Un barbeuc' entre copines

C'est ce qu'elle m'a dit pour justifier son absence d'hier. J'aurais dû faire gaffe à l'expression "un barbeuc''". C'était pas son style à Mary. Mary, elle, une vraie Sainte ! Si elle revient en cloque à l'appart' et qu'elle me dit qu'elle a croisé un archange en route, je la tue. Putain ! 

Ouais je suis énervé ! Ouais je suis hors de moi ! Ouais ça me... Bordel ! Je ne croyais pas qu'elle me ferait un jour un coup de pute pareil ! Faut que je me calme. Zen Russell... Si t'as un nom de chien (merci maman), ce n'est pas forcément que tu dois montrer les crocs... En même temps, question "Jeff, t'es pas tout seul", mes copains... Ils sont nuls. Et puis ils ne connaissent pas le répertoire de Serge Lama, faut dire. Je leur pardonne. Là, j'ai pas le choix. "Un barbeuc' entre copines"...

- Allez mec, une de perdue, dix de retrouvées !

Lui c'est Seb, mon pote guitariste, amoureux de ses instruments de musique. Pour les meufs, ça passe ensuite. Donc il est célibataire. Et il adore les citations à la con, comme si ça pouvait tout résoudre.

- "A force de tromper ta copine, c'était à prévoir. Les femmes ont des envies, des besoins elles aussi. Elles se doivent d'être en accord avec leur harmonie hormonale. C'est tout naturel. D'ailleurs, j'ai lu dans...".

Lui c'est Julien, l'homo bouddhiste du groupe. Il en faut toujours un dans un groupe de mecs, de pédale. Là, j'avais pas envie qu'il me serre dans ses bras ou qu'il me masse gentiment l'épaule. En toute amitié.

- "Si ça se trouve, il l'a fera même pas jouir. Ce sera bien fait pour sa gueule et elle reviendra toute mouillée de larmes et pas d'autre part, hein...?".

Jonathan, Timothé Patrick Robert. Sa mère est une belle salope parce qu'elle a jamais voulu lui dire qui était Robert. Sûrement pas son troisième grand-père. Mais on se tait sur ce point, vaut mieux. Parce que Jo est du genre à parler avec ses poings après cinq ou six verres. Je le soupçonne parfois de vouloir m'imiter, surtout dans sa façon de parler. Mais je tiens mieux l'alcool que lui. Du moins, c'est ce que je pense depuis que je lui ai interdit de s'en jeter un septième, il y a un an dans un bar qui nous est depuis ce jour prohibé (si je peux me permettre l'expression).

- "Bizarre. Je ne l'ai jamais connue comme ça et...".

Ta gueule Fabio. Fabio, c'est l'ex de Mary. Pas envie d'en parler.

Surtout dans ce cas précis. Bordel, j'ai la rage ! Qu'elle me trompe avec un pote, ouais sauf Julien, passe encore, mais avec un type que je connais même pas ! Là, j'ai les boules ! C'était quoi ? Journées "portes ouvertes" ? Et j'avais pas reçu l'invitation ? Elle va voir quand elle va rentrer à 5h, sans maquillage !

Je ne comprends plus rien. J'avais cru... RRrrraann ! Ca me remue les trippes de dire ça. J'avais cru qu'on s'aimait. Point final. C'est à se taper la tête contre les murs. Je croyais qu'elle resterait tranquille à la maison avec un bon bouquin, comme d'hab', à attendre 5h du mat', que je rentre avec ma braguette maquillée ! Passons.

Je l'ai peut-être un peu enfermée. Du moins, je pensais que la porte de l'appart' était une sécurité. Qu'elle ferait ce qu'elle voudrait de son côté et que de temps en temps, elle pourrait prendre l'air à la fenêtre. Moi ? Un maton ? Meuh non. Mais quand on sait sa femme chez soi, même si elle s'emmerde à en crever, on se dit que tout va pour le mieux, même si on sait pas ce qu'elle fait. A la limite, à 5h du mat' on fait le débriefing et hop, voilà. J'ai laissé la porte ouverte. J'en chialerais comme un môme à qui on confisque son GI Joe. Oh ! Mary, si tu savais... Reviens ! On va vivre la main dans la main ! Je sais plus quoi dire, bon sang. J'en kiffais vraiment pour elle et j'en trouverai pas dix autres qui lui arrivent à la cheville. On aura beau dire que c'est peut-être une aventure d'un soir, ça ne me consolera pas. Ma p'tite DS. Ma Ferrari. Je vais pas me rabattre sur une vulgaire 2CV, promis. Mais rentre à la maison. Si tu veux, je laisserai la porte grande ouverte. Je te laisserai toute ta liberté.