Transi

J'ai crié à la fosse : tu es mon père  

et aux vers : vous êtes ma mère et ma sœur 

Job 17:14  

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[...] 

Écoute Dans la nuit mon sang bat et t'appelle 

Je cherche dans le lit ton poids et ta couleur 

Faut-il que tout m'échappe et si ce n'est pas elle 

Que me fait tout cela Je ne suis pas des leurs 

Je ne suis pas des leurs puisqu'il faut pour en être 

S'arracher à sa peau vivante comme à Bar 

L'homme de Ligier qui tend vers la fenêtre 

Squelette par en haut son pauvre cœur barbare 

[...] 

Louis Aragon 1897-1982 

Le Crève-cœur. Le temps des mots croisés (1941) 

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[...] Je me suis promenée dans la ville haute de Bar-le-Duc ; dans l'église Saint-Étienne, j'ai contemplé un chef-d'œuvre que j'ai honte d'avoir si longtemps ignoré : le Décharné de Ligier Richier. Mi-écorché, mi-squelette, c'est un cadavre que l'esprit anime encore, c'est un homme vivant et déjà momifié. Il se dresse en tendant son cœur vers le ciel. [...] 

Simone de Beauvoir 1908-1986 

Tout compte fait (1972). Autobiographie 

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Le corps décomposé, un mort-vivant. « Le Transi » se dresse  

Il regarde ce cœur, le sien, qu'il brandit vers le ciel 

Meuse. Bar-le-Duc. Eglise Saint-Etienne, transept sud 

La représentation du cadavre de René de Chalon 

La figuration de la mort  

René de Chalon semble avoir arraché son cœur de sa poitrine, pour le brandir vers les cieux  

La fin des temps 

l'Apocalypse 

la résurrection des morts 

le retour du Christ glorieux 

le jugement dernier ?.. 

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Ligier Richier 

né vers 1500, à Saint-Mihiel. Meuse centre ; à mi-distance, entre Bar-le-Duc et Verdun  

mort en 1567, à Genève  

Sculpteur lorrain, au début de la Renaissance 

Attaché à la cour des duchés de Lorraine et de Bar, Ligier Richier réalise plusieurs œuvres majeures, conservées dans les départements de la Meuse et de Meurthe-et-Moselle 

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René de Chalon 1519-1544 

est le fils unique  

du comte Henri III de Nassau-Breda 1483-1538. Général au service de l'empereur Charles Quint 

et de Claude de Chalon 1498-1521 

La sœur de Philibert de Chalon-Arlay 1502-1530. Le dernier représentant d'une branche des comtes de Bourgogne, la famille d'Orange de Hollande. Le Comté d'Orange aurait été fondé par Charlemagne. Il se situe aujourd'hui dans le département du Vaucluse 

Conformément au testament (1528) de Philibert de Chalon-Arlay, son oncle, René de Chalon a hérité de la principauté d'Orange 

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1542-1544. La campagne oppose  

l'empereur Charles Quint,  

au roi de France, François Ier 

Prince d'Orange, favori de l'empereur Charles Quint, René de Chalon est le gendre d'Antoine le Bon (1489-1544), duc de Lorraine et de Bar  

14 juillet 1544. Haute-Marne. René de Chalon fait le siège de Saint-Dizier. Position stratégique. Résistance héroïque  

Tir de couleuvrine. Blessé à l'épaule, René de Chalon (26 ans) s'effondre  

Le lendemain, il meurt  

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Une coutume du 13e siècle permet aux rois et aux princes, de bénéficier de plusieurs sépultures 

Le corps de René de Chalon repose dans le caveau familial des Nassau-Orange. Pays-Bas, ancienne cathédrale Notre-Dame de Bréda 

Son cœur et ses entrailles sont conservés dans la collégiale Saint-Maxe du château des ducs de Bar, à Bar-le-Duc 

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Réalisée vers 1545 / 1547, Le Transi aurait été commandé à Ligier Richier (45 ans)  

par François Ier de Lorraine, duc de Lorraine et de Bar 1517-1545 

le frère d'Anne de Lorraine 1522-1568. L'épouse de René de Chalon 

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Un transi -une sculpture qui représente un mort, de façon réaliste  

Cependant, le corps est figuré dressé debout, comme un vivant. Non couché 

L'œuvre est singulière dans l'art funéraire de la Renaissance ; elle appellerait une dénomination spécifique 

Un gisant représente un personnage couché  

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La statue a une taille de 1 mètre 77 

À la fois, monument anthropomorphe et reliquaire 

Sculptée dans le calcaire à grain fin et serré, de la région de Saint-Mihiel 

La statue est formée de deux pièces principales, jointes au niveau du bassin 

Pour lui conférer l'aspect du marbre, une préparation à base de cire (encaustiquage) a été appliquée sur la pierre chauffée  

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Bar-le-Duc. Collégiale Saint-Maxe. Le Transi se trouvait dans la chapelle des ducs de Bar 

1790. Révolution française. Bar-le-Duc. Peu avant la destruction de la collégiale Saint-Maxe, la statue est déplacée dans l'église Saint-Etienne ; au-dessus de l'autel, dans lequel reposent les ossements des princes du Barrois 

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Les duchés de Bar et de Lorraine sont indépendants de la couronne de France 

Fils d'un "ymagier", Ligier Richier débute sa carrière à Saint-Mihiel 

1530. Il bénéficie de la protection du duc Antoine el Bon, duc de Lorraine, qui s'attache ses talents de sculpteur. Ligier Richier réside à Nancy 

1535. Saint-Mihiel. Il acquiert une maison, au 11 de la rue Haute-des-Fosses, qu'il décore au rez-de-chaussée  

d'un plafond en bois à caissons en terre cuite, toujours en place,  

et d'une cheminée. Linteau à rare décor de draperie -aujourd'hui remontée dans la mairie d'Han-sur-Meuse, à 10 km de Saint-Mihiel 

1543. Il est élu syndic de la ville de Saint-Mihiel  

Sous le règne de Charles III de Lorraine, Ligier Richier se convertit au protestantisme 

Il adresse au jeune duc une pétition, qui réclame le libre exercice de la religion réformée 

1564. Il quitte la Lorraine et s'exile à Genève, où il rejoint sa fille Bernardine, épouse de Pierre Godart 

1567. Ligier Richier (67 ans) meurt à Genève 

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En l'absence de dates, de signatures, de contrats, les comparaisons stylistiques permettent de regrouper sous son nom, une dizaine de sculptures d'inspiration religieuse, réalisées dans les années 1530-1560 

Précision de la taille des visages ; finesse du drapé sur la pierre 

L'œuvre de Ligier Richier est axée sur les scènes de la Passion et de la mort du Christ 

Saint-Mihiel. Eglise Saint-Étienne. Le Sépulcre. L'une d'une des dernières réalisations de Ligier Richier  

Saint-Mihiel. Eglise abbatiale Saint-Michel. Groupe de la Pâmoison de la Vierge  

Bar-le-Duc. Eglise Notre-Dame. Christ en croix  

Étain. Eglise Saint-Martin. Piéta  

Meurthe-et-Moselle. Briey. Eglise Saint-Gengoult. Calvaire aux larrons (bois) 

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Ligier Richier s'est exprimé dans la statuaire funéraire 

Deux chefs-d'œuvre 

le Transi, surmonte le reliquaire du cœur et des entrailles de René de Chalon, prince d'Orange 

le gisant de Philippa de Gueldre, veuve (1508) du duc René II de Lorraine. La souveraine est représentée en costume de clarisse  

Philippa de Gueldre s'est retirée chez les clarisses de Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle). Elle décède en 1547 

Le gisant est réalisé pour l'église du couvent 

Vraisemblablement pour cette œuvre, Ligier Richier met au point son procédé d'encausticage. Il donne à la pierre calcaire blanche de Saint-Mihiel / Sorcy, l'aspect, la brillance du marbre 

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Le modelé du corps humain ; les visages creusés, douloureux 

L'œuvre de Ligier Richier est marquée par  

le gothique finissant  

les prémices de la Renaissance -le décor ornemental 

Le sculpteur allie le sens du drame, à la diversité des attitudes 

Briey. Le chœur de l'église Saint-Gengoult. 1530. La Vierge ploie, sous la tristesse 

saint Jean lève son visage vers le Christ 

les larrons souffrent 

Saint-Mihiel. Le groupe de la Pâmoison. Saint Jean soutient la Vierge, qui défaille 

Le sculpteur traite en maître, les matériaux. Le bois, la pierre, la terre cuite 

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Ligier Richier  

son fils Gérard 1535-1600, sculpteur sur pierre 

1573. De retour à Saint-Mihiel, Gérard Richier succède à Ligier Richier, à la tête d'un atelier de sculpture 

Le renom de l'atelier perdure, jusqu'au début du 17e siècle 

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15e et 16e siècle. Période marquée par les épidémies, les guerres, les conflits religieux. Courant de représentation réaliste de la mort  

France, début du 15e siècle. Les Transis  

Aisne. Musée de Laon. Le plus ancien connu est le transi de Guillaume d'Harcigny 1310-1393, médecin du roi Charles VI (crises de démence)  

Vaucluse. Avignon. Musée du Petit Palais. Eglise saint-Martial. Un transi est réalisé peu après, pour le tombeau du cardinal Jean de La Grange, mort en 1402 

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16e siècle 

La permanence du thème de la mort  

1520 / 1530. Musée du Louvre. Albâtre. Allégorie de la mort dite La Mort Saint Innocent, provient du cimetière des Innocents, à Paris. Au centre du cimetière, la statue était placée dans une guérite de bois 

Enveloppé dans son linceul, un squelette décharné brandit de la main droite la flèche, qui menace de la mort, chaque être humain 

De la main gauche, un écu 

Il n'est vivant tant soit plein d'art 

Ne de force pour résistance 

Que je ne frappe de mon dart 

Pour bailler aux vers leur pitance 

Priez Dieu pour les trépassés 

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Côte-d'Or. Dijon. Musée des Beaux-Arts. Un squelette décharné, debout. La Mort. Elle proviendrait du charnier de l'ancienne abbaye de Clairvaux, à Ville-sous-la-Ferté ; à quinze kilomètres de Bar-sur-Aube (Aube) 

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Intérêt nouveau pour l'anatomie 

Premières écoles de médecine. L'Eglise accorde des autorisations pour autopsier les cadavres des condamnés 

La statue provient d'une collection de Provins et est présumée avoir orné le charnier de l'abbaye de Clairvaux. Elle s'inscrit dans un courant de représentation réaliste de la mort, qui s'exprime du XIVe au XVIe siècle dans une période marquée par les épidémies, les guerres et les conflits religieux