Tribulations d'une gamine
leynaivete1
Une pluie gelé s'abattait sur mes cheveux emmélés, mes lèvres bleui par la température glaciale tremblotaient. J'étais désespérée et seule. Je levais la tête vers le ciel et quelques gouttes glissèrent le long de mon cou me faisant frissonner légèrement. Ce temps gris reflétait parfaitement ce que mon coeur ressentait. En ce jour humide, j'avais perdu la dernière personne qui se préoccupait un tant soit peu de mon existence. Je regardais une dernière fois son corps inerte qui gisait sur le sol. La substance rouge vermeille n'avait pas arrêter de couler de sa plaie béante. Comment peut-on avoir autant de sang dans le corps ? Ce fut la seule pensé qui reussit à se frayer un passage entre le foutoir que cet événement avait produit chez moi et l'anarchie que formait mon esprit.
Je m'accroupis près du cadavre et mémorisais une dernière fois les traits fins de son visage. Ses pomettes qui se montraient uniquement lorsqu'un rire lui prenait, son nez en trompette et ses lèvres charnues. Ses yeux vert éméraude me scrutait intensément comme pour me poser une dernière question. Pourtant je ne savais dire laquelle. Je soupirais et passais ma main devenu couleur hémoglobine sur ses paupières pour les fermer à tout jamais. Je la ramenait contre moi et baissais les yeux quand je remarquais deux trages de sang sur son visage.
La pluie se mêlait à mes larmes ou était-ce l'inverse ? Qu'importe, la seule personne qui me maintenait encore sur terre était partie. Je fermais les yeux et me pinçais les lèvres pendant que le vide dans mon coeur s'agrandissait au fur et à mesure que les souvenirs de son rire s'envolait au loin. Quand je rouvris les yeux, le corps au sol était flou et un cri s'échappa de ma bouche, déchirant le silence macabre qui s'était installé.
Soudain des sirènes résonnèrent dans la rue et je secouais la tête frénétiquement. Non ! Pas maintenant ! Semblait hurler mon coeur. Mais je me résignais et commençais à fouiller son jean, les mains tremblantes. Je cherchais quelque billets pour pouvoir survivre à la dure semaine que j'allais devoir affronter. Seule. Je serrais les dents avant de craquer et de me laisser aller contre le cadavre au sol. Ce n'était clairement pas le moment. Je me relevais difficilement. Mes jambes soutenant péniblement mon corps à chaque pas. Je me retournais, pensant pouvoir prendre le corps avec moi pour l'enterrer décemment. Mais le son d'une voiture s'arrêtant soudainement à quelques mètres de moi m'y dissuada directement. J'inspirais profondément. Adieu. Avant de m'enfuir à grandes enjambées sans me retourner.
Mes pieds foulaient le sol et les flaques d'eau aussi vite qu'ils me le permettaient. Les larmes continuaient de rouler le long de mes joues alors que mes halètements commençaient à devenir de plus en plus fort et mes vêtements trempés de plus en plus lourd pendant que la pluie se faisait intense.
Je slalomais entre les passants, bousculant certains, poussant d'autres de mon chemin. Pourtant tous se retournait sur mon passage, tous me sondaient de leurs yeux perçant. C'est vrai que mon allure devait sembler intrigante à voir. Avec mes cheveux hirsute ruisselant d'eau, mes yeux rouges, bouffis, mon regard perdu, hagard et ma démarche mal assurée, alerte et précipitée. Et ajoutez en plus de cela mes mains écarlates et mes vêtements imbibés de son sang. Oui, ils devaient tous me prendre pour une folle venant de commettre un meurtre sanglant. Je fronçais les sourcils et serrais les dents, mon cerveau se remplissant de souvenirs sombre.
Difficilement, je tournais à la vue d'une petite ruelle et m'arrêtai brusquement. Je tombais à genoux, mes pieds ne supportant plus mon poids. Et soudain, une floppée de larmes jaillit de nouveau. Je sanglotait, portant la main sur ma poitrine, la douleur dans mon coeur devenant de plus en plus attroce. C'est pas moi la meurtrière ! C'est pas moi ! Mon cerveau était comme déconnecté du monde. Je suis pas une meurtrière ! C'est pas moi ! Il y avait juste le son de ma respiration qui semblait résonnait si fort contre les murs de la ruelle sombre. J'ai rien fais ! Je le jure ! J'ai rien fais ! Mon chagrin s'intensifiait se faisant insupportable. J'ai tué personne ! C'est pas moi ! Je basculais en avant, ma main gauche se posant durement au sol, me retenant d'une chute pénible. C'est pas moi qui l'ai tué ! J'aurais jamais fais ça ! Je suffocais, ma peine formant une boule énorme dans ma gorge. C'est pas moi ! C'est pas moi ! Je toussais et crachais m'étouffant avec ma popre salive. Il est pas mort par ma main ! Il est pas mort ! Mort... Il... Mort... N'ayant plus aucune force pour soutenir mon corps, je m'effondrais au sol, ma tête tapant rudement le bitume. Mort... Ma bouche laissa échapper un mot chuchoté laborieusement. Mort. Avant que mes paupières ne se ferment, me faisant sombrer dans un sommeil ou même mes plus fortes pensées était sous silence.
***
Soudain, elles s'ouvrirent brusquement, laissant place à des prunelles perdues. Depuis combien de temps étais-je inconsciente. Quelques minutes ? Quelques heures ? Quelques jour ? Je ne saurais dire. Je me redressais lentement, portant une main à ma tête, à l'endroit où elle avait heurter le sol un plus tôt et grimaçais. J'allais sûrement avoir une bosse.
Quand les évenements me revinrent en mémoire, je fronçais les sourcils et relevais les yeux, mon regard se posant un peu partout dans la ruelle. Mort. Seul mot restant dans le bazar de mon cerveau. Mort. Les quelques lettres qui résumait tous. Mort. La raison de ma colère, de ma tristesse et de mon désespoir. Mort. Ce que j'aurais voulu ne plus jamais entendre. Mort. Un mot qui me collait beaucoup trop à la peau à mon goût. Mort. Son état à jamais. Mort. Mort. Mort.
Des larmes menacait de s'échappait mais je me ressaisis, secouant la tête. J'allais moi aussi mourir dans peu de temps si je restais là, au milieu de l'obscurité à me lamenter sur mon sort. Il fallait que je me ressaisisses, et vite. J'inspirais un bon coup et me relevais, mes yeux se plissant. Quelle avait donc été la durée de mon inconscience pour que ce soit si difficile à mon corps de me supporter ? Finalement debout, je sortais les quelques dollars taché de sang de ma poche et les comptais méticuleusement. Je soupirais. Ces vingts dollars allaient être les clés de ma survie prochainement.
Après de longues minutes où chaques enjambés étaient un pas de plus loin de ses sourires, j'arrivais finalement dans une petite place inquiétante où le seul éclairage était un petit magasin encore ouvert malgré l'heure tardive. L'enseigne lumineuse clignotait de façon aléatoire, ce qui donnait un air dramatique à la scène et affichait un établissement ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Mon ventre émis un son peu élogieux. J'avais faim, c'était indéniable. Je ne savais pas combien de temps s'était écoulé depuis... Depuis ma course. Et je ne connaissais pas la date de mon dernier repas. Il fallait que je reprenne un peu de force. Je pressentais que mes jambes allaient devoir beaucoup cavaler. Mon visage exprima une moue fatigué. Il fallait espérer que le gérant était éreinté. Parce que je n'avais certainement pas la force de courir pour lui échapper. Je soufflais, s'il seulement il y avait eu un plus de billets, je n'aurais pas eu à voler ainsi. Je soupirais et entrais, priant de pas me faire prendre cette fois-ci. Passée la porte, je me dirigeais vers les snacks et passais ma main sur les produits, ne les regardant pas vraiment. Je déambulais entre les rayons, mon regard s'attardant sur le caissier, un homme petit et sec à la face renfrognée et morne. Je me détendis doucement, regardant à présent les quelques biscuits qui me faisait de l'oeil. Jetant des coups d'oeil de temps à autre au bonhomme, j'en glissais discrètement une bonne dizaine dans les poches de mon vieux manteau kaki.
Quand je relevais les yeux, mon regard accrocha celui d'un jeune garçon. Je serrais la mâchoire, il m'avait vu, il savait ce que je cachais. J'étais ancré dans son regard et il me regardait profondement. Allait-il prévenir le caissier ? Mes mains dans les poches serraient les biscuits, allait-il me vendre ? J'allais m'enfuir, allait-il me poursuivre ? Je fis quelques pas vers la sortie, allait-il me suivre ? Je reculais un peu et il ne bougeais toujours pas. Je fronçais les sourcils. Il n'allait réellement rien faire ? J'expirais doucement, je n'allais pas faire un tour au commissariat cette fois-ci. Détendue, je tournais la tête vers mon échapatoire quand mon regard rencontra celui du caissier. Je retenais ma respiration, aux aguets. Mais lui, compris. Il avait compris que j'étais une voleuse. J'écarquillait les yeux quand il me cria de rester là. Il fallait que je cours et vite. Je ne réfléchis pas une seconde de plus et m'activais vers la sortie. Quand je passais les portes, mon regard croisa une dernière fois celui du garçon, j'esquissais un petit sourire, le remerciant silencieusement.
Je courrais précipitamment dans la rue en entendant au loin les cris du gérant. Stop ! Hurlait-il. Stop ! À s'en déchirait les cordes vocales. Sale voleuse ! Alors que je m'éloignais rapidement. Stop ! Les cris s'évanouirent dans la nuit sombre, alors que j'étais déja loin. Stop !
Je m'arrêtais progressivement, n'entendant plus les cris du caissier et estimant que j'étais assez loin. Haletante, je regardais autour de moi, essayant de me repérer, en vain. Je fronçais les sourcils, je ne reconnaissait pas les bâtiments. Anxieuse, je me retournais, mes yeux se posant sur chaque fragment de la ruelle, cherchant à reconnaître au moins un tout petit détail qui ferait que je savais où je me trouvais. Mais peine perdu, la nuit était trop présente. J'avais couru si longtemps que j'étais arrivé dans un endroit de la ville que je ne connaissais pas ? Soupirant, j'appuyais mon dos auprès du mur et glissait mon corps contre la paroi. Arrivé au sol, je repliais mes genoux contre moi m'évertuant à garder un minimum de chaleur. Mon ventre émettant encore un bruit déplaisant, je sortais mon butin volé un peu plus tôt. Les produits dans les mains, je défaisait les emballages avec précipitation, les fourrant dans ma bouche tout aussi rapidement. Je soupirais d'aise, enfin un vrai repas. Je continuais de manger hâtivement quand un bruit de pas résonna dans la nuit sombre. Je tournais brusquement la tête vers l'origine du son. Mais un autre se fit entendre à l'opposé du précedant. Nerveusement, mes yeux scrutèrent le noir qui m'entourait. Mais je ne voyais rien. Il n'y avait rien.
Enfin, peut-être. Si. Trois hommes. Ricanant méchamment. Ils marchaient vers moi. S'avançant lentement. Comme des hyènes. Qui regardent leurs dîner vivant une dernière fois. Ils ne sont plus très loin. Que va-t-il arriver ? Quatre mètres. Je fronçais les sourcils. Mes yeux priaient intensément. Mon corps se crispait. Les larmes ruisselaient abondamment le long de mes joues. Trois mètres. Mes mains venaient entourer mes genoux de toutes leurs forces. Qu'elle va être la fin de l'histoire ? Deux mètres. Serais-je la victime ? Que va-t-il rester de moi après ? Je fermais mes yeux de toutes mes forces. Un mètre. Alors ça n'arrive pas qu'aux autres finalement ?
À ce moment précis, je réalisais qu'il allait se passer quelque chose de grave et que je ne pourrai pas y échapper. Les hommes s'étant baissés, ils n'étaient plus qu'à quelque centimètres de moi. Je rouvrais les yeux et mon regard tomba sur un des hommes. Son regard, à lui, n'était que désir, sadisme et cruauté. Son sourire n'arrangeait pas les choses. Il transpirait la perversion. Tous en lui indiquait du crime qu'il allait commettre quelques minutes plus tard. Soudainement, deux des trois m'attrapèrent. Je paniquais, je me débattais. J'hurlais à la mort, leur ordonnant de me lâcher. Immobilisée au sol, je rendais difficilement coup pour coup. En vain. Ils étaient trop fort pour moi, pauvre brindille que j'étais. Ils n'arrêtait pas de lâcher des phrases injurieuses et complètement choquante. Je pleurais et criais de toutes mes forces alors qu'ils enchaînaient les coups sur mon corps.
Les larmes coulaient en torrent sur mes joues rouges et bleues quand ils me déchirèrent mon pauvre gilet. J'écarquillais les yeux, terrorisée par la suite des événements. Lorsque l'un d'eux passa la main sous mon soutien-gorge, je secouais la tête, me débattant avec acharnement. Mais c'était peine perdue, à trois contre une, la lutte était totalement disproportionnée. Celui qui me tenait avec force le bras gauche glissa sa main dans ma culotte et je hurlais soudainement. Non ! Surtout pas ici ! Une main remonta le long de mon cou, qu'elle agrippa fortement, me coupant la respiration pour quelques secondes qui me parurent affreusement longues. Quand il essaya de m'enfoncer son pouce dans la bouche, je mordis sa main avec une animosité et une haine sans limites. Furieux, il me gratifia d'une gifle d'une force inouï qui propulsa la tête contre le mur. Sous le choc, je tombais dans une semi-inconscience et mes paupières se fermèrent à moitié. Cela du sûrement effrayé mes agresseurs car ils décampèrent en vitesse, me laissant étendue sur le trottoir, presque dans l'inconscience, à demi-nue en plein milieu de la nuit et de nul part.
Qu'avais-je fais ? Était le karma qui me punissait pour le vol du magasin ? Était-ce de ma faute ? Qu'aurais-je du faire autrement ? Qu'avais-je fais ?
Ces questions remuèrent dans ma tête pendant ce qui me sembla une éternité. Ou juste une heure ? Je n'aurais pu le dire. J'étais seule. Perdue. Allais-je mourir ici ? Est-ce que quelqu'un allait me regretter ? Plus les minutes passaient, plus les questions s'entassaient. Dans quelques heures la police allait sûrement me trouver. Serais-je morte d'ici là ? Quel était le mieux ? Mourir ici, seule ? Ou qu'ils me retrouvent ? Mais même dans le flou, je savais. Il fallait mieux que je meurs ici finalement. Je ne voulais pas revivre cet enfer. Ce calvaire.
Alors, en cette nuit sinistre et triste, j'attendais. Je l'attendais elle, la mort. Celle qui m'a tout pris il y a déjà quelques heures, un peu plus tôt. J'allais le rejoindre en fin de compte. Et ça, c'était merveilleux. Mes paupière se fermèrent totalement et une seule question resta malgré tous.
On allait clamer que je n'était qu'une clodo, qu'une SDF. Ce qui n'était, qu'à moitié vrai. Mais, est-ce que, au final, quelqu'un viendrait réclamer mon corps et m'organiser des funérailles décentes ? Ou allais-je finir seule même dans la mort ?