Tu danseras dans ma main (8)

Sarah Clam

8. Tirés par des fils

Pousse-moi
Puis touche-moi 
Jusqu'à ce que je sois moi

Dans mon enfer, tu es ma lumière, 
Et dans ma nuit, mon paradis.

Je suis un cube, de mes facettes masquées, tu ne verras qu'un carré.

Emprisonne-moi, pour me libérer, car dans mon enfer, tu es ma lumière.

De mes facettes masquées, tu ne verras qu'un carré,

Et dans ma main tu danseras 
A la manière d'un pantin.

- Et dans ma main tu danseras
A la manière d'une marionnette en bois."

*****

Yoan 
Exigeante Laura, qui me confiait son corps, en quête de réconfort.  Je me penchais vers elle, lui mordillant l'oreille.

- A genoux." lui soufflais-je.

Ses cheveux dans mon poing, et comme dans mes rêves, je vis ses yeux s'humidifier. Un gémissement entre inconfort et expectative s'échappa de ses lèvres entrouvertes, à l'invite. J'y répondais par un baiser morsure à la mesure de mon désir.

Puis Laura glissa au sol, ses mains sur mes genoux, ma main crispée dans ses cheveux, ma bouche collée à sa bouche.

La lâchant, je me reculai, prenant appui de mes deux mains sur le muret, pour la regarder de haut, sourire en coin, et lui dis d'un ton distant : "Je t'en prie, défais mon pantalon." Je fis un geste vers mon entrejambe.

Laura ouvrit ma braguette, libéra mon sexe. Ma main revint se poser à l'arrière de sa tête et l'encouragea, en douceur, à venir vers moi.

Et je fus dans sa bouche. Putain que c'était bon ! Comment j'avais pu vivre sans ÇA ? Je fermai les yeux sous le choc, parti à l'exploration d'un autre monde.

Caresse audacieuse, impudique, presque interdite. Douceur et humidité intime. J'étais dans sa bouche, putain !

Sa tête cédait sous la pression impérieuse de ma main, un noeud de ses cheveux entre mes doigts crispés. Plus, plus, j'en voulais plus. Plus profond, encore.

J'entrouvis mes paupières, curieux. Dingue ! Qu'est-ce qu'elle me faisait pour que ce soit si bon ? Et je les refermai aussitôt, de peur d'exploser dans l'instant. Beauté sublime.

Dans un sursaut de volonté, j'attrapai Laura aux épaules et l'eloignai de moi. Ma respiration rauque, erratique, je regardai au fond des yeux cette femme dangereuse pour mon self-control.

Ses pupilles dilatées, brillantes, son souffle court, me renvoyait l'image de mon propre désir, brut, exponentiel. Dans une spirale montante ou descendante, vers quoi ? Plus je me noyais dans son image, plus je la désirais et l'aimais.

Elle me reprit, je disparus, tendu, tendu, putain ! tendu.

Puis je lâchai tout, vaincu, c'était fini, mon corps détendu.

J'ouvris les yeux quand Laura se dégagea et je la vis faire la chose la plus provoquante qui m'ait été donné de voir : ni détournement de tête cachottier, ni crachat écœuré, juste un truc entre les deux, laissant couler mon sperme sur son menton qu'elle relevait fièrement.

Quelques secondes plus tard elle s'essuyait à l'aide d'un mouchoir en papier, dûment préparé.

- Laura..., dis-je avant de la prendre dans mes bras enfouissant mon visage dans son cou, ému.

L'expérience était surdimensionnée par rapport à mes attentes. Autant vous dire que cela reste un des meilleurs souvenirs de ma vie.

Je crevais d'amour pour elle et la serrais fort dans mes bras, la remontant sur mes genoux.

- Rien à redire. C'était parfait Laura. Vraiment parfait...", soufflais-je lui caressant doucement ses longs cheveux emmêlés. "A ton tour !"

Elle rit et c'était plaisant à entendre.

Je la fis jouir comme elle le méritait.

*****

Plus tard, nous decidâmes d'explorer l'abbaye dont nous ne connaissions qu'une partie des jardins à l'abandon.

Laura 
Nous marchons dans les jardins d'herbes sauvages, autour du bâtiment sans âge.

Je dois parler à Yoan. Je ne sais pas bien comment aborder le sujet, mais il va falloir que je me lance... Je ne veux plus qu'il s'approche de ma famille. 

Yoan n'est pas trop perspicace, ni curieux... Ou peut-être qu'il est trop respectueux ou désintéressé... Ou alors peut-être qu'il manque de maturité et d'expérience...Peu importe finalement. Son esprit doit rester éloigné du bourbier qu'est ma vie, pour lui, pour moi.

Trop d'erreurs ont été commises mais la lumière et la noirceur ne peuvent pas et ne doivent pas être mélangés.

Parlant de tout et de rien, surtout de rien, le silence étant parfois un bien, je me lance :

- Yoan, je peux te demander un truc ? C'est au sujet d'Annette. 
- Annette ?

Merde, concentre-toi, Laura.

- Oui, repris-je. Ma mère. 
- Ah oui, je l'ai rencontrée hier." dit-il sur un ton mal à l'aise qui me met sur le qui-vive. "Elle m'a dit que tu dormais. Que je ne pouvais pas te voir. 
- Mmm... Oui. Hier j'ai dormi. Est-ce que... Est-ce qu'elle t'a dit un truc bizarre ?

Mince, la question est sortie toute seule. S'il s'est passé quelque chose de louche, comme je le pressens, je viens de mettre le doigt dessus. L'esprit de Yoan pourrait s'y poser.

Yoan s'arrête de marcher pour m'observer. Il hésite, se repasse les évènements dans la tête.

- Euh... Maintenant que j'y pense, elle m'a dit d'éviter de te voir. Bon on va dire que c'est foutu pour aujourd'hui !

Yoan rit. Je suis mortifiée. Il se tourne vers moi, et me demande l'air soudainement outragé :

- Non mais sérieux, c'est quoi son problème à ta mère ? Limite si elle ne t'a pas insulté... 
- J'ai des relations compliquées avec elle... A ce sujet, je voulais te demander de ne plus venir chez moi. Il n'y a pas qu'elle. Mon père, mon frère ne seront pas franchement accueillants non plus. Même carrément désagréables, si tu vois le genre... 
- Je ne vois pas non... Tu peux développer ? 
- Non.

Yoan soupire de frustration.

- Merde Laura. C'est quoi le problème. Si tu continues comme ça je vais imaginer le pire.

J'ai envie de lui dire. "Vas-y, pense le pire. Et puis après rajoute une grande dose des plus tordues de tes idées, et peut-être que t'arriveras à la cheville du monstre qui vit en moi." Mais non, je ne peux pas. Même moi je n'ose pas ouvrir cette porte et regarder en face ce qui se trouve derrière. Je sais juste que c'est affreux, qu'il ne faut pas y penser, encore moins commencer à en parler.

Après mon silence, il reprend, résigné :

- D'accord, ne dis rien. 
- Et ne viens plus chez moi, d'accord ? 
- Ok, c'est bon j'ai compris !" répond-il énervé. "C'est vraiment bizarre tu sais ? J'suis juste venu t'amener les copies des cours. Je voulais te voir parce que j'étais putain inquiet. Tu ne répondais pas au téléphone, merde ! Et là, tu me fais sentir comme si j'avais fait un truc pas honnête ! 
- Yoan... Je suis désolée... C'est moi qui merde, c'est ma vie qui merde...

Yoan souffle de dépit. Il me demande : "Que t'est-il arrivé, Laura ? Tu étais malade encore hier."

- J'avais mal au ventre. Ça va maintenant.

Yoan ne répond rien. Pas sûre qu'il m'ait cru, mais je ne veux pas lui mentir. Je suis contente qu'il ne me pose pas plus de questions. Peut-être que mon rêve finalement réalisé d'aimer et d'être aimée, devra retourner au pays des songes. Mais la balle n'est pas dans mon camp.

A la fin de l'après-midi, chacun repart chez soi. Le poids des non-dits gâchant la joie des retrouvailles que nous avons réussi, à mi-chemin de notre rencontre, à obtenir.

Yoan
Je me sentais rejeté, confus. Cette fille, elle s'était offerte à moi sur un plateau bien alléchant. Je m'étais senti flatté, adoré, et ça faisait pas de mal.

Je me sentais idiot. Idiot de ne rien comprendre, idiot face à toutes ces cachotteries, pris pour un idiot. J'aurais pu faire la gueule, ça aurait été un comportement de gamin. J'étais un gamin mais je voulais être grand.

J'étais en colère. Et je la ravalais.

Laura, me poussait à mûrir. Un peu. J'avais pas envie de lâcher l'affaire. C'était bien la première fois que je me sentais intéressé, vraiment intéressé. Peut-être que nos jeux sexuels m'avaient fait grandir d'un coup. Un peu.

Laura m'écrivit le dimanche. Petit texto, pour me dire de la rejoindre au parc si le cœur, la tête et la queue me le disaient. Pour faire des révisions et jouir de quelques récréations.

Nous avons évité soigneusement les sujets qui fâchent. Pas de questions et toujours pas de réponses.

Nous avons même rigolé, joué un peu à la balançoire, comme des gosses, fait un tour du côté de l'abbaye.

La première moitié de la semaine au lycée s'est passé tranquillement. Libre de ma relation avec Claire, Laura et moi nous sommes affichés sans complexe. Les mecs et nanas de la classe étaient surpris mais on ne leur a pas demandé leur avis.

Le mercredi midi nous avions décidé de manger chez moi. C'était la première fois qu'elle venait. Les choses évoluant très vite, j'espérais beaucoup de ce moment intime. Dans ma chambre. J'en frétillais, empli d'anticipation. Mes doutes volontairement refoulés.

C'est ce moment qu'il choisit pour faire son apparition. A la sortie de notre lycée, il l'interpella : "Hey ! Laura." 

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