Tu danseras dans ma main (9)

Sarah Clam

Fake

Yoan
Alors que Laura et moi franchissions les limites du lycée, un inconnu nous interrompit : "Hey ! Laura."

Le temps que je me retourne vers la personne qui avait parlé, Laura avait lâché ma main. Un garçon de notre âge se tenait à quelques mètres de nous. Il souriait, son regard curieux passant de moi, à Laura, à moi.

Je me tournai vers Laura, surpris, car je ne lui connaissais pas d'amis. Laura, blême, secouait la tête. Silencieusement, elle disait "Non, non, non."

A voix haute, se reprenant, elle s'adressa dans un souffle au nouveau venu : "Qu'est-ce que tu fais là ?"

Je regardais à mon tour le jeune homme toujours souriant. Il répondit : "Ah Laura, ça fait longtemps que nous n'avons pas fait une sortie ensemble. J'ai pensé te faire une petite surprise, et t'emmener boire un coup ?"

Laura ne répondit pas. Il reprit, me regardant cette fois, un sourire éclatant au lèvres : "Mais peut-être que je tombe mal ?"

J'allais répondre que oui, quand il me coupa, me tendant la main pour me saluer : "Sébastien, le frère de Laura."

Décontenancé, je lui rendis sa poignée de main : "Yoan, un ami de Laura."

Il rit de manière impromptu puis dit : "Enchanté de te connaître Yoan. Et si on allait boire un pot pour discuter un peu. Allez, Laura, fais pas la gueule ! Tu sais bien que tu ne peux rien me refuser." ajouta-t-il avec un clin d'œil.

Je me tournais vers Laura. Elle le fixait la mine fermée mais répondit néanmoins : "Ok, allons-y."

Nous partîmes donc tous les trois en quête d'un café sympa dans le centre-ville. Sur le chemin, Sébastien faisait la conversation pour trois, parlant cinéma, musique et de la vie dans son propre lycée technique. Il me posait des questions de temps en temps sur mes hobbies ou me demandait mon avis.

Au début, je n'étais pas spécialement heureux de cette tournure d'événements qui contrecarrait mes plans pour la journée. Mais Sébastien était plutôt agréable, volubile mais agréable. Je ne m'y attendais pas et étais agréablement surpris, car Laura avait sous-entendu qu'il était tout le contraire.

Laura 
Dans mes oreilles, le bourdon de mon sang bouillonnant résonne.

Marcher, un pas puis un autre, ne pas oublier de balancer les bras, comment fait-on déjà ?

Je sais pourquoi il est là. Il a entendu Annette parler de Yoan. Comme moi, Yoan est déréglé, obsédé. Nos âmes détraquées peinent à s'adapter à la normalité. Nous nous débattons chacun de notre côté, un enfer en commun, experiences partagées pas toujours du même côté.

La chaîne qui nous lie le rend esclave tandis que je tire et saigne pour ma liberté. Ce qui nous sépare et ce qui nous unit, ce qui nous fait survivre et mourir à petit feu.

Il parle à Yoan. Je n'écoute pas ce qu'ils disent, enfermée dans mon esprit hurlant sa malchance et rempli de pitié pour moi-même. Abattue par le sort, je me laisse entraîner, lassée, perdante.

Nous nous installons à une terrasse de café. Pourquoi les tables sont rondes ? Non, je ne veux pas m'asseoir à côté de lui. J'ai la nausée. Je tire ma chaise et la rapproche de celle de Yoan. Pas trop discrètement : Sébastien me jette un regard narquois. Son attitude suffisante m'exaspère. Je baisse les yeux et examine attentivement les motifs de la table en formica.

Sébastien commande un demi et un soda pour moi, Yoan prend une bière.

Sébastien relance la conversation dans un sens moins unique. Il nous a ferrés, et il en profite :

"Alors, vous sortez ensemble ?", demande-t-il.

Désolée Yoan, j'ai déjà joué à ce jeu et l'ai perdu trop souvent... Devant mon mutisme et ma mine boudeuse, Yoan, que je sens décontenancé, répond à Sébastien : "Nous sommes amis."

Tiens, bien fait pour Sébastien. S'il pensait gagner la confiance de Yoan avec un simple babillage, il se trompe. J'ai mis des mois à arriver là où j'en suis. Yoan est un roc, il a confiance en lui et en son instinct. Et Sébastien n'est pas quelqu'un qui inspire naturellement la confiance. Ce sourire plaqué sur ses lèvres...

Sébastien rit puis reprend : "Tu ne me la feras pas ! Je n'y crois pas une seconde ! Je connais ma sœur, pas d'amis, ni d'attaches, à moins que cela ne soit très important pour elle... Et donc pour moi. ", ajoute-il avec un clin d'œil à mon intention.

- Pour toi ? En quoi est-ce que cela te regarde ?", demande Yoan. "Si je puis me permettre ?" ajoute-il comme pour adoucir le ton de sa question.

Je gratte une tâche persistante sur le dessus de la table et me cache derrière un rideau de cheveux pour masquer le sourire qui pointe sur mes lèvres. Je sais que je vais le regretter plus tard, mais c'est trop bon. Quelqu'un de mon côté. Quelqu'un qui me défend. Je jette un coup d'œil à Sébastien.

Son sourire est retombé, le visage menaçant, il me fixe quand il répond : "Je veille sur ma sœur. Je veux qu'elle pèse ses décisions et réfléchisse aux conséquences de ses actes."

Mon vague sourire est retombé. Je suis dans la merde, mer de boue, marais puants, nauséabonds, au moindre mouvement de résistance, ils m'enserrent un peu plus.

Je tourne légèrement la tête vers Yoan. Le visage dur, il observe mon frère, mon ennemi, et l'affronte du regard. Un voile de sueur recouvre son front. Il ne fait pas si chaud que ça, et sa bière est à peine entamée. Je devine qu'il sent, comme moi, le danger.

- Quels actes ? demande Yoan.

En un instant Sébastien applique son masque de fausse hilarité. "Ah, tu sais, c'est une fille. Si vous niquez sans protection, elle pourrait se retrouver avec un nain dans le tiroir !" Quel con, il se marre maintenant, comme s'il venait de faire une bonne blague. N'en pouvant plus, je me lève brusquement, et entraîne un Yoan interloqué et choqué loin de la terrasse. Le rire de Sébastien résonnant dans mes oreilles comme un acouphène persistant.

Yoan
J'étais abasourdi par la scène surréaliste que nous venions de vivre. Jusqu'alors, la vie m'avait préservé de toute excentricité. N'ayant connu que des propos modérés, j'étais engagé dans des relations socialement normées. Je me sentais perdu dans le monde acide et sulfureux de Laura et de son entourage.

J'arrêtais notre fuite dans une ruelle un peu plus loin, à un angle de rue de l'avenue passante de notre ville.

Avant que je puisse dire quoi que ce soit, Laura se jeta dans mes bras, son corps ferme et chaud sur mon torse, ses lèvres écrasées sur ma bouche, douloureusement, passionnément. Ses joues étaient humides de ses larmes. Elle cherchait du réconfort, et moi j'étais trop heureux de pouvoir le lui offrir. Je la serrais fort contre mon corps, les sensations déferlant sur ma raison et mon besoin d'explications.

Malgré moi, mon corps réagissait, douloureusement, mon désir me faisait mal, et Laura se frottait sur moi. Langoureuse et irrésistible Laura.

L'entraînant sous une porte cochère, je la pressais dos au mur. Ma main glissa sous sa jupe, et Laura monta ses cuisses sur mes jambes. C'était dingue, j'avais oublié où nous nous trouvions, n'ayant que faire du monde extérieur, absorbé par cette chaleur.

Je souffrais dans mon pantalon maintenant étroit et de ma main droite, me libérai.

Mes doigts reprirent leur chemin entre les cuisses de Laura et sans ménagement écartèrent le tissu de sa culotte sur le côté. Je plaçai le bout de mon sexe sur son intimité.

Je lui posai la question d'un regard. "Je prends la pilule" murmura-t-elle pour réponse, puis elle se cambra, me faisant glisser sur son humidité avant de s'empaler, gémissante à mesure que j'occupais tout l'espace en elle.

Nous ne nous quittions pas des yeux, même lorsque nous mêlions nos langues.

Elle avait besoin de moi et j'avais besoin d'elle. C'était la vérité, notre vérité.

Une fois calé au fond d'elle, je bougeais avec une faible amplitude, ma place était là au plus proche, ancré tout au fond d'elle. Et pour rien au monde je ne voulais m'en éloigner.

L'étreinte fut rapide, fusionnelle, libératrice. Je sentis Laura se contracter, déclenchant mon propre orgasme. Silencieusement intense.

Sans prendre le temps de souffler, je m'empressais de rendre notre situation convenable puis la repris dans mes bras.

Sous la porte cochère d'une ruelle peu fréquentée, encore insouciants, nous profitions de moments de tendresse partagés.


  • Une histoire si bien tournée que j'ai lu les 9 épisodes à la suite. Les personnages sont intéressants et bien campés. On devine l'enfer vécu par Laura, mais il est juste suggéré, jamais révélé. Bravo et merci pour ce bon moment de lecture.

    · Il y a environ 5 ans ·
    Default user

    papatangocharlie

    • Merci ! Je ne m'attendais pas du tout à un commentaire aussi sympathique ! Du coup je suis motivée. J'ai repris l'écriture. Merci encore

      · Il y a environ 5 ans ·
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      Sarah Clam

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