TRISTE CLOWN...

rocco-souffraulit

Monsieur loyal, royal, élogieux,
Sous les yeux des spectateurs,
Au milieu d'une piste où se posent
Les regards remplis de féeries
Pour pouvoir le voir au mieux
Comme les étoiles la nuit tombant
Sur deux tourtereaux adolescents,
Annonce la liste des artistes
Du divertissant programme prévu
En le ponctuant par le plus attendu,
La seule star à la chevelure crépue
Qu’il faudra applaudir sans retenue
Sous peine de ne pas le voir venir.
Maintenant, le chapiteau s’obscurcit
Et langoureusement, le projecteur
Lèche la petite scène pour avertir
Qu’il faut se taire, chut, le héros
Va démarrer son grand numéro
Dont il connait par cœur le scénario
En empruntant le long tapis rouge.

Le grand pitre qui est censé faire rire
Avec son nez en mousse qui le sert,
avec son nœud papillon qui le dessert
Et ses longues chaussures à carreaux,
Laisse place à un très grand guignol
Qui insiste largement sur ses gaudrioles,
Pour le moindre plaisir des enfants,
Plus épatés encore par ses calembours
Ponctués de grands coups de tambours
Que par les énormes éléphants,
Les guépards et les vautours,
Les danses alambiquées des serpents
Ou les gros lions au crocs intimidants
Car devant les animaux sauvages
Les enfants se tiennent très sages,
Ils se tiennent tous à carreaux
Pour marquer le plus grand des respect
Et surtout par peur de se faire bouffer,
Mais ils se lâchent dans le chapiteau,
Dès qu’entre le clown au cerceaux
Car c'est vraiment lui le plus beau.

Une fois que le spectacle se termine,
le clown retourne dans sa loge pourrie
En s’accaparant pour lui un public conquit
Où se lèvent aussi les enfants ébahis
En le saluant très chaleureusement,
En lui glissant des bravos innocents
Comme une rose sur une fille en larme,
Lame de l'arme d'un chevalier servant
Pour lui ouvrir son cœur en prétextant
Que c'est pour accomplir un rêve,
Le clown aime accomplir cette trêve,
fâché pas l'hostilité des gens avoisinants
Devant lesquels il reste impuissant.
Il aime être couvert de remerciements
Même si sa vie pour parler poliment
Est au firmament de la réussite
Alors il n'hésite pas, il en profite,
Il profite car il parait que les années
Passent vite alors oui, il veut y aller
Dans ce cirque pour se faire apprécier
Quand dehors il sait se faire détester.

Il parait que c’est juste un imposteur
Comme disent tous ses détracteurs,
Il est là, seul, essuyant les pleurs
D’un gros cœur remplis de peur.
Il Enlève son masque poignant
Pour y laisser un visage marquant,
Rayé, traçant chez les grands enfants
Les plus vieux souvenirs terrifiants
Usant en remontant avec le temps.
Il fond sous cette lourde chaleur
Des étoiles des petits projecteurs,
De cette glace qui éclaire son visage,
Triste mine, dégoulinant de sueur,
Avec ces aisselles touffues en âge
Sous son costume lamentable,
Il sait que sa vérité est minable
Les pieds marinant dans un potage
Dans ses chaussures inconfortables.
Il prend du coton et se démaquille,
Enlève ses fripes, ses bas-résilles
D’où sortent des paquets de poils,
Qu’il avait mis pour un numéro
Prévu dès la levée des rideaux
Après que le bon monsieur loyal
N’ai fait honneur à son show
Et discrètement mettre les voiles.

Après être sorti de son boulot
Payé pour épater les marmots,
Part tuer un fond de vieux Porto
Et vomir, dans les caniveaux,
Seul, tout le monde s’en fou
Alors quitte à finir dans la boue,
Autant aller faire le nécessaire
Parce que c’est aux vestiaires
Qu’il se vide de toute sa haine,
En remettant sa tenue de scène
Et devenant le clown magique,
Articulé autour de ces mimiques
Pour épatés encore et toujours
Ceux qui lui montrent leur amour,
Si monsieur loyal sait être royal
Pour annoncer avec démesure
Un clown farceur, cet artiste
Qui sait donner vie à une piste,
C’est la réalité qui reste déloyale,
Car c’est ici, sous ce chapiteau
Qu’il est seulement le plus beau
Car dehors il ne peut rien faire,
Juste souffrir et puis se taire.

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