Tu danseras dans ma main (2)

Sarah Clam

2. L'art D'épier En Toute Indiscrétion

Yoan 
"Enlève ton soutien-gorge." m'entendis-je lui dire.

Je la vis serrer ses jambes puis s'exécuter. Elle glissa les mains dans son dos sous son haut violet. C'était si facile. J'étais fasciné.

Le soutien-gorge noir bordé de dentelle mordoré pendait entre ses doigts.

Je m'avançai d'un pas et attrapai le col de son haut, heureusement souple et élastique. Je tirai dessus, vers moi, et j'entendis Laura soupirer, à peine. Je me penchai au-dessus d'elle et baissai les yeux afin de profiter de la vue. Sa poitrine formait un léger renflement, ses bouts de seins rose foncé s'érigèrent sous mes yeux. Ouais je l'avoue, la vue était tripante.

Après en avoir pris plein les yeux je relâchai son col à contrecœur. 
Ça suffisait. Pour aujourd'hui en tout cas. J'en avais assez pour me... m'occuper toute la soirée.

Et puis, j'avais du mal à croire ce que je venais de faire. J'étais stupéfait de mon état d'excitation, de mes actions, de mes mots, de mon attitude, bref, de tout ce que j'avais fait et qui ne me ressemblait tellement pas. Et pourtant, je ne ressentais pas une once de regret et me sentais tout à fait à mon aise.

Laura aux jambes flageolantes se retenait aux branchages de la haie. Je passais près d'elle et m'éloignais, satisfait de ce sentiment d'intimité et de liberté. La sentir si réceptive me faisait sentir incroyablement bien.

Finissant de détacher mon vélo, je rentrai chez moi, la tête remplie de monticules rosés, d'yeux gris, éclats de lumière entre de longs cils noirs ; ne perdant pas de temps sur la route tellement j'avais hâte d'être seul avec moi-même.

Laura
Nous sommes mercredi. Nous n'avons cours que le matin.

Je repense aux événements d'hier. Tout était si parfait. J'ai existé sous ses yeux, il m'a acceptée. Et il m'a donné la meilleure chose qui ne me soit jamais arrivée : il a choisi de me regarder, d'accepter ce que je lui ai donné. Quelle joie !

Hier, le retour à la maison où j'habite a été plus simple que d'habitude. Il a suffi que je repense à son regard plongeant dans mon décolleté pour oublier la présence de Jean dans la cuisine. Il m'a suffi de repenser à notre complicité partagée, pour couvrir le son de la voix dérangée de Sébastien, le soir.

Nous sommes en classe d'anglais. Yoan est placé derrière moi. J'ai encore les yeux brillants et des chatouilles au ventre suite aux événements d'hier.

J'aime à croire qu'il m'observe et chacun de mes gestes lui est destiné. Je repousse mes longs cheveux sur l'arrière de ma nuque, puis les dégage lentement sur mon épaule gauche. Je me mets de profil, et pose le bout de mon stylo sur ma lèvre inférieure, la bouche entrouverte. Et la chaleur et les battements de mon cœur suffisent à me combler, momentanément.

J'espère qu'il va revenir vers moi. Bientôt.

Plus tard, à midi, les cours se terminent. J'ai prévu de m'acheter un sandwich et de traîner dans le square au cas où il y aurait quelque chose à voir.

Il fait beau en ce mois de mai et j'aime ce square construit sur des ruines de remparts, à plusieurs niveaux, dans lequel il est facile de trouver des bancs à l'abri des regards avec une vue imprenable sur les couples de lycéens, les mamies à pigeons, et les gars louches du coin. J'aime me perdre dans l'observation de la vie des autres en général, et de celle de Yoan en particulier. Pour ne rien gâcher, Yoan traîne aussi assez souvent dans le coin avec ses potes ou sa copine.

D'ailleurs le voilà qui arrive. Il vient d'entrer dans l'enceinte du square par l'entrée de derrière sur laquelle j'ai une vue d'ensemble.

Je m'apprêtais à rédiger des fiches de révision mais ça attendra. Voyons voir, il est avec Claire, sa copine. Ils se dirigent vers le bas du square, là où les bancs sont placés entre de hauts marronniers. Les lieux sont déserts en ce début d'après midi. Ils seront tranquilles. Je rassemble mes affaires et me lève pour avoir un bon point de vue.

Une fois installée, j'observe Yoan et Claire. Ils s'embrassent. Je vois l'œil de celui qui voit mon œil, dit-on. Je ne suis donc guère surprise quand je croise le regard de Claire malgré la distance. Mon cœur s'emballe, j'espère qu'elle va prévenir Yoan de ma présence car il ne m'a toujours pas vu.

Je la distingue parler à Yoan qui se retourne à son tour et me repère, puis dit un truc à Claire qui esquisse un sourire. Le baiser reprend plus passionné que jamais. La main de Yoan glisse sous le haut de Claire et caresse doucement ses seins. Je suis hypnotisée.

Je ne vois que son dos, mais je sais qu'il sait que je le regarde. J'en glousse de plaisir et ressens le pincement familier de l'excitation.

Après de longues minutes intenses de baisers langoureux, vécues comme si j'y étais, le couple se sépare enfin.

Je décide de m'éclipser et choisis un autre banc face à l'abbaye abandonnée, afin d'avancer dans la rédaction de mes fiches. Je finalise également le plan de ma dissert' en histoire géo. Il est quatre heures de l'après-midi, et je m'apprête à relire mes notes de physiques. D'ici quelques heures il sera temps pour moi de prendre le chemin de la maison où je passe mes nuits.

Yoan
"Elle me fait flipper." me dit Claire. "C'est quoi ça ? Pourquoi elle nous fixe comme ça ? "

"Ouais t'as raison, c'est une tarée." lui répondis-je. Je n'étais pas sûr de le penser mais je voulais que Claire se taise. "Peut-être qu'elle a le béguin pour toi ?" dis-je en rigolant. Claire sourit puis je l'embrassai.

Je ne pensais qu'à L'aura, derrière moi. Son attitude ne ressemblait pas à celle des autres filles. Je concevais mais ne ressentais pas cette haine ou cette peur qu'elle inspirait aux autres. Aussi déphasée était-elle, j'étais juste intrigué, attiré. Impatient même de voir de quoi elle était capable, de quoi nous serions capables dans cette relation sans obligation, sans attente, sans jugement. Je le sentais, elle n'était pas dans la demi-mesure et clairement j'avais envie de m'y mesurer. C'était peut-être le truc qui aurait dû me faire peur.

Vers quatre heures, Claire partit rejoindre ses copines au café du coin de la rue.

Je me décidai à chercher Laura. Si je ne me trompais pas, elle ne devait pas être loin. Elle s'était éclipsée quand Claire et moi avions fini de nous embrasser et que nous étions allés nous promener dans la vieille ville.

Était-elle jalouse ? Non je ne le croyais pas. Laura n'était pas comme les autres. Elle me voulait, dans l'absolu, sans s'occuper des interférences, de manière égoïste. Et moi j'avais adoré me donner en spectacle sous son regard fixateur.

Je la trouvai sur le banc près du bâtiment abandonné. Je connaissais une entrée cachée à ce bâtiment...

Je m'approchai d'elle et me positionnai en face d'elle, debout, la dominant. Lentement, ses yeux brillants remontèrent vers mon visage. En silence, nous plongions dans le regard l'un de l'autre.

"J'ai besoin d'une confirmation." lui dis-je. Je continuai : "Je peux faire ce que je veux avec toi ?"

La respiration courte, Laura hocha la tête vers le bas.

"Comment savoir où je dois m'arrêter ?"

"Tu n'arriveras pas à atteindre mes limites." répondit-elle d'une voix rauque et affirmée.

"Je t'ai posé une question. Répond et ne discute pas."

"Ok. Je serai à ma limite si je dis Bérénice. Si je ne suis pas en mesure de parler il faudra trouver autre chose." dit-elle d'un ton suggestif, qui déclencha immédiatement chez moi une avalanche d'idées plus exotiques les unes que les autres, mais aussi terriblement excitantes. Le sado masochisme ne m'a jamais attiré. Le cuir, les bougies c'est pas mon truc. Mais quand je regardais Laura, j'avais juste envie de lui faire des tas de choses, comme hier. Juste avec Laura. Avec elle et pour elle. Et il était indéniable qu'elle appréciait d'être... ma chose.

J'étais tellement excité maintenant que je fis un signe vers ses affaires pour qu'elle les range et me suive.

Obéissante, elle me suivit tandis que je me dirigeai à l'arrière des cyprès, puis ouvrai le portillon qui mènait aux jardins de l'abbaye. Il suffisait de soulever la porte sur ses gonds en remuant le loquet pour la déverrouiller. Une fois dans les jardins privés et en friche, nous étions à l'abri des regards, cachés par les murs de l'enceinte en pierre.

Elle était debout face à moi. Attentive et patiente. Je décidai de soulever ses cheveux pour dégager son visage. Je pris mon temps pour enregistrer chaque détail.

Laura 
Il m'a à peine effleuré et je suis déjà en flammes. Des larmes d'impatience piquent mes yeux. Je suis dans un état euphorique, très loin de la réalité, et pourtant tout cela est bien réel.

Brusquement, il déboutonne mon pantalon et le baisse jusqu'à mi-cuisses. Puis il passe dans mon dos mais je sais que je ne dois pas bouger. Puis, fermement, il me pousse dans le dos.

"Tes mains, sur le mur."


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