonnantes vertus :

nous vivions à cœur et à cri,

nous chantions à tue-tête

            et nous courions à corps perdu

***

La pierre cet hiver

la pierre cet hiver s’est fendue dans toute son épaisseur

au printemps, trois herbes neuves la partagent

 

***

(en pensant à Magritte)

Cet oiseau déjà ciel

Cet oiseau déjà ciel                traversé

de nuages                   envolé vers l’horizon

du désir

Cet amour déjà rêve               habité

de mémoire                 éclatant aux frontières

de l’espoir

Ce sable déjà plage                étouffé

de chaleur                   jusqu’aux lointains rivages

de l’été

Ces vagues déjà flots             secouées

de frissons                  parcourant les chemins

de la nuit

Ce vent déjà navire                essoufflé

de sa hâte                   balayant les parfums

de l’ivresse

Le temps déjà silence             assoiffé

de promesses              annonçant les sentiers

de l’oubli

Et la pierre éclatée                  que le soleil caresse

et brûle                       l’espace d’un instant

éternellement nue

***

 

 

Dans le creuset du temps

Dans le creuset du temps se préparaient

            d’officielles agapes

et nous sentions l’odeur d’un mets nouveau

            que jamais nul convive n’avait dégusté

ou plutôt : jamais n’avait été offert

            (sinon pour plaire au prince)

            ce plat d’exotiques contrées

Il nous avait paru d’excellente saveur

– or nous avions cueilli les herbes

et rapporté de nos lointains voyages

les piments et les fortes épices

qui promettaient joies et délices.

Nous aurions jouissance (et chacun le savait)

            du festin que les rois 

n’avaient point dédaigné

– et nous serions repus, régalés, rassasiés

et chacun le savait

***

Le long silence durait

le long silence durait

et moi je somnolais

sur l’épaule de la nuit

***

À trois pas du ruisseau

            à trois pas du ruisseau

            l’on avait encore soif

            à trois pas de l’amour

on avait encore mal

            à trois pas de l’espoir

            on avait encore peur

et puis l’on franchissait le seuil

et l’on se reposait du long chemin

***

 

 

La vieille toile cirée

la vieille toile cirée

qui plaisait à nos ongles

(et nous l’avons souvent rayée avec délice)

sur la table carrée de la salle à manger

la soupe fumante sentait bon la veillée

et les histoires du temps passé

après le morceau de fromage

(il n’y avait pas de poire pour finir)

nous n’irions pas dormir

sans en savoir la fin

(la fée la neige et le sommeil)

et dehors il pleuvait et c’était notre joie

de savoir que le prince était patient

la lampe éclairait peu mais nous étions ailleurs

dans un château lointain, illuminé,

ou peut-être en Espagne

***

Il est grand besoin aujourd’hui

Il est grand besoin aujourd’hui il est grand temps

            de poésie

– ne plus somnoler au creux des mots

mais violer le langage –

grand besoin de ferveur, de vent du large

et de brûlant soleil,

de parfums forts, de sentiers de montagne,

de gourmandise et de couleurs violentes

grand temps et grand besoin d’orages

            après les heures duveteuses

            après les heures poussiéreuses

grand temps et grand besoin de s’en aller là-bas

            où l’exigence unique est de survivre

***

 

 

 

 

Virgules de l’espoir

virgules de l’espoir, Ponctuation Vitale,

majuscules de l’éternité

***

Il suffirait

Il suffirait d’un vent léger il suffirait

            d’un souffle

            pour que se lèvent du rivage

            les vagues de l’été

Il suffirait d’un cri il suffirait

            d’un mot

            pour que s’efface au soir de la mémoire

            l’ombre du souvenir

***

Couleuvre-quadrillage

Couleuvre-quadrillage, tête angulaire,

            elle se lovait au creux de sa peur.

            Du pot de muguet vide

            (chaleur absolue de l’été)

            dépassait la queue effilée.

Et puis la vie soudain coupée en deux

            – violence, acharnement –

            la tête éclatée écrasée

            sous le rondin massif

            effondrement de l’existence

            au milieu du sommeil de midi.

Quelques battements convulsifs pour finir

            ultime exigence de vie

            fouettant le silence

            avant le long repos

–        où va la vie qui va ?

***

 

Une volonté solaire

Une volonté solaire

écartèle

le feuillage où frémit le merle maraudeur

et cloue

notre innocence au silence du ciel.

L’écorce aura tenu

– résistance des âges –

pour nous

qui n’étions là que depuis peu de temps.

Stridence dans les arbres

froissement impatient de l’aile qui s’affole

cris de l’oiseau témoin – naïve obstination.

Encore un peu de temps

encore

de l’eau pour notre soif de l’air

pour notre souffle.

Nous partirons demain

mais déjà

toute absence est présente.

 

***

 

Plus jamais nous n’irons en Espagne

Plus jamais nous n’irons en Espagne

            visiter les châteaux, ni flâner

            aux remparts, ni, l’âme buissonnière,

            parcourir les sentiers de montagne.

Plus jamais, la nuit, sur les quais, nous

            n’attendrons l’improbable navire

            qui, chargé de fabuleux trésors,

            sentirait les parfums du Pérou.

Notre âge a perdu ses innocences –

            mais où vont les promesses du soir ?

            où vont les voyageurs de l’espoir ?

Dernier feu qui s’éteint, dernier rêve,

            souvenir qui s’estompe en silence…

            Saurons-nous vivre encore

                                                       et crier ?

***

TRACES

(Morières-lès-Avigon, juin 2006-novembre 2007)

 

 

 

 

 

 

Traces

 

Traces témoignages que nous fûmes un jour

Et que la vie était belle

Que la vie était

Digne d’être vécue

Traces pour la mémoire à jamais

Le temps que dure la terre

Le temps que dure

Le souvenir

Traces qui s’éloignent et nous laissent et nous délaissent

Qui s’enfoncent dans l’oubli

Du temps qui passe

Traces qui à jamais

S’effacent

***


 

Plus soif

La tasse de café sur la table basse près du fauteuil

Est remplie à ras bord

Et elle sent bon

Brûlante

Le plaisir du bruit de la petite cuillère

Le goût à chaque gorgée

L’arôme si puissant

Toute la tasse comme une promesse

Tout reste à boire, à déguster,

À humer,

Toute l’éternité au fond de la tasse

Le café était bon,

Chaud, réconfortant, savoureux

Il laissait un goût de jouissance sur la langue

Il donnait envie de tout

Envie d’aller partout

De tout voir, de tout savoir, de tout vouloir,

Il donnait le goût

De toutes les musiques, de toutes les amours,

De toutes les audaces,

De toutes les tentations

La tasse est presque vide

Le café, au fond de la tasse, n’est plus si noir

Il est tiède, presque froid

Trop attendu

Trop perdu de temps

Café refroidi

Plus tellement de goût

Plus tellement envie de boire

Plus soif.

***

Le temps était venu

Le temps était venu

De renouer le fil de la parole

Interrompue

De reprendre son souffle

Après une course sans fin

Une course sans but

***


 

Une journée parfaite

tant pis pour les cendres

tant pis pour les souvenirs

il avait fait beau toute la journée

le ciel était clair sans nuages

d’un bleu électrique

le soleil nous réchauffait le cœur

et dardait ses rayons avec orgueil

à peine une brume légère au matin

et puis la brise marine

pour nous réveiller d’un long sommeil

la soirée, paisible et sereine

pas un bruit pas un cri

des chants d’oiseaux avant la nuit

des senteurs des couleurs des rumeurs

au loin dans la campagne

à présent l’ombre partout

l’obscurité souveraine

pas une plainte pas un regret

bientôt le silence – jusqu’à quand ? –

bientôt l’absence et le mystère

 –  où ? pourquoi ? – bientôt

au revoir et merci, bonne nuit !

tant pis pour les cendres

tant pis pour les souvenirs

***

 

 

Encore des heures

Encore des heures dans le silence

Encore des heures d’absence

l’âpreté des grands matins

la soif inassouvie

et la lenteur du temps

la justesse cruelle des midis

l’ardeur multipliée

et la fraîcheur du vent

les jardins et les fleurs les oiseaux

au crépuscule

la douceur de leurs chants

la nuit la nuit terrible

pour abolir les rêves

pour abolir les muscles et les nerfs

– et puis l’oubli

Encore des heures dans le silence

Encore des heures d’absence

***

Pour l’offrande de chaque jour

pour l’offrande de chaque jour,

pour le repos de chaque nuit,

pour les hivers et les étés,

merci

***

 

Tout est bien (un post-scriptum)

 

moins de souffle, moins de légèreté, moins d’ardeur,

moins d’appétit, moins de désir,

moins d’avenir, moins de ciel bleu

moins d’orages aussi, moins de vent,

moins de pluies,

moins d’automnes et moins d’hivers

et moins de feuilles dans les arbres

et moins de printemps, moins d’étés,

moins de chants d’oiseau,

moins de brise légère pour caresser l’eau

et de moins en moins de soleil

(la météo est triste ces jours-ci)

mais quelle importance ? tout est bien

qui finit bien, a dit Shakespeare…

novembre 2007

***

Codicille : dans l’atelier du poète

1.      L’Avènement de l’écriture 

            « L’écriture qui abolit la déchirure la rupture la distance entre moi et moi (c’est le poète qui parle). Écume de mon existence. » Rafistolage de la fissure et de la brisure. Passage inexorable. Pont entre le silence et le cri. Ouverture. Promesse d’un dénouement, du dé-nouement. Désétranglement de la voix. Soudure de l’écartèlement vital. Après l’écriture, la brèche est un instant colmatée.

            L’écriture, perfection négatrice du néant.

            L’écriture, dépassement silencieux de l’oubli. Amie virtuelle de la mémoire. Permanence de l’éphémère. Pacte consolateur entre l’homme et l’éternité. Douloureusement le silence aboli. « Je n’y suis plus j’y suis encore. » Fulgurante alliance avec l’éternité.

            La pente est remontée jusqu’au sommet.

            La porte ne se refermera pas.

            L’écriture, dérobade magique. La grande nargueuse : celle qui aura gardé le dernier mot. L’écriture a inventé les mots. L’écriture a inventé la durée.

 

            Le poète, forgeron obstiné qui martèle sa vie à coups de mots.

 

            L’homme vit sa vie. Dignement ou misérablement. Comme il peut. Le poète écrit. « Et le reste est silence », n’est-ce pas, noble prince de Danemark ? Qu’ajouter au silence ?

            Qu’ajouter à l’absence ?

            L’écriture ou la lutte de l’homme contre l’absence et le silence. L’écriture, question ou réponse ? (25 janvier 1985)

 

 

 

2.      Programme et enjeux 

            Le poète n’écrira pas sans s’être interrogé au préalable sur l’écriture. Et pour finir, il « poétisera » à perte de vie

            car dans l’écriture il épuisera sa vie

            (ah ! la belle équation du poète : écrire sa vie, c’est vivre son écriture ; et vice-versa).

            L’écriture ou comment raccommoder les déchirures, apaiser les brûlures, guérir les flétrissures. L’écriture ou la propreté (la santé) retrouvée.

 

            Compter sur l’écriture comme on compte sur un lieu de convalescence pour reprendre souffle et respirer à pleins poumons après l’asphyxie et la maladie.

            L’écriture, lieu de repos ou champ de bataille ? C’est selon.

           

            Écrire, livrer le combat de la dernière chance, celui d’où dépend toute survie.

            L’écriture comme « lutte finale ».

            L’écriture est impitoyable, elle met un terme à l’illusion.

            L’écriture salvatrice (« Enfin ! ») : « Il en reste toujours quelque chose ». L’écriture, déclinaison de l’âme.

 

            Écrire, c’est donc conférer, investir, instituer. C’est mettre un terme et c’est « toujours recommencer ».

            Scribo ergo sum : l’écriture fondation et définition de l’être.

            L’écriture, respiration artificielle ? Qu’importe, si tout de même je respire.

            Reprendre écriture comme on reprend confiance... ou comme on reprend souffle !

 

            On ne dit pas : « Tiens ! Je vais écrire un poème ! ». On écrit un poème, puis l’on se dit : « Tiens ! Je viens d’écrire un poème ! »

 

            On vit. Puis on pense que l’on vit. On vit alors déjà un peu moins. Pourtant, comment savoir que l’on vit ?

           

            Les poèmes de l’été naissent de la sensation et du désir.

            Les poèmes de l’hiver naissent de la mémoire et de la volonté. La sensation est sable. La volonté se durcit et forme verglas. Ne pas déraper sur la mémoire... Attention, danger !

            Poèmes de l’été fluides et vaporeux et tièdes, impertinents. Poèmes de l’hiver glacés rigides impénétrables.

Morières, un jour… ou peut-être une nuit…


Encore un virage…

 

Encore un virage, dit-il,

Encore un virage.

Encore un virage avant la dernière ligne droite.

La course avait été belle, parfois difficile,

            Avec ses côtes à gravir,

            Ses chemins cahoteux,

            Ses longs détours et ses sentiers perdus.

Bien peu de spectateurs au bord du chemin.

On voyait au loin, à perte de vue, un horizon dégagé,

            Des perspectives ensoleillées,

            Et des effluves de terre promise montaient du sol.

La route alors paraissait longue.

Quelques curieux parfois s’approchaient.

Cette course était périlleuse et pourtant si exaltante.

            Exaltante peut-être d’être aussi périlleuse

            Combien se sont très vite essoufflés,

            Combien ont abandonné en cours de route !

De plus en plus de monde à présent s’intéressait à la course.

Et les voilà, de moins en moins nombreux,

            Qui s’évertuent à finir le parcours dignement.

Peu d’entre eux franchiront la ligne d’arrivée,

Indemnes et sans avoir souffert parfois.

Il y a foule au bord de la route. Applaudissements…

            … Pour les quelques rescapés qui guettent l’ultime moment.

Oui, la route était longue et la course était belle.

L’aurore était resplendissante mais

Voyez les merveilleux nuages au crépuscule !

Pourquoi ce triomphal accueil pour un simple mortel ?.

           

Encore un virage, se dit-il,

            Encore un virage.

            Encore un virage avant la dernière ligne droite.

Teyran, 5 septembre 2010.

 

 

Maurice ABITEBOUL

Aix-en-Provence, Abbeville, Antibes, Morières-lès-Avignon, Teyran

1956-2010

 
 
 
 
 
TABLE

 

TRACES

 

Les Instants donnés (1956-1960) …………………. 1

* À cœur et à cri

* L’ère successive

 

Terres du silence (1983) …………………………… 7

Traces (2006-2007)  ………………………………. 15

 

Codicille : dans l’atelier du poète ………………… 20

 

Encore un virage (2010) .………………………….. 22

 

TABLE …………………………………………….. 23

 

 


 

 


 

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