Un chien à son balcon - 3 -
scribleruss
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- Suite de 2 -
Henriette Bourdin vivait, lui semblait-il, un peu plus heureusement depuis que monsieur le Baron vivait avec elle.
Mais un jour, mais un jour la ronde quotidienne des bassines, des gamelles, des bols, des litières et la brosse à reluire - encore heureux qu'elle n'eût pas le chien à sortir trois fois par jour ! - cette ronde quotidienne l'épuisa, commença à l'énerver.
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Elle se dit que c'était un peu le mythe de Sisyphe - elle était cultivée - et qu'après tout ceci ressortissait à une grave pathologie. Car enfin s'agiter ainsi à longueur de journée autour de ce qui n'était qu'un morceau de plâtre moulé, façonné, coloré, laqué, était tout bonnement ridicule.
Cette gueule de chien commençait à la dérégler dans toutes les acceptions du terme, certes elle en approchait mais ce n'était pas encore acquis.
Ainsi pensait-elle depuis quelque temps lors de ses insomnies qui s'accroissaient de nuit en nuit. Mais femme de sang-froid et de raison, elle déculpabilisait en se disant qu'il y en avait tant d'autres qui fantasmaient sur des nains de jardin.
Cependant des fièvres nouvelles, ardentes et étranges venaient la troubler encore lui suggérant qu'un vrai petit chien à poils longs, qu'une petite boule de chair vivante, soyeuse et tendre, pourrait venir agacer heureusement par de singuliers lapements le rivage de ses tréfonds intimes, le creux de son ventre.
Un jour elle revint chez avec un petit chien à poils longs, une petite boule de chair vivante, chaude et soyeuse. Elle rentra monsieur le Baron dans le séjour qu'elle encapuchonna dans un grand sac poubelle noir parce qu'elle était bien organisée et ne voulait pas de saletés, et le coucha sur le dalflex de son vestibule.
Alors avec une force nerveuse, à coups de marteau bien assénés, les lèvres serrées, elle cassa la tête de monsieur le Baron et méthodiquement lui brisa son corps de céramique, et monsieur le Baron ne fut plus qu'un amas d'éclats, de gravats qui s'amoncelèrent dans le linceul-poubelle qu'Henriette Bourdin s'empressa de descendre dans le local idoine.
Cette tuerie barbare ne lui arracha aucun pleur. Avait-elle dans sa désespérante existence une seule fois pleurer ...
Le petit chien gémissait déjà lorsqu'elle remonta. Et sa petite queue frétillait avec l'alacrité d'une ablette qu'un pêcheur viendrait de sortir de l'eau.
Elle se mit au lit le soir même avec lui. C'était la première fois qu'elle éprouvait une douce chaleur et si apaisante au creux de son ventre. Son corps se détendit, ses jambes s'ouvrirent et le petit chien sous le drap vint se lover au creux de ses cuisses qui s'épanouirent, une petite langue vint y laper un coulis nouveau.
Les yeux d'Henriette chavirèrent soudain. Une chaude humidité noya son entrejambe jusqu'alors inexplorée. Ses jambes lisses et blanches se soulevèrent. Son corps se tendit, elle eut un cri, une vague impétueuse la submergea. Henriette perdit pied. Ses lèvres sourirent.
Elle n'avait jamais si bien dormi que cette nuit là.
µµµ
- ma1102013 -
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