UN AVEU

Catherine Abanda

nous arrivons enfin sur une cour pavetée. Quelques jouets trainent par ci, par là,  des plantes qui ressemblent à des mauvaises herbes poussent dans certains recoins de la cour, et une grande camionnette blanche, garée devant le portail, bouche de l’extérieur, la vue sur la cour. On peut imaginer au son des voix provenant de l’autre coté de la camionnette, l’attroupement de dizaine de curieux.

-          Se sont des journalistes, nous renseigna Julie.

Anne et moi réalisons notre chance d’être en première loge. Julie se dirige vers une porte devant laquelle il ya  une poussette double. Elle tape si doucement à la porte que je me demande comment l’intéressées allait entendre. Pourtant la porte s’ouvre. Nicole apparait, le visage fermé,  le front plissé, nous regardant à peine. Elle semble impatiente de refermer la porte derrière nous. Nous suivons Julie qui s’engouffre à l’intérieur. Trois enfants  attablés nous fixent comme étonnées par notre présence. Ils s’intéressent peu à Julie qui leur administre un bisou appuyé et chaleureux. Nicole nous invite à nous assoir sur le canapé trois places. Nous nous exécutons, et sortons aussitôt documents, blocs-notes et magneto.

-          Je vous sers du café ? nous propose Nicole.

-          Ho ! oui, un bon café bien chaud ce ne sera pas de refus, répond immédiatement Julie.

-          Oui merci, répond Anne.

Je répète tel un écho un « oui, merci ». Je n’ai pas envie de café, mais j’aurai pris tout d’elle tellement je ne voulais manquer aucune miette de ce qu’elle allait nous livrer. Nicole disparait du salon pour se diriger sans doute dans la cuisine. Les enfants d’environ deux et trois ans, achèvent leur petit déjeuner aidé de « tata » Julie qui apparemment les connait bien. Le salon est chargé de meubles et bibelots. Les enfants en ont fait leur quartier car hochets  et poupées démembrées trainent dans le salon et un panier de linge sec attend d’être repassé. Je comprends qu’elle ne nous accorde qu’une vingtaine de minutes. Julie félicite les enfants qui engloutissent leurs dernières bouchées  à coup d’applaudissement et de « bravo !! ». Elle les descend de leur chaise haute. Tandis que l’un se précipite à la recherche de sa mère, l’autre nous observe toujours curieuse ou interloquée par notre présence. Elle ne parait pas avoir l’habitude de voir du monde. Les deux enfants ont les grands yeux bleus de leur mère. Celle-ci arrive d’ailleurs transportant un plateau de tasses fumantes de café.  Julie se frotte les mains et nous invite   à nous servir. Je saisie ma tasse et en boit une gorgée.

-          Nicole, dit Anne, nous ne nous sommes pas présentées. Je suis Anne et voici Léa. Nous sommes de l’agence (……). Nous avons souhaité vous rencontrer afin que vous nous donniez votre version des faits. Nicole nous regarde à tour de rôle, très attentive, hochant de temps en temps  la tête. Elle a à la fois le regard triste et inquiet d’un enfant qui s’attend à un sermon.

-          Si vous le permettez, nous allons vous enregistrer sur ce magnéto pour n’écrire que ce que vous nous direz. Avant de partir je vous ferai écouter. On commence ?

-          Vous pouvez me tutoyer, répondit Nicole de son air triste et inquiet.

-           !! d’accord, dit Anne qui ne s’attendait ni à l’entendre ni à cette proposition.  Pas de problème… c’est mieux d’ailleurs…. Peux-tu me dire ce qui s’est passé, s’il te plait.

-          je n’aimais pas cet enfant. Dès le début de ma grossesse, je savais que cet enfant n’était pas le mien et qu’il allait nous faire du mal.

Elle parlait, tête basse, jetant de temps en temps un regard vers nous.

-          Il me donnait des coups de pied dans le ventre et il avait tout le temps faim. Il voulait que je mange tout le temps. J’en avais marre de grossir. Je l’observais et la trouvais plutôt très mince pour une femme qui a accouché il y a seulement deux mois.

-          Je ne voulais pas le faire, mais je savais que si je ne le faisais pas il allait nous faire à tous du mal. Alors quand il est venu je l’ai mis dans le froid pour qu’il ne pourrisse pas. Mais mon mari est arrivé et quand il est arrivé et qu’il a demandé ou était le bébé j’ai dit que je ne savais pas …………..

Voilà c’est tout, je vous ai tout dit, rajouta t-elle sans nous regarder. Il faut y aller maintenant, mon mari va bientôt revenir.

Elle saisie le plus petit de ses enfants, le porta sur la hanche et se dirigea vers la porte d’entrée. En bref, elle nous mettait à la porte.

Je bus le reste de mon café encore tiède, tandis qu’Anne enfilait déjà son manteau. Nicole se tenait devant la porte prête à la refermer dès que nous l’aurions franchi.

-          Vous allez le dire à la police ? Nous demande t-elle tout à coup.

Nous nous regardons, embarrassés,  lisant dans nos regards respectifs la non réponse à cette question. Elle nous regarde tour à tour, s’impatientant peut être d’une réponse qui tarde à arriver. Je m’approche d’elle, l’a regarde avec toute la tendresse que sa situation m’inspire.. Cette femme ne nous avait certainement pas fait des aveux  par hasard. Elle attend de nous quelque chose qu’elle ne peut faire seule.

-          Et toi Nicole, lui dis-je, tu veux qu’on le dise à la police ?

-          …….Oui ! me répond-elle sur un ton grave et déterminé.

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