un foulard en soie noir

My Martin

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24 octobre 1734. Suisse 

Anna Göldi naît dans le canton de Saint-Gall -à l'est de Zurich. Région montagneuse 

La famille est pauvre  

 

15 ans. Dans sa commune d'origine, Sennwald, Anna est servante, pour différentes familles  

 

31 ans. Anna tombe enceinte. Le père de l'enfant est un soldat. Avant la naissance, il part à l'étranger  

Anna accouche. La nuit même de sa naissance, le bébé meurt d'étouffement -à l'époque, la mortalité néonatale est fréquente  

 

Anna est accusée : elle l'a tué  

Anna est condamnée au pilori, exposée à la vindicte publique 

Pendant six ans, elle devra rester enfermée dans la maison sa sœur 

 

Autre juridiction, le pays de Glaris (Glarus, en allemand) est à une journée de marche  

Anna part 

 

 

1780. Anna (46 ans) trouve un emploi dans la riche famille Tschudi - les parents Johann Jakob 1747-1800, Elsbeth née Elmer 1752-1789 et leurs cinq enfants -Susanna, Anna-Maria, Heinrich, Barbara et Elsbeth 

Sept autres enfants n'ont pas vécu 

 

Johann Jakob Tschudi. Médecin (33 ans), membre du Conseil et juge de Glaris 

 

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1781. Anna Göldi dépose une plainte pour harcèlement sexuel, contre son employeur 

Journaliste et juriste, Walter Hauser a retrouvé la trace du dépôt de la plainte -non le document lui-même 

 

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Octobre 1781, matin. Anne-Miggeli (Anna-Maria. 1773-1810. Huit ans ; la cadette de la fratrie) voit une aiguille, au fond de son bol de lait 

Chaque matin, pendant une semaine. Une aiguille 

 

Anne-Miggeli crache des épingles ensanglantées 

 

Anna fait office de gouvernante et prépare le petit déjeuner pour les enfants. Le Dr Tschudi accuse la servante 

Renvoyée. Anna quitte la commune 

 

 

Dix-huit jours plus tard, Anne-Miggeli est prise de convulsions 

Elle crache des épingles 

 

Anna n'est plus dans la maison mais les soupçons se portent sur elle ; Anna a ensorcelé Anne-Miggeli 

 

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Le Dr Tschudi établit un procès-verbal  

"Anne-Miggeli. Les muscles de la jambe gauche sont tétanisés, quasiment transformés en plumes de fer. Le pied est paralysé [...]" 

 

Susanna (l'aînée, 12 ans. 1771-1801), présente aussi des symptômes préoccupants 

 

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Un mandat d'arrêt est lancé contre Anna 

25 janvier 1782. Neue Zürcher Zeitung (NZZ), journal quotidien suisse en langue allemande  

 

Anna Göldi a commis "l'acte incroyable d'apporter une quantité d'épingles et autres choses par des moyens secrets et presque incompréhensibles, contre une enfant innocente de huit ans" 

"Environ quarante ans, stature imposante, à l'allure épanouie et rougeaude, des cheveux et des sourcils noirs, avec des yeux quelque peu malades et grisâtres" 

Elle est vêtue d'une jupe moyennement colorée, un haut de corps bleu avec des rayures, en dessous un corset bleu, une veste damassée et grise, des bas blancs, un bonnet noir, en dessous une coiffe blanche et elle porte un foulard en soie noir 

Anna Göldi s'exprime dans son dialecte de Sennwald 

 

Pour la capture de la fugitive, une récompense de cent couronnes est promise  

 

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Un mois après, Anna est arrêtée. Prison, dans l'hôtel de ville de Glaris 

 

Anne-Miggeli entre en convalescence : Anna n'a plus d'emprise sur la fillette 

 

Le Conseil de l'Église protestante de Glaris est compétent pour les seules affaires de la sphère privée  

Mais pour cette affaire, il est chargé de mener la procédure judiciaire ; des proches, des amis du Dr Tschudi 

Huis clos 

 

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Anna est détenue pendant dix-sept semaines et quatre jours  

 

Interrogatoires 

Torture. Anna est suspendue par les pouces, les mains attachées dans le dos, des poids attachés aux chevilles 

Anna avoue ; elle a agi sur l'injonction du diable  

 

A l'époque, l'accusation de sorcellerie commence à être dépassée. Qualifier Anna d'empoisonneuse limite la portée de l'affaire  

Le Conseil de l'Église protestante condamne Anna à mort, pour empoisonnement 

Des documents sont détruits 

 

*  

 

Jeudi 13 juin 1782. La place publique de Glaris. L'échafaud  

 

La foule, bruyante 

 

Le bourreau tranche la tête d'Anna Göldi (48 ans)  

 

Son corps est enterré sous l'échafaud, hors de toute terre consacrée  

 

Walter Hauser, journaliste. « Après le procès, le Dr Tschudi demande un document officiel, attestant qu'il n'a jamais soumis Anna Göldi à l'acte de chair » 

 

 

Soumis à la censure, les journaux suisses ne rendent pas compte du jugement et de l'exécution 

 

L'affaire passionne la presse allemande 

Deux journalistes se rendent à Glaris, dont Heinrich Ludwig Lehmann 1754–1828 

 

Dans la commune, des habitants sont révoltés par cette barbarie d'un autre temps 

 

Le greffier durant le procès, Johann Melchior Kubli, permet discrètement aux journalistes, d'accéder à des pièces du dossier 

Les aveux d'Anna ont été extorqués sous la torture. Le procès est inique 

 

Publiés en 1782 et 1783, les reportages des journalistes sont lus dans toute l'Europe 

 

 

*** 

 

 

Novembre 2007. Procédure de réhabilitation  

 

Mercredi 27 août 2008. Conseil du canton de Glaris. A l'unanimité  

En 1782, la servante Anna Göldi a été condamnée et exécutée, à l'âge de quarante-huit ans, pour avoir empoisonné au moyen d'aiguilles magiques, la fille de son employeur  

Anna Göldi était innocente 

Un meurtre judiciaire  

L'instance était illégale. La justice, arbitraire.  

Incompréhensible et injuste, la sanction est annulée 


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