Un conte de Noël - I

Olivier Verdy

Dan s'est assis sur un banc. Sa jambe lui fait mal. Et réveille ses autres douleurs. Quatre ans déjà sont passés. Quatre ans et trois jours pour être exact. Quatre ans et trois jours qu'une banale plaque de verglas a éteint les lumières de sa vie. Mille quatre cent soixante-quatre jours que sa vie s'est arrêtée. Net. Une glissade, une rambarde, un mois d'hôpital et un veuvage précoce. Son visage à demi-brulé et sa jambe qui le prive de tout sport ne sont qu'une goutte d'eau dans l'océan de son malheur. Si seulement son physique avait pu lui aussi céder, il serait mieux. Ailleurs. Avec elle. Dan voit les gens sans les regarder, des enfants jouent, les passants passent et rien ne lui arrache un semblant d'intérêt.

Il joue avec le bracelet de sa montre, souvenir d'un passé heureux quand deux hommes passent rapidement devant lui. Tiens, on dirait presque les men in black : costume et cravate noirs, chemise blanche, cheveux gominés. Quelques instants plus tard, ils repassent devant lui ; ils sont trois. Le troisième a plus l'air d'un touriste égaré: tenue d'hiver, sac cadeaux sous le bras. Dan les suit du regard distraitement et les voit entrer dans un van couleur sombre. Ouah. Comme à la télé. Peut-être que cet homme est en fait un extra-terrestre qui s'est mal conduit et qui vient d'être embarqué. Expulsion vers sa planète. Un léger sourire se dépose sur ses lèvres. Il regarde le van démarrer en trombe et s'éclipser dans la circulation.

«25-MIB», décidément même leur plaque appartient aux services secrets. Dan jette un coup d'œil à sa montre: Dix-sept heures. Peut-être qu'il est temps de se bouger et de rentrer chez soi. Un whisky pour se réchauffer. Un second pour se féliciter d'être sorti, un troisième pour l'apéritif, un quatrième en cuisinant – enfin en passant au micro-onde les plats préparés- et ensuite une bonne bouteille de vin. Peut-être plus tard un dernier whisky histoire de s'endormir sans horreur.

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