Un amour de fantôme
marian-coursoivier
Pour fuir ses sombres pensées, une jeune femme, intemporelle, s’éprend d’un fantôme fantasmagorique. Les bonnes gens voient cet amour d’un mauvais œil et veulent le faire disparaitre. D’après eux, il nuit à la jeune fille. Qu’en est-il vraiment ?
Fantasmes : (n.m.) Représentation imaginaire qui permet à une personne des scénarios plus ou moins obscènes, en fonction de ses désirs refoulés ou secrets. Le fantasme reste un stimulant efficace lorsqu'il n'expose pas le rêveur à des scènes qui deviennent obsessionnelles et qui nuiraient à son épanouissement social.
Mon ami le plus fidèle est un fantôme. Plus qu’une figure dans mon paysage, il correspond au point focal de mon esprit. Toujours auprès de moi, mon regard fuit vers lui. Plus que mon soutien, il correspond à la fondation de mon être. Jamais n’ont fléchi mes sentiments envers lui.
Flavien reste et demeure le fil conducteur de ma vie. Je l’ai rencontré un soir entre l’automne et l’hiver. Un flocon passait devant mes yeux alors que frileusement je filais à travers la nuit froide. Lui, se tenait là, devant la fine embrasure de cette porte. La lumière frémissante des luminaires des fêtes de fins d’année floutait les expressions de son regard.
Furtivement, sa tête s’inclina vers moi, ses yeux effaçant mes sombres pensées du moment. Son sourire griffe ma peau d’un souvenir funeste. Je suis marquée par la flagrance de son parfum lorsqu’il attrape ma main. Je remarque que dans l’autre est glissée cette cigarette qui m’enflammera mes sens jusqu’à la fin. Il insère le filtre entre ses lèvres. Un feulement s’échappe de sa gorge alors que ses doigts caressent ma joue comme un maitre façonnant son œuvre. De nouveau un sourire, une bise fugace et il me défait de son influence. Mais je fonce tête baissé sous le faîtage de la porte. Il saisit de nouveau mes doigts frigorifiés pour finalement m’étreindre avec force. Tu n’es pas comme ces félons qui fabriquent des faux frissons aux femmes. Ta frimousse m’apparait en filigrane de douceur. Ta bouche file sur mon cou. Mon regard s’affaisse de désir sur la douce fumée de la cigarette tombée au sol qui s’effiloche dans l’air frigide de la cour.
Janvier. Flavien Faust. Comme un enfant entend les clochettes de Noël, je m’étends au son entêtant du prince charmant qui entre dans l’appartement. Et mon sourire est éclatant, comme un soir du vingt-quatre décembre. Il se veut envoutant, frimant sur sa personne. Et moi j’aime ça. J’oublie ses comportements à la limite du dégradant. Moralement, il est choquant mais quel bel amant ! Penser ne devient qu’enivrement des sens lorsqu’il m’emprisonne de son étreinte. La raison s’égare, les enjeux de ma vie disparaissent en même temps que cette réalité. Où est donc cette ancre qui me retenait à elle ? Envolée, comme le reste de mes pensées. J’avais voulu oublié, je ne fait que sombrer profondément dans l’abysse des amants d’un jour. Navrant. Mais ma vie antérieure ne l’était-elle pas encore plus ? Là, je grandis sous ses entreprises charnelles. Entre nous s’enchaînent les tangos d’envies assouvies. J’ai franchi les limites de l’entendement des Hommes, j’ai perdu l’innocence des enfants. J’enrage contre les engrenages de machination que mes parents élèvent. Mais ils ne pourront rien faire envers et contre toi. On ne peut s’en prendre aux fantômes de l’esprit.
Tempête. Le temps des giboulées n’est pas terminé. Têtu comme tordu, le climat de Mars tend vers les larmes et les tortures. La tentation est emprisonnée. Moi qui pensais être intouchable. Ils m’ont atteint. Terrible traitement qui t’entrave loin de moi. Le carrelage est triste. Grisâtre, il ne fait que me tenir dans la terreur de ton absence. Mon esprit est comme tenture au vent. Je tangue sous la violente intrusion de ses substances étrangères. Ici je ne suis qu’une patiente, atteinte par ses troubles du comportement. Provoqués par toi. Pourtant tu m’aimes. Mais, pour eux, tes sentiments ne sont que des tissus tissés par ma tête.
Ils ont creusé en moi, les discutions avec les spécialistes m’épuisent. Toutefois, leurs paroles me titillent. Et si j’avais tord ? La triste vérité de ton apparition, les circonstances de ta présence… Sont-elles les traces de mon instabilité ? N’es-tu pas l’instigateur du trouble qui s’introduit vicieusement en moi ? Je suis terrorisée. Par toi. Par moi. Un prêtre passe à l’institut de temps en temps. Je l’ai entendu parler de moi. Pourtant, je ne suis pas un être dévoué à un tantra terrible comme il semble le croire. Jamais des mots tendancieux ne s’échappent de ma pensée, et pour cause, je t’aime. Est-ce mal de t’aimer ? La façon de t’étreindre, la passion enivrante de nos tendresses s’opposent-elles à ce dieu dit d’amour ? J’ai peur des mots qu’il introduit dans l’esprit des médecins traitants : trépanation, trou, lobotomie.
J’angoisse. Amoureusement je pense à toi. Attirée par tes marmonnements, je m’attache à tes bras. Finalement la sentence est tombée, mon crâne sera percer. Je ne veux pas abandonner. Je t’aime.
Silencieusement, je me compresse dans ma cellule. L’étroitesse des parois me rassure partiellement. Ils seront bientôt là, séance tenante pour me sectionner le crâne de manière circulaire. Ton absence me tuera. Ou je saurai y mettre fin. Suicide. Si tu n’es dans leur réalité je ferai en sorte que tu sois de ma mienne. Cela sera notre simulacre de vie, loin de ses sombres cerveaux qui ne pensent qu’à ce que l’on devrait être et non à ce que l’on est. Chut ! Ils s’amoncèlent au dehors. Ils soulèvent la poussière des cellules en passant. Saisissant mes bras, ils me translatent dans cette autre salle. Silence. Ca commence.
Flavien est un esprit malin. Flavien mâchouille mon mental. Méchant ! Manant ! Tu ne m’as dis que des mensonges. Monsieur le messager de dieu avait raison. Vilain ! Mécréant. Je me niche loin de tes manigances. Mes méninges ne te laisseront plus manipulé mon esprit ni mes sentiments ! Mmmh au revoir l’ectoplasme !